par Gilles Guez, Directeur général de BFT Investment Managers
Pour inciter les épargnants à financer davantage nos entreprises, sociétés de gestion et distributeurs doivent miser sur des offres de placements lisibles, en lien avec l’économie réelle et généraliser l’investissement socialement responsable.
Avec 5.000 milliards d’euros d’encours, l’épargne financière des Français a franchi un cap historique en 2017(1). Au cours des prochaines années, cette épargne devrait continuer à croître sous l’impulsion des réformes et lois successives (dont la prochaine loi Pacte) qui inciteront à la constitution d’une retraite complémentaire, à l’élargissement de l’épargne salariale, et à la constitution de plan d’épargne. Cette épargne supplémentaire est disponible pour le financement de l’économie française et donc pour nos entreprises. Pourtant, ce lien entre placements financiers et financement de l’économie n’est pas directement observable par l’épargnant. Rendre cette équation lisible (« placements = financement ») constitue un enjeu important pour accélérer cette évolution. Les sociétés de gestion et les distributeurs ont un rôle grandissant à jouer dans ce domaine au cours des prochaines années.
Il faut partir d’un constat : en France, la culture financière des épargnants est faible. A l’exception de quelques initiés, rare sont les épargnants qui connaissent l’utilisation qui est faite de leurs placements. 59% des Français pensent ainsi que leur épargne sert en priorité à financer l’activité des banques ! (2) Pourtant, ils désirent de plus en plus donner du sens à leurs placements financiers. De fait, 75% des épargnants souhaitent choisir les projets qui sont financés par leur épargne (3).
Dans un tel contexte, les sociétés de gestion et les distributeurs (banques, compagnies d’assurance, conseillers financiers…) ont un formidable défi à relever : accompagner cette transformation pour redonner, plus que jamais, un sens à l’épargne des Français. Pour y parvenir, nous mettons en avant deux axes prioritaires.
Rendre lisible le financement de l’économie
Plusieurs approches favorisent la lisibilité du financement de l’économie. Les produits d’investissement thématiques en actions constituent une réponse en mettant en avant le financement de secteurs porteurs d’avenir comme l’éducation, la technologie ou l’écologie. L’approche géographique est également une réponse à cette demande de lisibilité : investir pour financer l’économie française, voire les économies régionales est un thème porteur et facteur d’adhésion des investisseurs épargnants.
Cette démarche passe également par des mesures d’impact simples : quels sont les emplois créés par les entreprises financées, quel est le niveau des investissements réalisés en France, quelles sont les initiatives sociétales prises dans telle ou telle région. Ces mesures d’impact doivent enrichir les reportings à destination des investisseurs. Si le placement en actions de sociétés cotées permet assez facilement de faire le lien entre épargne et financement de l’économie, davantage d’efforts doivent être réalisés dans le domaine des placements obligataires. En effet, il y a autant d’intérêt pour l’économie de financer en actions les projets des meilleures start-up technologiques que de financer par la dette des projets d’infrastructures dont la génération de cash flows futurs permettra de rembourser cette dette.
Généraliser l’Investissement Socialement Responsable
Sous l’impulsion des pouvoirs publics et de grands investisseurs institutionnels, le développement de l’investissement socialement responsable (ISR) s’accélère. Notre conviction est qu’il va se généraliser par la force de la convergence. En France, l’Accord de Paris sur le climat (COP 21, décembre 2015) ou la loi de transition énergétique pour la croissance verte (août 2015), notamment son article 173, ont constitué une catalyse forte à cette accélération. L’intégration des problématiques d’environnement, de social et de gouvernance (ESG) devient progressivement l’affaire de tous les processus de gestion et de sélection des entreprises. Même si le point de départ de cette évolution provient du monde institutionnel, nous tablons à terme sur la même évolution dans le domaine de la distribution aux particuliers. Cette intégration progressive de l’analyse ESG est une opportunité à saisir par les gérants d’actifs pour donner du sens à l’épargne. Ici encore, la réussite passera par la qualité des reporting, utilisant tous les canaux de communication, notamment ceux issus des technologies digitales.
Redonner du sens à l’épargne doit nous permettre de revenir à la source de notre métier de gérant d’actifs. Il s’agit d’une occasion unique de mettre en lumière son rôle essentiel dans le financement de notre économie et nos entreprises. Pour l’ensemble des acteurs financiers, ce défi s’apparente à rendez-vous majeur pour renouer le contrat de confiance entre le secteur financier et les épargnants. Pour le bien des épargnants et celui de nos entreprises, ne ratons pas ce rendez-vous !
NOTES
- Rapport annuel de l’observatoire de l’épargne réglementée de la Banque de France
- Sondage Ipsos sur « Les Français, l’épargne et la retraite » réalisé un février 2018 pour Le Cercle des Epargnants
- Sondage OpinionWay « Les Français et l’épargne » réalisé en février 2017 pour Robin’Finance