Secteur de la santé : la performance remarquée des prestataires de services

par  Rune Sand-Holm, Gérant de portefeuille chez DNB Asset Management

Depuis le début de l’année, les prestataires de services de santé se sont distingués, notamment les distributeurs de médicaments comme McKesson, les opérateurs hospitaliers tels que Tenet Healthcare ou encore les réseaux de laboratoires comme Labcorp Holdings. Leur résilience repose sur leur faible exposition aux droits de douane et aux récents changements de cap politique de l’administration Trump. À l’inverse, les assureurs santé se sont révélés le segment le moins performant, soumis à la pression de devoir réduire les dépenses liées aux programmes d’assurance subventionnés par l’Etat. Nous étions sous-pondérés sur ces valeurs depuis un certain temps, mais renforçons désormais sélectivement notre exposition, le rapport risque/rendement s’étant amélioré.

Le segment des sciences de la vie (pharma, biotech, outils et services) a également sous-performé, impacté par les velléités de Trump de réduire les prix des médicaments aux États-Unis ainsi que par une plus grande incertitude en matière de réglementation et de financement via la FDA (Food and Drug Administration) et le NIH (National Institutes of Heatlh). Au sein de ce segment, nous continuons de penser que le plus fort potentiel de croissance à long terme se trouve dans quatre domaines : les traitements contre l’obésité, la neurologie, la thérapie génique ainsi que l’inflammation et l’immunologie.

Le segment des medtechs a été moins affectée et a mieux résisté. Nous identifions toujours des opportunités attractives, en particulier chez les leaders en robotique, en solutions mini-invasives, en technologies cardiovasculaires et dans la prise en charge du diabète.

Donald Trump semble déterminé à imposer des baisses de prix significatives sur les médicaments aux États-Unis et à appliquer à court terme des droits de douane élevés à l’industrie. Nous continuons de penser que sa marge de manœuvre en matière de prix reste limitée et que des droits de douane plus élevés peuvent être absorbés, les entreprises ayant déjà commencé à relocaliser leur production aux États-Unis.

Les entreprises européennes disposent de sites de production diversifiés

Les entreprises européennes sont un peu plus exposées aux risques liés aux droits de douane et aux fluctuations monétaires, mais la plupart disposent de sites de production suffisamment diversifiés, ce qui permet d’atténuer ces risques. Novo Nordisk a récemment subi une forte pression et a connu une série de revers. La révision à la baisse de ses prévisions et l’annonce d’un nouveau directeur général n’étaient pas totalement inattendues, mais l’ampleur de cette révision – et la réaction brutale du marché – nous ont surpris. Nous avons consacré beaucoup de temps à analyser les hypothèses liées à ces nouvelles prévisions et à rencontrer le nouveau CEO, Maziar Mike Doustdar. D’après notre première évaluation, Novo est bien positionné pour atteindre, voire dépasser, ses nouveaux objectifs. Nous sommes également confiants dans sa capacité à relever certains des défis majeurs auxquels l’entreprise a été confrontée ces derniers mois. Nous avons donc profité du bas niveau actuel du titre pour renforcer notre position.

La réduction des financements publics par le HHS (US Departement of Health and Human Services) pourrait ralentir la recherche fondamentale sur les plateformes ARN messagers (ARNm) de nouvelle génération, notamment dans les phases de découverte précoce où les subventions publiques jouent souvent un rôle clé. Les petites biotechs, très dépendantes des financements NIH/HHS, devraient être les plus touchées, ce qui pourrait retarder le lancement de nouveaux projets de pipeline ou les contraindre à chercher des sources de financement alternatives. Les grands acteurs comme Pfizer, Moderna et BioNTech disposent de budgets R&D internes conséquents et de revenus commerciaux existants, ce qui leur permet de poursuivre leurs programmes sans interruption majeure. À long terme, l’innovation précoce dans les applications commerciales de l’ARNm au-delà du COVID-19 – en oncologie, dans les maladies rares et dans les vaccins contre les maladies infectieuses – pourrait toutefois ralentir si les financements publics restent limités.

Dexcom, Siemens Healthineers et IQVIA profitent de l’IA

L’intelligence artificielle (IA) apporte déjà des bénéfices tangibles au secteur de la santé, qu’il s’agisse d’accélérer le développement de médicaments, d’améliorer la précision des diagnostics ou d’optimiser les processus et les coûts sur l’ensemble de la chaîne de valeur. Dans le développement de médicaments, l’IA aide à identifier de nouvelles cibles thérapeutiques et à concevoir des études plus efficaces. En diagnostic et en dispositifs médicaux, elle améliore l’interprétation des images, personnalise le suivi des patients et renforce l’analytique prédictive.

Parmi les entreprises qui en tirent déjà profit figurent Dexcom, qui utilise des algorithmes d’IA pour affiner la mesure de la glycémie, Siemens Healthineers avec ses solutions d’imagerie et de workflow assistées par IA, et IQVIA qui recourt à l’IA pour accélérer le recrutement et le déroulement des essais cliniques.

Un terrain favorable à de nouvelles opérations de M&A

Nous avons assisté cette année à une poignée de transactions significatives, parmi lesquelles le rachat d’Intra-CellularTherapies par Johnson & Johnson pour 14,6 milliards de dollars et l’accord de Sanofi pour acquérir Blueprint Medicines pour un montant pouvant atteindre 9,5 milliards de dollars. Si ces opérations sont à souligner, le rythme global des fusions-acquisitions reste relativement modeste, principalement en raison des incertitudes politiques et tarifaires qui pèsent sur le marché américain de la santé.

À l’avenir, nous voyons de solides raisons structurelles de s’attendre à une accélération de ces opérations, dès que davantage de visibilité se dégagera aux États-Unis. Les grands laboratoires disposent de bilans solides mais font face à l’expiration de nombreux brevets, ce qui les oblige à reconstituer leurs pipelines, tandis que les valorisations des petites et moyennes biotechs restent proches de leurs plus bas pluriannuels. Cette combinaison devrait créer un terrain fertile pour de nouvelles transactions.

Focus sur quelques études cliniques

De nombreuses études déterminantes sont en cours dans l’ensemble du secteur, mais quelques résultats à court terme se détachent au sein de nos principales positions :

·       Eli Lilly : résultats de phase 3 pour le Retatrutide, un triple agoniste contre l’obésité et le diabète susceptible de définir un nouveau standard d’efficacité dans les maladies métaboliques, ainsi que d’autres études en phase avancée pour l’Orforglipron, un GLP-1 oral contre l’obésité et le diabète.

·       Novo Nordisk : résultats de phase 3 pour le Sémaglutide dans la maladie d’Alzheimer – qui pourrait devenir le premier GLP-1 à montrer une efficacité dans les pathologies neurodégénératives et lancement de la phase 3 pour l’Amycretin, un agoniste dual GLP-1/amylin destiné au traitement de l’obésité et du diabète.

·       AstraZeneca : résultats de phase 3 pour le Dato-DXd(Datroway) en traitement de première ligne du cancer du poumon non à petites cellules, qui pourrait constituer une avancée majeure dans les conjugués anticorps-médicaments, ainsi que résultats de phase 3 pour le Baxdrostat dans l’hypertension résistante/non contrôlée.

·       Roche : données de phase 3 pour le Giredestrant en combinaison avec Ibrance dans le cancer du sein HR+/HER2- en première ligne, ainsi qu’une étude comparative directe de phase 3 du Fenebrutinib face à l’Ocrevus dans la sclérose en plaques primaire progressive.

·       Sanofi : résultats de phase 3 pour l’Amlitelimab dans la dermatite atopique, un candidat non stéroïdien susceptible de devenir le meilleur traitement de ce segment en forte croissance de la dermatologie.