par Caroline Newhouse, économiste chez BNP Paribas
A l’issue des élections du 22 septembre, l’Union chrétienne-démocrate, le parti d’Angela Merkel, a obtenu son meilleur score depuis plus de vingt ans (41,5%). Mais elle a perdu son allié libéral traditionnel, le FDP, qui a raté son entrée au Bundestag, une première depuis 1949, avec un score inférieur à la barre des 5% (4,8%). Il manque 5 voix à la CDU-CSU pour obtenir la majorité absolue des sièges (311 sur 630). Le SPD remporte quant à lui 25,6% des voix, un score en hausse de 3 points par rapport à 2009 ; Die Linke 8,6% et les Verts 8,4%. A eux trois, les partis de gauche occupent désormais 319 sièges. Le parti eurosceptique, Alternative für Deutschland, obtient 4,9% des voix et frôle par conséquent l’entrée au Bundestag.
L’heure est désormais aux tractations politiques. C’est à Angela Merkel, dont le parti obtient le plus de sièges au Bundestag, qu’il revient de mener les négociations pour former un gouvernement. Celles-ci pourraient durer plusieurs semaines avant que les partis en présence trouvent un accord sur un « contrat de coalition ». La durée moyenne des négociations pour former un gouvernement de « grande coalition » est de 37 jours. Les plus longues (en 1976 entre le SPD et le FDP) ont duré 73 jours. En 2005 (entre la CDU-CSU et le SPD), elles avaient duré 65 jours. Le Bundestag se réunira une première fois avant le 22 octobre pour désigner son président.
Toutes les options sont ouvertes, certaines plus réalistes que d’autres. Dans l’hypothèse d’un échec des négociations, la Chancelière pourrait être conduite à organiser de nouvelles élections, et tenter d’obtenir la majorité absolue seule ou avec le FDP. S’il y a échec des tractations, la Chancelière peut aussi décider de former un gouvernement minoritaire CDU-CSU. Toutefois, il est probable, dans ce cas, que le SPD durcisse sa position au Bundestag comme au Bundesrat où il est déjà majoritaire et bloque quasi systématiquement le travail législatif. Enfin, toujours dans le cas d’un échec des négociations, une autre option consiste pour les partis de gauche à former un gouvernement majoritaire reposant sur une alliance SPD / Die Linke / Les Verts. Toutefois, les divergences entre les trois partis sont telles que ce scénario paraît peu probable. Somme toute l’option la plus réaliste reste une « grande coalition » entre la CDU et le SPD, comme cela a déjà été le cas entre 2005 et 2009.
Que faut-il attendre à court terme d’une « grande coalition » ? Sur le plan intérieur, les promesses de campagne d’Angela Merkel ont une grande chance d’être mises en œuvre, ce qui indiquerait un sérieux coup de pouce au pouvoir d’achat des ménages. Selon les estimations de la presse allemande, les mesures promises représentent plus de EUR 28 mds, environ 1% du PIB. Elles pourraient porter, entre autres, sur une revalorisation de certaines prestations familiales (EUR 7,5 mds pour les allocations familiales qui seraient augmentées de EUR 35 par mois), un plafonnement des loyers au moment du renouvellement du bail dans les villes où le marché immobilier est tendu, l’introduction d’un salaire minimum (à l’échelle fédérale pour le SPD vs. négocié entre partenaires sociaux dans chaque land et chaque secteur pour la CDU-CSU) et une réforme du mode de calcul de l'impôt sur le revenu qui, progressivement, favoriserait les familles avec enfants.
Par ailleurs, l’Etat fédéral devrait dépenser au moins EUR 25 mds supplémentaires dans un vaste programme d’infrastructures routières et technologiques, étalé sur quatre ans et bienvenu après les inondations du printemps dernier et compte tenu de l’obsolescence du réseau de communication. Sur chacun de ces points de la plateforme de la CDU-CSU, le SPD pourrait apporter son soutien, sans trop de difficultés. D’autres propositions de la CDU, comme la revalorisation des retraites des mères de famille, sont plus controversées.
A contrario, il ne faut pas s’attendre à un changement d’orientation de la politique européenne. En dépit des divergences affichées pendant la campagne, le SPD a voté en faveur des décisions prises par Angela Merkel dans la gestion de la crise au sein de l’Union monétaire. En outre, l’opinion s'oppose majoritairement à de nouveaux transferts de compétences vers Bruxelles et est hostile a l’idée d’une mutualisation des dettes. A contrario, les Allemands sont favorables à une Union européenne plus libérale, favorisant la compétitivité. Pour les ménages, une gestion vertueuse des finances publiques constitue la condition nécessaire pour garantir le plein emploi et préserver un environnement favorable aux entreprises.