Quels pays émergents sont les plus touchés par les événements japonais ?

par Edgardo Torija Zane, économiste chez Natixis

Le séisme et le tsunami qui ont dévasté le Nord-est du Japon – joints à l’alerte nucléaire toujours présente – suscitent des interrogations sur l’avenir de l’économie nippone mais aussi sur les conséquences (sur la croissance, sur la finance) de la catastrophe sur l’économie mondiale. Nous ne pouvons pas prévoir convenablement l’impact économique de la catastrophe japonaise, vraisemblablement un effet négatif dû à la destruction de capital serait suivi d’une accélération de la croissance avec les efforts de reconstruction à l’image de ce qui est arrivé en 1995 après le séisme de Kobé.

Cependant, nous pouvons raisonnablement évaluer quels pays seraient les plus concernés par les changements de la conjoncture japonaise. Nous nous intéressons aux pays émergents et considérons deux canaux de transmission: la finance et le commerce.

Les liens de nature financière entre le Japon et le reste du monde sont considérables. La mondialisation financière a intensifié les échanges et a favorisé l’apparition de flux de capitaux massifs en provenance de et destinés au Japon. La Bourse de Tokyo est la deuxième place boursière après celle de New York. Les rapports financiers du Japon sont très importants avec les pays occidentaux mais aussi avec les pays émergents. A la suite des accords de Plaza de 1985, qui ont impliqué une réévaluation du yen (qui est passé de 250 yens pour un dollar à 125 en 1987), les entreprises japonaises ont commencé à accélérer leurs investissements à l’étranger (Indonésie, Thaïlande, Philippines, métropoles et zones franches de la Chine) pour délocaliser des activités dans des secteurs intensifs en main d’œuvre et utiliser ces régions comme bases d’exportation. Les secteurs choisis ont été le textile, l’électronique, l’acier et l’automobile. Le Japon devient alors le principal investisseur direct en Thaïlande, aux Philippines et en Corée et le deuxième ou le troisième en Malaisie, à Singapour et en Indonésie. En revanche, la circulation de l’épargne entre le Japon et l’Europe émergente ou l’Amérique latine est moins dense, bien que le Japon ait fortement investi dans le secteur minier et énergétique latino-américains.

Quant au commerce de biens et services, sur les dix dernières années, les échanges de l’Asie émergente avec le Japon ont pesé pour 9% des échanges totaux de la région. En revanche, les pays d’Amérique latine, mis à part le Chili, le Pérou et le Mexique – dont l’ouverture sur le Pacifique encourage les échanges, sont moins exposés aux fluctuations de la demande japonaise. L’Europe Centrale et Orientale est encore moins concernée, le Japon n’étant pas un partenaire commercial privilégié. En Asie, les craintes sur les échanges intra-régionaux touchent spécialement le secteur de l’industrie automobile et de l’électronique. Le Japon est en effet le principal producteur de biens intermédiaires et de capital pour les chaines de production asiatiques. La production automobile thaïlandaise pourrait ainsi être touchée par des ruptures de composantes importées du Nord-est du Japon, et devrait éventuellement trouver des substituts.

Quant à l’industrie électronique, les firmes coréennes subissent déjà la hausse du prix des puces à mémoire, l’offre en provenance du Japon (36% du total de cette composante) ayant été temporairement interrompue, mais aussi par la propre sur-réaction du marché. Les Philippines, où le secteur électronique représente environ les deux tiers des exportations totales de biens manufacturés, observeront de près la trajectoire de l’offre et du prix des inputs en provenance du Japon. Concernant les matières premières, les producteurs d’énergie (Indonésie, Malaisie, Vietnam) pourraient bénéficier d’une demande accrue en provenance du Japon, même si pour l’heure le gaz russe semble être utilisé comme substitut.

L’impact économique de la catastrophe au Japon est à l’heure actuelle hypothétique. Les pays émergents les plus concernés par les événements sont, sans surprise, les émergents d’Asie, qui ont renoué, surtout à partir des années 1980, des liens très étroits avec le Japon tant sur le plan financier que commercial. Parmi ces pays, la Thaïlande, la Malaisie, les Philippines, la Corée et Singapour, sont les plus exposés à la conjoncture japonaise, alors que l’Inde et la Chine sont plus épargnées. Outre de potentiels effets globaux des événements (éventuelle poussée additionnelle des prix des matières premières, ralentissement de la croissance mondiale), l’Amérique latine et l’Europe centrale et orientale apparaissent être moins directement exposées.

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