par Nathalie Dezeure, économiste chez Natixis
Alors que les enquêtes suggéraient une reprise de l’activité dès le troisième trimestre (le PMI composite s’est redressé à 50 au T2-09 et 54 au T3-09), l’estimation préliminaire de la croissance s’est révélée particulièrement décevante. Le PIB a en effet enregistré une nouvelle baisse, reculant de 0,4%.
Il s’agit du sixième trimestre consécutif de baisse (une contre-performance historique), ce qui porte à 5,9% le repli du PIB depuis le début de la récession. Cette estimation préliminaire, bien que susceptible d’être révisée, nous conduit néanmoins à revoir à la baisse nos prévisions de croissance 2009-2010 (de -4% à -4,6% en 2009 et de -1% à -0,8% en 2010).
Révision baissière de la croissance 2009
Selon les chiffres de l’ONS, la baisse de l’activité a touché tous les secteurs. Elle a été particulièrement marquée dans la construction (-1,1%) et, de façon plus surprenante, dans l’industrie (-3,5%). Toutefois ce repli est largement attribuable au secteur de l’extraction (-3,5%), alors que la baisse de la production manufacturière a été contenue (-0,2%).
Du côté des services, la production dans les services aux entreprises et la finance n’a reculé que marginalement (-0,1% après -0,7% le trimestre précédent) mais l’activité dans la distribution, l’hôtellerie et la restauration a fortement chuté (-1%), constituant ainsi le principal contributeur à la baisse du PIB.
Le détail des comptes nationaux du T3-09 n’est pas encore connu, mais cette évolution suggère une nouvelle baisse de la consommation (-0,3% Q/Q attendu, soit -3,5% en GA). Vraisemblablement, la progression des ventes au détail (+0,9% T/T, +2,5% Y/Y) n’a pas permis de compenser le repli de la consommation de services (-0,4% au T3-09 après -1,3% pour les services aux ménages selon l’enquête de la BoE – Agents score).
Il semble que la croissance a également été affectée par certains effets pervers du plan de soutien. En particulier, si la prime à la casse se révèle efficace (hausse des immatriculations de véhicule de 11,4% en GA en septembre), elle a plus particulièrement favorisé les importations de véhicules dans la mesure où plus de 80% des automobiles vendues au Royaume-Uni sont importées. En conséquence, la contribution du commerce extérieur à la croissance devrait s’être dégradée.
Pas de reprise durable de la demande intérieure avant 2011. La reprise est donc reportée, toutefois notre scénario n’est pas modifié. Des éléments de soutien temporaire (stimulus– fin du déstockage) permettront un rebond limité de la croissance à la fois dans son ampleur et sa durée (+0,8% T/T au T4 09, +0,3% au T1 10). Par la suite, des chocs négatifs affecteront une nouvelle fois les ménages (hausse de la TVA en janvier, fin de la prime à la casse au plus tard début mars, relèvement de l’impôt sur les hauts revenus en avril) et la croissance devrait à nouveau se replier (-0,1% en T2 10).
L’évolution de la consommation dépendra de l’ampleur de l’ajustement à ces chocs qui se traduiront par une baisse du revenu. Elle reste également liée à la poursuite du désendettement. Or dans un contexte de dégradation continue du marché du travail (baisse de l’emploi, ralentissement des salaires) et de baisse de la richesse, les ménages devraient poursuivre l’ajustement de leur bilan.
Les résultats de l’enquête de confiance réalisée auprès des ménages (GFK NOP) confirment cette hypothèse, indiquant un redressement des anticipations d’épargne depuis le début de l’année.
En conséquence, la consommation des ménages ne bénéficiera d’aucun soutien en 2010 et enregistrera une croissance quasi-nulle.
La dernière enquête sur les conditions de crédit de la BoE révèle d’ailleurs que la demande de crédit à la consommation devrait continuer de reculer dans les mois à venir. De même, la hausse de la demande de crédits hypothécaires enregistrée au T2 et T3 ne devrait pas se confirmer en fin d’année.
Cette évolution confirme notre scénario selon lequel la hausse des prix immobiliers, soutenue au cours des derniers mois (l’indice Nationwide a progressé de 9,7% entre février et octobre et son GA atteint désormais +2,0%), devrait être plus modeste dans les mois à venir. En effet, l’évolution des demandes de renseignements sur les crédits va dans le sens de l’affaiblissement annoncé par l’enquête de la BoE. La reprise des transactions observée depuis le début de l’année devrait vraisemblablement se tasser dans les mois à venir.
Risque inflationniste ?
La publication des Minutes de la dernière réunion de politique monétaire a révélé une divergence d’opinion parmi les membres du comité concernant les perspectives d’inflation à moyen terme. Ces inquiétudes semblent partagées par le marché. Les anticipations d’inflation se sont en effet redressées au cours des toutes dernières semaines. La BoE souligne que cette évolution semble liée à des éléments de court terme. En effet, au cours des prochains mois, plusieurs facteurs devraient provoquer une hausse des prix. D’une part, les effets de base liés à l’évolution du cours du pétrole seront clairement haussiers. D’autre part, le relèvement de la TVA à partir de janvier 2010 (à 17,5%, contre 15 % depuis décembre 2008, une mesure phare du plan de relance britannique) se traduira également par une hausse de l’inflation. Enfin, l’évolution de la livre pourrait également alimenter la hausse de l’inflation.
Les effets de ces trois éléments sur les prix à la consommation devraient être les suivants :
- effet change : la baisse du taux de change effectif de la livre (TCE£) devrait se confirmer l’an prochain. Toutefois, elle restera limitée. D’après nos prévisions de taux de change EUR/GBP et GBP/USD, le repli du TCE£ en 2010 sera en moyenne de l’ordre de 2%. Par conséquent, et contrairement à 2009 (selon nos estimations, la baisse du TCE a provoqué une hausse de 0,3 point de l’inflation) l’effet change ne devrait pas être significatif en 2010.
- effet pétrole : la hausse attendue du prix du Brent en 2010 (+24%) devrait avoir un effet haussier de 0,3 point sur l’inflation compte tenu de la pondération des produits et services liés au pétrole..
- hausse de la TVA : cette hausse concerne environ 70% du panier de biens et services constituant le CPI. L’effet direct maximum du relèvement de la TVA sur le prix d’un bien est de 2,2%. Par conséquent, l’effet haussier sur le niveau du CPI est au maximum de 1,5%. Cela suggère cependant que l’intégralité de la hausse de la TVA sera appliquée aux prix de ventes, ce qui semble peu probable au regard de la faiblesse de la consommation des ménages. A titre de comparaison, en isolant les effets saisonniers, la baisse de la TVA en décembre 2008 a vraisemblablement provoqué une baisse directe du niveau des prix de 0,6% entre novembre 2008 et janvier, soit moins de la moitié de l’effet maximum.
D’autres facteurs contribueront néanmoins à limiter la hausse de l’inflation. Les capacités de production restent en effet largement sous-utilisées et la progression des salaires sera contenue.
Inflation et contraintes de capacités
Les derniers chiffres ont confirmé le ralentissement des salaires avec un glissement annuel MM3 qui est tombé à 1,6% bonus compris (1,8% en août) et à 1,9% hors bonus, un nouveau plancher historique. De même, selon les données du Labour Research Department, les hausses de salaires accordées dans le cadre de nouvelles négociations sont restées très modestes au cours des derniers mois.
En l’absence de tension sur les capacités de production et en raison de pressions salariales réduites (hausse de seulement 0,4% des CSU en 2010), l’inflation devrait donc rester contenue dans les mois à venir, malgré une forte volatilité.
En moyenne la hausse des prix serait de 2,1% en 2010, en hausse de seulement 0,1 point par rapport à 2009.
L’absence de tensions inflationnistes se confirmera en 2011 avec un ralentissement de l’inflation à 1,5%. En effet, l’absence de choc lié à une modification de la TVA se traduira par un effet de base baissier tandis que la progression attendue du cours du pétrole (+7% en moyenne) suggère un effet énergie très limité. Enfin, la hausse modeste des CSU (+1%) ne devrait pas être à l’origine de tensions inflationnistes.
Dans ce contexte – inflation contenue et reprise modeste de la croissance – nous n’attendons pas de modification de la politique monétaire de la BoE avant début 2011 et, a fortiori, lors du prochain comité de politique monétaire (4 et 5 novembre).
Les débats au sein du comité devraient porter sur l’éventuelle augmentation du programme d’achats d’actifs (APF), actuellement fixé à 175Md£. D’un côté, les Minutes de la réunion des 7 et 8 octobre ont révélé des divergences de vue concernant la balance des risques sur l’inflation à moyen terme suggérant un statu quo. De l’autre, l’estimation préliminaire du PIB du T3 a une nouvelle fois mis en évidence la fragilité de l’économie britannique. Nous pensons toutefois que ce chiffre ne devrait pas modifier le scénario de reprise de la BoE, qui a déjà plusieurs fois souligné sa fragilité et son caractère incertain. La publication de l’Inflation Report de novembre (prévue le 11) présentera une mise à jour des perspectives à moyen terme de croissance et d’inflation et devrait permettre d’évaluer plus précisément l’appréciation de la BoE concernant les risques qui pèsent sur les perspectives.
Nous continuons toutefois de penser que la BoE ne devrait pas envisager de sortie de l’assouplissement quantitatif sans deux conditions préalables: le redressement durable des dépenses nominales et des perspectives d’amélioration des finances publiques (la BoE détient près de 20% de l’encours de Gilts). Outre la disposition légale selon laquelle tout retrait du programme APF fait l’objet d’un préavis de 12 mois, ces deux conditions ne devraient vraisemblablement pas être réunies avant le second semestre 2010.