par Éric Bertrand, Directeur Général Délégué, Directeur des Gestions chez OFI Invest AM
Donald Trump, barrières douanières, Banques Centrales, IA, géopolitique, nul doute que ces cinq thèmes seront encore parmi les plus débattus au cours de l’année 2026.
Le nouveau locataire de la Maison Blanche a été au niveau des attentes… c’est à dire imprévisible. Bien qu’ayant prouvé son pragmatisme en multipliant les accords bilatéraux qui amoindrissent significativement l’effet délétère du « Libération day »(2) sur le commerce international, il continue à souffler le chaud et le froid. Le risque d’un engrenage protectionniste existe ainsi toujours avec ses conséquences sur la croissance mondiale. Ce risque, mais aussi les interrogations quant à la robustesse de l’économie américaine ne sont pour le moment pas suffisants pour pousser la Réserve fédérale américaine à adopter un ton plus volontaire quant à la poursuite de son programme d’assouplissement monétaire. Si une nouvelle baisse des taux paraît plus que probable avant la fin de l’année, l’amplitude du mouvement fait débat en ce qui concerne 2026. Nous ne pensons pas que le niveau de 3 % pour les Fed Funds sera franchi à la baisse, n’en déplaise à l’administration américaine qui tente d’exercer toutes les pressions possibles sur l’institution monétaire. Le remplacement de Jerome Powell en mai 2026, sera – du point de vue de l’indépendance de la Fed – important à surveiller.
La Banque Centrale Européenne semble plus prévisible. La croissance du Vieux Continent, plus forte qu’anticipé au premier semestre 2025, soutenue par les stocks, la consommation, l’investissement et un marché du travail stable rend une nouvelle baisse des taux moins urgente même si les perspectives économiques restent incertaines. Notre scénario est la stabilité des taux directeurs sur 2026.
À noter que plus à l’Est, la Banque du Japon est dans un cycle de resserrement depuis 2024, contrairement à la BCE ou la Fed. Dans ce contexte, nous prévoyons peu de volatilité sur la partie longue des taux d’intérêt de part et d’autre de l’Atlantique et il ne serait pas surprenant de voir atterrir le Bund et le taux 10 ans US en fin d’année 2026 à des niveaux proches des niveaux actuels. Nous avons une préférence pour la dette américaine compte tenu des baisses de taux de la Fed attendues en 2026 et de l’aspect défensif dans un portefeuille des obligations souveraines à 10 ans américaines en cas de scénario de stress.
Le spread OAT/Bund s’est stabilisé autour de 75 points de base en dépit des turpitudes de la politique française avec un gouvernement toujours instable mais qui réussit pour l’instant à préserver sa survie au prix de concessions budgétaires. Ces compromis, s’ils rassurent à court terme les investisseurs sur la stabilité, ne nous semblent pas à la hauteur des enjeux et des menaces de dérives sur la dette publique pour les années à venir.
Côté crédit, les spreads sont à des niveaux historiquement faibles tant sur les notations « Investment Grade » que sur le segment du crédit spéculatif à haut rendement (« High Yield »). Nous prévoyons que le portage restera toujours attrayant pour l’année qui s’annonce, mais nous considérons qu’il faudra plus que jamais se montrer sélectifs. Nous attendons une reconstitution de la prime de risque avant de nous repositionner.
Enfin, sur les actions, même si l’année n’est pas finie, elle marque pour à peu près toutes les bourses de la planète un retour à des plus hauts historiques. Pour autant, il ne faut pas perdre de vue qu’une grande partie de la hausse a été tirée par les valeurs liées de près ou de loin à l’Intelligence Artificielle. Dans ce domaine, les investisseurs s’interrogent de plus en plus sur les niveaux de valorisation qui semblent parfois excessifs même si les bénéfices sont au rendez-vous. Le spectre de l’éclatement d’une possible bulle pourrait accroître la volatilité des marchés, surtout quand les investissements colossaux réalisés devront prouver leur rentabilité.
En termes de choix géographique, nous sommes toujours confrontés au même dilemme : Wall Street est largement plus valorisée que les places européennes. Mais il faut l’admettre, c’est là que résident les géants technologiques. C’est pour cela que nous n’établissons pas de hiérarchie entre les deux principales places financières mondiales, notre préférence allant vers le Japon et les pays émergents qui bénéficient de plans de relance et d’une valorisation que nous jugeons plus attractive.
NOTES
(1) Même joueur, joue encore
(2) Le Jour de la Libération, terme utilisé par Donald Trump pour nommer le 2 avril 2025, journée de l’annonce des nouvelles mesures tarifaires importantes
