par Raphaël Moreau, Gérant chez Amiral Gestion
Nul ne pourra dire le contraire : les small caps n’ont pas la cote depuis deux ans. Il n’y a qu’à égrener quelques chiffres pour s’en convaincre : lorsque le CAC 40 gagne 11,4% depuis la fin 2017, le CAC Small perd 18.1% sur la même période (du 31/12/2017 au 13/12/2019). De plus, au sein même de ce dernier indice, ce sont principalement les plus grosses valeurs qui ont dominé le palmarès cette année. Tout aussi symptomatique : 80% des entreprises du CAC Small sont dans le rouge depuis deux ans quand près de 60% de celles du CAC 40 s’inscrivent dans le vert.
Cette classe d’actifs des petites et moyennes valeurs, très (trop ?) à la mode en 2017 est ainsi véritablement délaissée depuis deux ans, provoquant une sous-performance quasi historique par rapport aux grandes capitalisations. Pour être précis, le record absolu remonte à la période mars 2018/fin octobre 2019 avec un CAC 40 en avance de 11,4% pour un CAC Small en chute de 22,2%. Un tel écart n’a jamais été constaté depuis la création de l’indice CAC Small. Ce désamour est tel que la valorisation des entreprises du private equity, pourtant par définition bien plus illiquides que les small caps, est aujourd’hui nettement plus élevée, avec des multiples d’Ebitda de 11,4x contre 8,4x pour les valeurs moyennes, un écart là aussi record (sources : Argos Index, Epsilon Research, InFront Analytics). Il n’a pas manqué de provoquer des sorties de cote ou des rachats d’actions de la part des managements. Rien que la semaine dernière, l’équipementier automobile Le Bélier et le n°2 mondial du bouchon de liège Oeneo ont fait l’objet d’OPA, de la part d’un groupe chinois pour le premier, et de la famille fondatrice pour le second.
Faut-il voir dans ce mouvement une fatalité ? Il est souvent difficile et tout aussi vain de faire des pronostics, surtout macroéconomiques. Il semble toutefois que ce retard colossal soit suffisamment impressionnant pour appeler une correction, et les arguments en faveur d’un tel rattrapage ne manquent pas. Comme l’alignement des intérêts entre les actionnaires et les dirigeants, souvent familiaux de ces petites entreprises, leur leadership sur des marchés de niche, leur capacité à croître plus vite, une valorisation inférieure aux grandes capitalisations, leur faible endettement et leur caractère opéable. Il n’est d’ailleurs pas anodin de voir que depuis le mois de juin dernier, pas moins de 20 offres publiques sur de petites capitalisations ont été annoncées. La preuve, s’il en fallait une, qu’il est tentant pour des acheteurs industriels ou les familles majoritaires de profiter des cours de bourse actuels peu élevés pour racheter les minoritaires.
Ce rattrapage est d’autant plus envisageable que le retard historique de ces derniers mois a essentiellement une origine technique (et non pas économique), cette classe d’actifs moins liquide étant pénalisée par les ventes de gérants subissant eux-mêmes d’importants retraits de leurs clients.
Signal qui en dit long ? On remarque depuis le mois de novembre un certain retour en grâce des micro caps. Les idées d’investissement ne manquent certes pas ; les industrielles à la tête de patrimoines tangibles, en bonne santé financière, au positionnement concurrentiel solide sont très intéressantes. Je pense notamment à Jacquet Metal Services, Akwel ou Installux. Reste à savoir si le regain d’intérêt constaté le mois dernier va se confirmer.
En se focalisant sur la seule valeur d’entreprise d’un échantillon de micro-industrielles par rapport à leurs capitaux employés, on constate un ratio de 1,3 fois à comparer à 3 fois fin 2017 et une moyenne historique de 1,8 fois. Ce qui veut dire que la valorisation actuelle de ces entreprises prend déjà en compte une récession majeure. On est loin des ratios constatés sur le CAC 40 ou les entreprises du Private Equity !