SYRIZA, Podemos même combat ?

par Jésus Castillo, économiste chez Natixis

Les nombreuses similitudes entre les deux nouveaux acteurs des paysages politiques grec et espagnol poussent nombre d’observateurs à s’interroger sur la possibilité de voir arriver au pouvoir en Espagne un parti radical de gauche comme cela vient de se produire en Grèce. De fait, les leaders des partis Podemos en Espagne et SYRIZA en Grèce ne cachent pas leurs affinités.

L’espagnol Pablo Iglesias s’est rendu plusieurs fois en Grèce pour soutenir le Grec Alexis Tsipras au cours de la campagne qui l’a finalement menée à la tête du gouvernement. Podemos tente depuis lors de surfer sur la vague SYRIZA pour consolider son discours auprès des espagnols désappointés par les deux partis qui se sont alternativement partagés le pouvoir depuis la fin du franquisme : le Parti Socialiste Ouvrier Espagnol (PSOE) pendant 21 ans et le parti populaire (PP) ou ses prédécesseurs de droite le reste du temps (17 ans).

En Grèce comme en Espagne, les deux partis se sont constitués autour de quelques messages simples : i/ le rejet des « castes » politiques qui à tour de rôle ont conduit leurs économies à la crise et par la suite ont mis en place des politiques d’ajustements sévères ii/ la volonté de proposer une alternative à un monde politique considéré comme corrompu et plus en phase avec les attentes des citoyens, d’où la désaffection des électeurs vis-à-vis des politiques iii/ la conviction que d’autres politiques économiques sont possibles en garantissant une plus grande justice sociale notamment vis-à-vis des personnes les plus fragiles.

Si sur les questions d’éthique politique (lutte contre la corruption, renouvellement démocratique, réappropriation de la politique par les citoyens, etc…) les deux partis sont effectivement proches, la convergence sur les thématiques économiques est par contre plus difficile à cerner. En effet, chez SYRIZA comme chez Podemos l’on retrouve des thèmes de campagne fédérateurs autour de la légitimité de la dette ou des mesures d’austérité. Néanmoins, ces thèmes constituent selon nous davantage des arguments de rassemblement que de véritables bases de programme. L’expérience de quelques semaines du nouveau gouvernement grec montre en effet à quel point il est difficile (voir impossible) de mettre en œuvre des mesures de cet ordre. Alexis Tsipras a ainsi très vite renoncé à une demande d’effacement de dette et la possibilité de revenir sur nombre des mesures d’austérités dénoncées pendant sa campagne est en train de se réduire comme peau de chagrin. Mais ce qui fait ou fera la différence entre SYRIZA et Podemos en termes de politique économique dépend du point de départ desdites politiques.

En effet, de nombreux indicateurs en Grèce et en Espagne présentent des évolutions comparables : le taux de chômage proche des 25% dans les deux pays (50% chez les jeunes !), des pertes importantes de richesse par tête, une baisse des dépenses publiques de santé et d’éducation, la stagnation et/ou la baisse des retraites (cf La situation de l’Espagne est-elle comparable à celle de la Grèce ?). Mais au final, malgré ces similitudes, la situation de départ est plus grave en Grèce. En outre, contrairement à la Grèce, le redémarrage en Espagne semble plus rapide et solide. Ainsi, malgré le poids de l’héritage de la crise les perspectives apparaissent meilleures en Espagne.

Dans ces conditions il serait assez contreproductif, même pour des leaders qualifiés de « radicaux », de remettre en cause les premiers fruits des efforts accomplis jusqu’à présent. Ceux-ci peuvent en effet critiquer la voie de l’austérité qui a été choisie au début de la crise pour redresser l’Espagne et la Grèce, ainsi que le coût associé à cette politique, mais il parait désormais trop tard pour revenir en arrière sans casser la reprise.

L’expérience SYRIZA en Grèce devrait ainsi être une source d’apprentissage très importante pour les dirigeants de Podemos, qui d’ailleurs non sans raisons tardent à formuler leurs propositions économiques. Ainsi, il nous semble que d’ici les élections législatives prévues fin décembre 2015 en Espagne, la poursuite de l’amélioration conjoncturelle, la solution (quelle qu’elle soit) d’ici cette date de la crise grecque et les sujets de politique intérieure en Espagne (notamment la question de l’autonomie des régions1, des affaires de corruption) viendront atténuer les attentes sur les questions d’économie. Podemos aurait ainsi l’opportunité de réorienter son programme économique vers une approche plus proche de celle des socio- démocrates européens, tout en continuant d’axer son discours sur la réforme des institutions politiques du pays afin de se différencier des autres grands partis.

NOTE

  1. Elections régionales anticipées en Andalousie le 22 mars, en Catalogne le 27 septembre (sur la question de l’indépendance) et le 24 mai dans les 15 autres régions en même temps que les municipales.

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