par Ad van Tiggelen, Stratégiste Senior, ING IM
Dans le monde développé, où la confiance des consommateurs demeure fragile, les banques centrales restent prêtes à actionner la presse à billets. La BCE est certes un peu plus modérée dans son utilisation des ‘stimulants non conventionnels’, mais elle est tout aussi disposée que les autres banques centrales à maintenir les taux d’intérêt à un faible niveau pendant longtemps. Le robinet monétaire est ouvert et le restera probablement pendant un certain temps. Comment les investisseurs doivent-ils agir dans ce contexte?
Les banques centrales ne sont pas les seules à injecter des liquidités dans le système. Ces derniers temps, les sociétés ont également contribué à la liquidité. Les bilans des entreprises sont en effet sains, alors que les dépenses d’investissement restent relativement modestes. Les sociétés ont dès lors à nouveau entamé des plans de rachat d’actions propres, tandis que l’on assiste à une multiplication des acquisitions, lesquelles sont généralement payées en cash. Nous vivons actuellement dans un monde au sein duquel la demande de capitaux de l’économie réelle est toujours très modérée, du moins dans les pays développés (dans les pays émergents, la situation est tout à fait différente).
La plupart des liquidités injectées restent dès lors bloquées dans l’économie financière. Tout cet argent doit être réinvesti.
Dans un tel contexte tiré par les liquidités, tant les marchés obligataires que les marchés d’actions peuvent performer de façon raisonnable. Les investisseurs ont toujours tendance à éviter les risques, de sorte que les fonds obligataires bénéficient d’entrées massives en dépit des taux historiquement faibles. Les obligations offrent après tout encore un supplément de rendement par rapport aux taux du marché monétaire. Malgré le message que le niveau très faible des rendements obligataires semble véhiculer – des perspectives peu brillantes pour la croissance économique –, les actions ont également affiché une performance honorable au cours des neuf premiers mois de 2010. Aussi longtemps que les investisseurs n’anticipent pas un second creux comme probable, le rendement élevé des cash-flows disponibles et les dividendes attrayants offrent clairement une compensation suffisante pour les risques encourus.
Les marchés tirés par les liquidités peuvent être propices tant aux obligations qu’aux actions aussi longtemps que la croissance économique n’est pas trop faible … et pas trop forte. En ce qui concerne ce dernier point, un rapide redressement de la demande de capitaux dans l’économie réelle soustrairait des liquidités de la sphère financière et entraînerait un renversement de la politique monétaire des banques centrales. Ceci provoquerait une hausse des taux d’intérêt qui serait préjudiciable aux marchés obligataires et à certaines actions à haut dividende. Cette tendance pourrait être positive pour les actions cycliques, mais les valorisations élevées de ces dernières limitent le potentiel de hausse.
Pour l’instant, les économies développées semblent toutefois continuer à “s’en sortir tant bien que mal”, ce qui n’est pas un scénario aussi mauvais qu’il ne peut paraître. Ceci ressemble à une reprise au ralenti, un exercice d’équilibre entre une faible consommation domestique et des risques souverains d’une part, et des banques centrales accommodantes et des entreprises saines, d’autre part.
Un exercice d’équilibre n’est cependant pas dénué de risques, d’autant plus que le ralentissement a été enrayé par des mesures non conventionnelles. Les banques centrales et les gouvernements doivent agir avec prudence, en particulier lorsqu’ils introduisent des stimulants (impression d’argent) ou les retirent (coupes budgétaires). Les investisseurs en sont conscients et acquièrent de plus en plus des “assurances” contre les erreurs des autorités, comme en témoigne la hausse du prix de l’or. Miser sur l’or est un pari contre la “normalité”!
Selon nous, le risque d’un second creux est plus élevé que le “risque” d’une reprise rapide, mais le scénario intermédiaire – avec une persistance de l’inflation modérée et des taux d’intérêt très faibles – est clairement le plus probable, du moins à moyen terme.
Dans ce contexte, les obligations d’Etat à échéance longue (des pays du noyau dur de la zone euro) et les actions distribuant des dividendes élevés et susceptibles de croître encore restent attrayantes.