par Sherban Tautu, Head of Global Investment Solutions chez SYZ Private Banking
Les marchés actions ont perdu 33 % entre le pic du 19 février et le creux du 23 mars, soit en seulement 23 jours de cotation, et ont rebondi de 22 % depuis. La rapidité avec laquelle la situation évolue est absolument inédite, à tel point que le mois de mars 2020 a enregistré le krach financier le plus rapide de l’histoire.
Mais cette crise soudaine ne frappe pas uniquement les actions mondiales. De fait, aucun actif risqué n’est épargné. Ainsi, les obligations d’entreprise, les obligations à haut rendement, les obligations convertibles, les CLO, l’or, le pétrole et les matières premières, le bitcoin ou encore les véhicules de private equity cotés sont également touchés. Ces variations brutales nous rappellent qu’aucun investissement n’est totalement dénué de risques.
Du reste, les marchés ne sont pas les seuls à subir de telles pertes en un temps record. Les restrictions imposées par la plupart des gouvernements afin de tenter de maîtriser la situation sanitaire et médicale liée à la pandémie de COVID-19 entraînent également des perturbations économiques d’une ampleur et d’un rythme sans précédent et aux effets durables.
Un impact énorme
Goldman Sachs prévoit que le PIB des Etats-Unis baisse de 40 % au premier semestre 2020. Partout dans le monde, des secteurs entiers ont tout à coup été mis à l’arrêt, avec des effets immédiats sur les revenus des entreprises. De nombreuses personnes ont perdu leur emploi et les chaînes d’approvisionnement sont fortement perturbées.
Dans certains secteurs, les entreprises endettées se trouvent déjà en grande difficulté malgré les aides promises par les gouvernements. Outre des perspectives économiques incertaines, il faut également composer avec un choc pétrolier tout aussi brutal. Les cours ont en effet atteint leur plus bas niveau en 21 ans. Le niveau d’endettement de nombreuses entreprises américaines du secteur du pétrole de schiste devient d’ailleurs problématique. Cela étant dit, le système bancaire se porte bien et est beaucoup plus solide qu’il ne l’était lors de la crise financière de 2008.
On s’attend à une reprise vigoureuse et rapide de l’économie. Le PIB des Etats-Unis devrait même remonter à son niveau de 2019 en seulement six trimestres. Contrairement à ce qui s’était produit lors de la dernière crise financière, cette fois-ci, la faute n’est pas imputable aux marchés financiers ni aux acteurs de ces marchés. De fait, le responsable de cette récession n’est autre que le virus, tandis que les dirigeants politiques font tout leur possible pour protéger la population et l’économie.
Des signes favorables
Pour renforcer la reprise, les restrictions actuelles devront être progressivement assouplies entre les mois de juin et de septembre. Sur le plan économique, les taux d’intérêt mondiaux qui restent à zéro sont favorables. En outre, il est crucial que les mesures de soutien aux citoyens et aux entreprises annoncées par les gouvernements soient efficacement mises en place pour voir la situation s’améliorer.
L’effondrement des cours du pétrole d’environ 50 % se traduit par une hausse du pouvoir d’achat de 1 %. Des mesures de relance budgétaire au profit des entreprises et du secteur privé seront également utiles pour doper les économies nationales. Des plans d’infrastructures de très grande envergure commencent d’ailleurs à être annoncés, ce qui devrait aider les pays développés à sortir de cette impasse.
Toutefois, il est à l’heure actuelle impossible de prédire si les marchés financiers connaîtront une reprise en V, en U, en W ou si nous nous dirigeons vers un scénario en L. Avant le choc lié au coronavirus, le spectre de la « japonisation » (croissance et inflation faibles) planait déjà sur les économies développées. Or, la paralysie de l’économie mondiale risque fort d’intensifier ce processus. Seul l’avenir nous dira combien de temps cette situation durera.
Les défis qui se profilent concernent le marché du crédit, y compris les obligations souveraines, compte tenu des sommes colossales que les Etats empruntent actuellement. Les obligations d’entreprise vont connaître de nombreuses révisions à la baisse, ce qui pourrait provoquer une nouvelle correction au deuxième et au troisième trimestres. Les marchés actions feront quant à eux l’objet de moins de rachats de titres et d’une diminution des dividendes, ce qui devrait amoindrir le soutien du marché et renforcer la volatilité des valeurs.