Ralentissement chinois au premier trimestre

par Philippe Waechter, Directeur de la recherche économique chez Natixis AM

Au cours des trois premiers mois de l'année, le taux de croissance chinois a été de 7.4 % en taux annualisé par rapport au dernier trimestre 2011. Ce chiffre était de 8.2 % sur les 3 derniers mois de 2011. Sur un an, l'activité a progressé de 8.1 % après 8.9 % au dernier trimestre 2011 et une croissance moyenne de 9.2 % pour l'ensemble de 2011. L'économie chinoise ralentit de façon significative mais il n'y a pas de rupture.

L'observation des composantes de l'activité en Chine permet de souligner que les ventes de détail, progressent à un rythme modéré au regard des 10 dernières années.

On note et c'est certainement le point clé à relever que l'investissement ralentit de façon significative depuis l'automne 2011. Cela concerne aussi bien l'investissement productif que l'investissement immobilier (qui ralentit même un peu plus vite). Jusqu'en 2009 leur rythme de progression était supérieur à 20 %; il est de 7.6 % au mois de mars sur un an.

Le modèle remis en cause

La dynamique du modèle chinois depuis le début des années 2000 (entrée de la Chine à l'OMC fin 2001) a reposé sur l'investissement et les exportations; la dynamique de l'un entrainant celle de l'autre. La consommation a eu un rôle plus réduit et n'a pas eu le rôle moteur que l'on constate dans les pays industrialisés.

Ce modèle est remis en cause pour deux raisons: la première est qu'il y a probablement eu du surinvestissement en Chine au cours de la reprise de 2009-2010 comme cela peut être constaté (…) avec des taux de croissance supérieurs à 30 %. La deuxième raison est que la progression des exportations chinoises reste largement conditionnée par la croissance aux Etats-Unis et en Europe. Au regard des perspectives de croissance dans ces deux régions, les exportations ne vont pas spontanément repartir de l'avant.

Les deux ressorts du modèle chinois sont fragilisés. Ce constat incite à rééquilibrer le processus de croissance davantage vers la consommation afin de rendre la dynamique chinoise plus autonome. Ce changement de repère prendra du temps parce qu'il nécessite la mise en place d'institutions sociales incitant les ménages à épargner moins et donc à dépenser plus.

Conséquences

A court terme les incidences sont de deux types. La première est une lecture moins aisée des indicateurs conjoncturels chinois car le modèle ne fonctionne plus de la même façon. Les enquêtes du type PMI donnent des signaux parfois contradictoires entre l'indicateur officiel et l'indicateur privé. L'économie chinoise n'a plus les mêmes impulsions que par le passé parce que l'environnement global a changé, moins de croissance aux USA et en Europe, et parce qu'en interne son allocation des ressources est altérée notamment via le ralentissement marqué de l'investissement.

La croissance restera plutôt lente au cours des prochains mois. Pour les pays européens principalement, cette situation n'est pas neutre car ils manquent d'autonomie dans leur croissance. La reprise connue en 2010 reflétait l'impulsion liée à l'expansion rapide du commerce mondial dans laquelle la Chine avait eu un rôle majeur. La conjoncture plus morose en Chine ne permet pas d'imaginer d'impulsion nouvelle du commerce mondial dont l'Europe pourrait à nouveau bénéficier. En d'autres termes, la moindre croissance chinoise va obliger les européens à mettre en œuvre des mesures favorisant la croissance pour rendre celle-ci plus autonome. Cela sera bénéfique à moyen terme mais pénalisant à court terme.