par Marie-Hélène Duprat, économiste chez Société Générale
• Au lendemain de la crise de 2008, les taux d’intérêt des pays les mieux notés sont tombés à des niveaux inédits. Et, en Europe, bon nombre d’entre eux sont passés en territoire négatif. Il s’agit là d’une situation tout à fait extraordinaire : même pendant la dépression des années 1930, les taux nominaux n’avaient pas basculé en territoire négatif. Pour de nombreux observateurs, les banques centrales sont responsables de cette situation. Plus vraisemblablement, les taux sont bas parce que l’économie est faible.
• La théorie économique suggère l’existence d’un taux d’intérêt d’équilibre qui fait coïncider épargne et investissement au plein-emploi des ressources. Aujourd’hui, à l’heure du surendettement, il est très probable que le taux d’équilibre réel ait reculé à un niveau exceptionnellement bas, voire négatif. Et les banques centrales s’emploient à rapprocher les taux effectifs de ce taux théorique, afin de ramener l’économie à son potentiel.
• Le problème, c’est qu’il existe un niveau en dessous duquel les taux d’intérêt nominaux effectifs ne peuvent pas descendre. Ce plancher se situe légèrement en dessous de zéro. Et du fait de son existence, les taux effectifs n’ont vraisemblablement pas pu baisser jusqu’au niveau du taux d’équilibre, ce qui pourrait expliquer pourquoi la récession qui a suivi la crise de 2008 a été aussi forte et pourquoi la reprise qui l’a suivie est, elle, aussi poussive.
• Qu’attendre de l’avenir ? Si des tensions haussières ponctuelles sont inévitables compte tenu de l’extrême faiblesse actuelle des rendements, il est très peu probable que les taux d’intérêt renouent rapidement avec leurs niveaux historiques en raison, principalement, de l’interaction entre borne inférieure des taux et pressions du désendettement. Les grandes économies avancées ayant vocation à rester en sous-régime pendant un certain temps, les taux d’intérêt resteront bas pendant une période prolongée.
Le 8 avril dernier, la Suisse est devenue le premier pays au monde à émettre de la dette à 10 ans à un taux négatif. Le 17 avril, le Bund à 10 ans est tombé à seulement 0,05 % et, à un moment donné, les emprunts allemands de maturité allant jusqu’à huit ans affichaient tous des rendements nominaux négatifs. L’an passé, l’Espagne, la Suisse, l’Allemagne, l’Autriche, la Finlande et la France ont placé de la dette à court et moyen terme à un rendement négatif, ce qui signifie que les investisseurs ont accepté de payer des intérêts pour avoir le privilège de prêter à des États considérés comme sûrs. Il s’agit là d’une situation tout à fait extraordinaire : même pendant la dépression des années 1930, les taux nominaux n’étaient pas passés sous la barre des 0 %. Fait marquant, les rendements obligataires des principaux pays européens ne sont pas les seuls à toucher des points bas inédits : les rendements d’autres grandes zones monétaires à hauts revenus (États-Unis, Japon et Royaume-Uni) sont également à des niveaux historiquement bas même si, exception faite du Japon, ils ne sont pas tombés aussi bas qu’au cœur de l’Europe.
Les inquiétudes se sont multipliées sur une possible déconnexion des prix des obligations souveraines de leurs fondamentaux économiques, notamment dans les pays du cœur de la zone euro. Ces derniers mois sont venus témoigner de la nervosité des investisseurs. Mi- avril, le rendement du Bund allemand a flambé, déclenchant de fortes turbulences sur les marchés obligataires à travers le monde. Le niveau de volatilité a été impressionnant : après avoir reculé à -0,115 % le 28 avril, le rendement du Bund à 5 ans est brièvement remonté à +0,23 % à la mi-juin, traduisant des ventes massives de titres. La correction obligataire européenne a traversé l’Atlantique, la forte poussée des rendements allemands ayant réduit l’attrait relatif des bons du Trésor américain. Pourtant, les rendements nominaux longs des pays les mieux notés, qui se sont repliés depuis, continuent de flirter avec leurs plus bas historiques. Aussi la question qui hante les investisseurs est-elle de savoir ce qui se produira demain. La réponse dépend de ce que l’on considère Pour certains observateurs, cette cause doit être recherchée dans les mesures non conventionnelles des banques centrales. Il est souvent avancé que les politiques de taux zéro et les vastes programmes d’achat d’obligations souveraines des banques centrales ont créé une immense bulle obligataire vouée à éclater lorsque ces mesures non conventionnelles prendront fin, avec à la clé des pertes massives pour les investisseurs. D’autres estiment que la faiblesse actuelle des taux est, avant tout, le symptôme d’un excès d’épargne à l’échelle mondiale. Pour eux, la longue baisse des taux d’intérêt sur les deux dernières décennies reflète principalement le recul du taux d’intérêt d’équilibre (ou « taux naturel »), qui fait coïncider épargne et investissement en situation de plein emploi. Si cette hypothèse est correcte, cela signifie que la faiblesse des taux d’intérêt (donc le prix élevé des obligations) dans les grandes économies avancées est pleinement justifiée par les fondamentaux économiques sous-jacents, ce qui revient à dire qu’il n’y a pas de bulle sur le marché des obligations de qualité.
La présente étude reviendra tout d’abord sur les principaux événements qui ont affecté les taux d’intérêt nominaux longs au cours des dernières décennies. Puis, sur cette base, elle arguera que, même si plusieurs facteurs (à commencer par la résistance des investisseurs à la baisse incessante des taux et leur passage en territoire négatif) peuvent ponctuellement provoquer la hausse des rendements obligataires souverains, les fondamentaux économiques des principaux pays avancés sont trop fragiles pour que les rendements des titres sûrs renouent avec leurs niveaux historiques dans un avenir proche. Les banques centrales n’y sont pas considérées comme la principale cause de la baisse des taux d’intérêt, mais sont plutôt vues comme accommodant les tendances économiques sous-jacentes responsables de la baisse du taux d’intérêt d’équilibre, voire de son passage en territoire négatif. L’étude souligne également que le plancher des taux directeurs auquel sont actuellement confrontées les banques centrales (qui peut être envisagé comme un prix minimum qui fausse les conditions de marché) empêche très probablement les taux d’intérêt effectifs de baisser jusqu’au point d’équilibre. Et l’absence de mécanisme normal de compensation pourrait expliquer pourquoi l’économie peut rester en déséquilibre pendant longtemps, avec un déficit de demande en biens et en facteur travail. À cet égard, la situation que connaît le Japon depuis les années 1990 est riche d’enseignements.
Au final, même si des tensions haussières ponctuelles semblent inévitables compte tenu de l’extrême faiblesse actuelle des taux, les rendements devraient rester inférieurs à leurs niveaux historiques pendant une période prolongée (en fait, aussi longtemps que l’épargne mondiale n’affichera pas un repli marqué ou que l’investissement mondial n’amorcera pas un rebond substantiel).
Un repli séculaire des taux nominaux longs
*) La longue baisse des taux d’intérêt nominaux
Jamais, dans l’histoire économique récente, les rendements souverains ne sont descendus aussi bas pendant aussi longtemps dans la majeure partie des économies avancées. Les rendements (qui évoluent à l’inverse des prix) des obligations d’État des grandes économies à hauts revenus ont atteint un point haut au début des années 1980 et connaissent depuis lors une baisse tendancielle, qui suggère que des changements structurels sont à l’œuvre au sein de ces économies. Notons qu’il existe une corrélation forte entre l’évolution des rendements des différentes économies avancées, ce qui témoigne de l’importance de facteurs globaux communs2. Bien sûr, le comportement des rendements japonais a longtemps été un cas à part en raison de la déflation durable (1997-2007) qu’a connue le pays.
Mais depuis 2012, ce n’est plus seulement le prix des obligations des pays « sûrs » qui atteint des records historiques, mais aussi le prix de la quasi-totalité des catégories d’actifs, des obligations souveraines risquées à la dette d’entreprise, en passant par les actions.
*) Baisse des anticipations d’inflation
La tendance baissière des taux d’intérêt nominaux sur le long terme est, avant tout, le résultat d’un recul des taux d’inflation qui s’est propagé aux anticipations d’inflation et aux primes d’inflation (même si les taux d’intérêt nominaux ont reculé moins rapidement que les taux d’inflation en raison de l’inertie des anticipations d’inflation). En outre, la moindre volatilité des taux d’inflation depuis 1990 (conjuguée à la baisse des taux d’inflation) a rendu les investisseurs moins frileux vis-à-vis des obligations à long terme, ce qui a renforcé leur attractivité. Les investisseurs exigeant une rémunération moins élevée pour le risque d’inflation, la prime de terme a reculé, exerçant des pressions à la baisse sur les taux longs.
La tendance baissière et la stabilisation des anticipations d’inflation dans le monde développé au cours de ces dernières décennies s’expliquent en partie par la crédibilité accrue des grandes banques centrales en matière de maîtrise de l’inflation. Plus récemment, depuis la crise financière mondiale, la persistance d’importants écarts de production dans les principaux pays avancés ont joué un rôle majeur dans le tassement de l’inflation et des anticipations d’inflation.
*) Baisse des anticipations de rendements réels
Sur les vingt dernières années, les taux d’intérêt réels (c’est-à-dire le taux d’intérêt nominal observé moins le taux d’inflation) ont également enregistré une baisse marquée dans toutes les grandes économies avancées. La baisse du taux d’intérêt réel à 10 ans (qui est un indicateur des rendements attendus sur le long terme) suggère que les marchés anticipent des taux bas pendant une période prolongée.
Plusieurs explications ont été avancées pour rendre compte de cette évolution. La première est l’hypothèse de l’« excédent d’épargne mondiale », selon laquelle l’économie mondiale est aux prises avec un surplus d’épargne, lequel aurait été, de la fin des années 1990 à la fin des années 2000, principalement attribuable aux pays émergents du Pacifique (Chine en tête) et aux pays producteurs de pétrole du Moyen-Orient3. L’argument avancé est le suivant: pendant cette période, la volonté des banques centrales d’accumuler des réserves de change, surtout en Asie, et le niveau globalement élevé des cours du pétrole ont entraîné une augmentation de l’épargne mondiale. Et cet excédent s’est dirigé vers les États-Unis et les autres économies avancées, faisant baisser les taux d’intérêt.
Une autre explication possible à la baisse des taux réels est la dégradation des perspectives de croissance à long terme, synonyme d’une réduction des rendements réels futurs des investissements. Les investisseurs seraient donc plus enclins à accepter des taux d’intérêt moins élevés sur la dette souveraine, puisqu’ils estiment que le rendement du capital sera encore moins important. Les perspectives de croissance peuvent s’assombrir pour plusieurs raisons. Certains mettent en avant le tassement de la croissance de la productivité (découlant, par exemple, du ralentissement de l’innovation technologique). Pour d’autres, le vieillissement de la population et la moindre progression de l’offre de main-d’œuvre constituent une source majeure de dégradation des perspectives de croissance à long terme dans bon nombre d’économies avancées4.
Certes, une démographie défavorable peut peser sur les perspectives de croissance à long terme, mais la lenteur de son évolution dans la plupart des pays est difficilement compatible avec la chute brutale des taux d’intérêt réels intervenue au lendemain de la crise financière mondiale. D’autres facteurs sont donc à l’œuvre depuis cette crise. Nombreux sont ceux qui citent les dommages infligés par la Grande Récession à la population active et à la productivité des pays avancés, des dommages susceptibles d’entraîner un ralentissement de la croissance du potentiel économique (l’effet dit d’hystérèse5). Il est abondamment prouvé qu’une récession profonde a un impact durable sur le potentiel de croissance6. Et qui dit dégradation du potentiel de croissance dit baisse du rendement des capitaux et donc de la volonté d’investir. Enfin, certains estiment que l’accumulation de dette dans les pays riches pèse lourdement sur les perspectives de croissance à long terme.
Même si les vecteurs finaux de la tendance baissière des taux réels n’ont pas été identifiés de manière certaine, il n’existe aucun doute sur le fait que l’évolution des fondamentaux économiques sous- jacents a joué un rôle majeur dans cette évolution.
– … Jusqu’à des niveaux inédits dans le sillage de la crise financière mondiale
*) Pessimisme des investisseurs pour l’avenir
Si les taux longs avaient déjà atteint des niveaux historiquement bas avant la crise financière mondiale, ils sont, depuis lors, tombés à des niveaux inédits. Cela est une conséquence directe de la crise économique et financière, qui a laissé derrière elle des capacités excédentaires très importantes (main-d’œuvre y compris), une inflation à des plus bas historiques et une reprise économique historiquement lente à l’échelle mondiale.
L’impressionnante compression des rendements observée depuis la crise de 2008 provient de trois facteurs principaux : (i) la baisse des taux directeurs, désormais extrêmement bas voire négatifs, (ii) les anticipations des investisseurs, qui pensent que les taux courts resteront bas pendant une période prolongée et (iii) l’envolée de la demande nette en titres de long terme (en partie du fait de la hausse de la demande institutionnelle en obligations, conjuguée à la tendance à la réduction des émissions de dette investment grade) qui a entraîné un repli significatif des primes de terme.
*) Baisse des primes de terme
Tout un ensemble de facteurs spécifiques a conduit à une forte hausse de la demande nette en titres à long terme après la crise financière internationale, hausse qui s’est traduite par un repli des primes de terme7.
Tout d’abord, l’incertitude accrue qui a régné sur les marchés financiers mondiaux a déclenché une fuite vers la sécurité qui a fait flamber les rendements des pays en difficulté et généré une demande massive en valeurs refuges traditionnelles (bons du Trésor américain, Bunds allemands ou actifs en francs suisses).
Parallèlement, le déclassement de plusieurs dettes souveraines, notamment dans la périphérie de la zone euro, a engendré une forte baisse de l’offre globale en actifs « sûrs ». Il en est résulté une pénurie d’actifs sans risque, qui a conduit à une envolée des prix des obligations souveraines des pays « core », considérées comme la valeur refuge par excellence. Les rendements de ces dettes ont donc fondu comme neige au soleil. Cette ruée vers les actifs refuges, avec des mouvements en faveur des Bunds et des autres dettes souveraines « core », se poursuit encore aujourd’hui. La pénurie d’actifs sûrs a été amplifiée par les nouvelles réglementations destinées à renforcer la stabilité financière, qui obligent les banques, les fonds de pension et les compagnies d’assurance à détenir davantage de dette souveraine et ce, quel qu’en soit le prix. Cette « répression financière » généralisée a également joué un rôle important dans le repli des primes de terme des pays « core » ces dernières années.
Troisièmement, compte tenu du fait que les taux directeurs courts des banques centrales se sont progressivement rapprochés de zéro, la volatilité des bons du Trésor a chuté, ce qui a également pesé sur les primes de terme. En outre, la quête de rendement déclenchée par les politiques de taux zéro/taux négatifs des banques centrales a aiguisé l’appétit des investisseurs pour les obligations d’échéance longue. Enfin, les banques centrales elles-mêmes sont devenues acheteuses de grandes quantités de dette à long terme dans le cadre de leurs politiques non conventionnelles. L’effet sur les prix des obligations a été amplifié par le fait que la taille du marché obligataire de bon nombre de pays a été réduite au même moment par les politiques publiques de consolidation budgétaire.
*) Réaction de la politique monétaire à la crise
Depuis 2008, les banques centrales des principales économies avancées ont mené une expérience de grande ampleur pour tenter de relancer leurs économies et de lutter contre les pressions déflationnistes. Lorsque la crise a éclaté, les grandes banques centrales internationales ont ramené leurs taux directeurs (courts) à quasiment zéro.
Une fois la borne à zéro des taux directeurs touchée, ces banques (au premier rang desquelles la Réserve fédérale américaine, puis la Banque d’Angleterre, la Banque du Japon et, enfin, la Banque centrale européenne) se sont tournées vers des outils de politique monétaire de moins en moins conventionnels afin d’exercer des pressions baissières directes sur les primes de terme et les primes de risque, et donc sur les taux longs (qui influencent les décisions en matière d’investissement et de consommation dans l’économie réelle)8. Elles ont, en particulier, considérablement augmenté leur base monétaire (c’est-à-dire l’ensemble des pièces et billets en circulation dans l’économie plus les réserves des banques commerciales déposées à la banque centrale) en lançant de vastes programmes d’achat d’obligations souveraines et privées à long terme, un processus appelé « assouplissement quantitatif ». Elles ont également mis en place des stratégies de communication (ce que l’on appelle des « indications prospectives »), indiquant que leurs taux directeurs resteraient bas pendant une période prolongée. Ce faisant, les banques centrales ont cherché à influencer les anticipations des investisseurs en matière de taux d’intérêt courts à terme et, donc, les taux d’intérêt à moyen et long terme.
Plus récemment, en Europe continentale (zone euro, Danemark, Suède et Suisse), une nouvelle forme de politique monétaire non conventionnelle, plus extrême, a été testée: il s’agit de l’introduction de taux directeurs négatifs et/ou de taux de dépôt négatifs. En 2012, la banque centrale du Danemark a adopté un taux directeur très légèrement négatif, une première mondiale. En juin 2014, la Banque centrale européenne (BCE) a commencé de rémunérer les réserves excédentaires au jour le jour à un taux de -0,1 %9, taux abaissé à -0,2 % en septembre10. Fin 2014 et début 2015, la Banque nationale suisse (BNS) et la Riksbank suédoise ont suivi l’exemple de l’institution de Francfort en faisant également passer leurs taux directeurs en territoire négatif. Jamais, dans l’histoire économique mondiale, les taux directeurs n’avaient été négatifs.
Les économistes pensaient que les taux directeurs ne pouvaient pas passer en dessous de zéro, sans quoi, selon eux, les liquidités l’emporteraient sur les obligations en tant qu’actifs. L’argument était alors le suivant : lorsque les taux d’intérêt sont au niveau zéro, les agents économiques ne voient plus réellement de différence entre le fait de détenir des liquidités et celui de détenir des obligations, et leur demande en liquidités devient alors quasiment infinie – une situation dite de « trappe à liquidité »11. Ces mêmes économistes ont donc parlé d’une borne inférieure limitant les taux d’intérêt directeurs à zéro. Mais nous savons désormais qu’en réalité, le plancher des taux d’intérêt n’est pas zéro, mais un peu moins de zéro, comme l’a démontré la BCE12. Le fait que le plancher effectif des taux soit plus bas qu’initialement estimé découle du coût que représente la détention des liquidités. En effet, détenir des liquidités génère des frais : stockage, assurance, négociation ou transport13. Conséquence : les agents économiques sont prêts à accepter des taux de rémunération des dépôts négatifs (c’est-à-dire à payer les banques) dans la mesure où les banques leur garantissent que leur argent sera en sécurité et disponible pour des transactions. De fait, c’est le coût de détention des liquidités qui définit le plancher effectif des taux directeurs (c’est-à-dire la contrainte réelle sur la capacité des banques centrales à fixer des taux d’intérêt négatifs).
Ainsi, les banques centrales peuvent réduire leurs taux directeurs à hauteur des coûts de stockage et d’assurance de l’argent sans entraîner de mouvements massifs vers les liquidités dans l’économie. Mais si les taux directeurs s’enfoncent trop en territoire négatif, c’est-à-dire en dessous des coûts de détention des liquidités, les agents décideront alors d’accumuler des liquidités au détriment des dépôts à rémunération négative. À ce moment-là, l’argent sera détenu pour sa seule fonction de réserve de valeur, à l’instar des obligations, et sa fonction de moyen d’échange disparaîtra. Et l’économie se retrouvera dans une situation de trappe à liquidité. Les coûts de stockage et autres frais étant relativement limités, la marge de baisse des taux directeurs en-dessous de zéro est étroite sauf à voir ce phénomène de thésaurisation s’étendre à toute l’économie. Cela signifie qu’en pratique, le niveau zéro reste une référence importante pour la politique monétaire.
*) Taux négatifs en Europe : le monde à l’envers
Les taux d’intérêt négatifs, combinés à l’annonce d’un programme d’assouplissement quantitatif (QE) d’un montant de 1 100 milliards d’euros par la BCE en début d’année14, sont parvenus à aplatir la courbe des taux sur l’ensemble des maturités. Par exemple, les rendements du Bund allemand à 10 ans sont tombés à un nouveau point bas record de 0,05 % le 17 avril. À un certain moment, les obligations allemandes de maturité allant jusqu’à huit ans affichaient un rendement nominal négatif. Aujourd’hui, une très grande partie des obligations européennes se négocient à des taux d’intérêt nominaux négatifs. À première vue, cette situation semble absurde : pourquoi les investisseurs accepteraient-ils de payer les États pour leur prêter de l’argent ?
Il existe au moins cinq raisons pour lesquelles les investisseurs peuvent accepter de prêter à un taux de rendement nominal négatif. La première est la crainte de la déflation, car un rendement nominal négatif peut se transformer en rendement réel positif si celle-ci s’installe. C’est la logique qui l’a emporté au Japon ces vingt dernières années et qui était également à l’œuvre dans la zone euro dans les mois qui ont précédé l’annonce du programme d’assouplissement quantitatif de la BCE. Début 2015, la peur de la déflation, liée en partie à la baisse des cours du pétrole intervenue au second semestre 2014, est à l’origine de la baisse des rendements européens. Une deuxième raison peut être la crainte d’événements extrêmes (des événements dont la probabilité est très faible mais l’impact, très élevé) dans l’économie mondiale, tels qu’un Grexit, un atterrissage économique brutal en Chine ou une guerre entre Israël et l’Iran à propos de la prolifération nucléaire. Dans ce contexte, le fait de détenir des obligations à rendement négatif plutôt que des actifs plus volatils, et donc plus risqués, peut être judicieux pour les investisseurs afin de réduire leur vulnérabilité aux événements défavorables.
Mais les investisseurs peuvent aussi décider d’acheter des obligations à rendement négatif s’ils estiment que la devise dans laquelle les actifs sont libellés a vocation à s’apprécier (c’est notamment le cas du franc suisse), pariant ainsi sur une plus-value susceptible de compenser plus que largement le rendement négatif. Quatrièmement, comme nous l’avons vu ci-dessus, le durcissement des réglementations en matière de solvabilité oblige les investisseurs de long terme (par exemple les compagnies d’assurances et les fonds de pension) à accumuler les obligations souveraines, quel que soit leur rendement. Et, enfin, les investisseurs qui anticipent que les rendements continueront de reculer peuvent acheter des obligations à rendement négatif pour les revendre et empocher une plus-value à la valeur de marché. Compte tenu de l’existence de nombreux acheteurs captifs ou insensibles aux prix (au premier rang desquels les banques centrales) qui se sont engagés à continuer d’acheter de grandes quantités d’obligations souveraines dans les mois à venir, l’aspect spéculatif de l’investissement dans la dette souveraine est évident.
Pourtant, la correction brutale des Bunds allemands en avril-juin a démontré que les rendements ne peuvent pas baisser indéfiniment sans que ce mouvement n’entraîne une résistance de la part des investisseurs. Il est difficile d’identifier un élément déclencheur unique de cette correction. Elle s’explique en partie par l’évolution des anticipations d’inflation : alors que, fin 2014-début 2015, les observateurs redoutaient une déflation généralisée en Europe, le spectre de la déflation a semblé s’éloigner (comme en témoigne la hausse très modérée des anticipations d’inflation depuis la mi-avril), la détermination de la BCE ayant renforcé sa crédibilité en matière de lutte contre la baisse des prix. Par ailleurs, l’activité économique de la zone euro a réservé de bonnes surprises, la France et l’Italie renouant avec une modeste croissance. Cependant, la dégradation de la liquidité sur les marchés obligataires européens « core » semble avoir exacerbé leur débâcle.
Les taux d’intérêt sont-ils trop bas ?
– Des écarts importants de production toujours importants…
Alors que les politiques monétaires non conventionnelles ont été très efficaces pour créer des effets de prix importants sur certains marchés d’actifs, la question de leur impact macroéconomique n’a pas encore été tranchée. Après plus de six ans de mise en œuvre de mesures de moins en moins conventionnelles, l’inflation et les anticipations d’inflation restent, dans le monde développé, à des plus bas historiques, et bien loin de l’objectif des banques centrales de 2 % (ou près de 2 %), tandis que la croissance économique est toujours trop faible pour renouer avec les tendances d’avant-crise.
Malgré des politiques de taux zéro ou inférieurs à zéro et l’impressionnante quantité de monnaie créée par les banques centrales, les dépenses globales sont généralement restées bien inférieures à ce que les économies avancées peuvent produire, ce qui s’est traduit par des écarts de production importants (c’est- à-dire la différence entre l’activité réelle et le niveau d’activité qu’aurait l’économie si elle fonctionnait à pleine capacité), qui continuent de peser sur l’inflation.
La faiblesse du marché du travail reflète l’atonie de la reprise économique. Sept ans après la crise financière internationale, la plupart des économies avancées restent bien loin du plein emploi et continuent d’afficher des taux de chômage largement supérieurs à ceux d’avant-crise. Même aux États-Unis, pourtant plus avancés que la zone euro et le Japon sur la courbe de la reprise économique, les chiffres de l’emploi restent moroses. Certes, le chômage a fortement reculé en Amérique du Nord depuis la crise financière internationale, passant d’un point haut de 10 % en octobre 2009 à 5,1 % actuellement, mais cette évolution s’explique plus par une baisse du nombre de personnes recherchant activement un emploi que par une augmentation du nombre d’emplois disponibles. Depuis la fin de la récession, les créations de postes aux États-Unis n’ont que très légèrement dépassé la croissance démographique. Ainsi, la baisse du chômage provient presque entièrement du fait que ceux qui ne cherchent plus d’emploi n’entrent pas dans les statistiques de chômage.
Depuis début 2008, le taux de participation de la main- d’œuvre américaine (c’est-à-dire la proportion d’adultes travaillant ou essayant de trouver un emploi) a reculé de 3,7 points de pourcentage.
– …suggèrent que les taux d’intérêt pourraient être trop élevés (plutôt que trop faibles) pour l’économie réelle
Bien que les banques centrales aient abaissé leurs taux directeurs au maximum et qu’elles aient pesé de tout leur poids sur les prix des obligations sur l’ensemble de la courbe, cela n’a pas été suffisant, à ce jour, pour que l’économie opère à son potentiel de croissance et renoue avec le plein emploi, ce qui suggère qu’au niveau actuel des taux d’intérêt réels, il existe un excédent d’épargne dans l’économie.
Il y a plus d’un siècle, Wicksell a fait la distinction entre le taux d’intérêt observé sur le marché (le taux d’intérêt des obligations) et le taux d’intérêt d’équilibre (ou taux « naturel »), non observable, supposé assurer l’équilibre entre épargne et investissement au plein emploi des ressources. Le taux d’intérêt naturel wicksellien correspond au taux qui entraîne une stabilité des prix. Lorsque le taux naturel est supérieur au taux du marché, il y a accumulation du capital, et l’inflation augmente. Inversement, lorsque le taux naturel est inférieur au taux du marché, le taux d’accumulation du capital ralentit et les pressions déflationnistes se renforcent.
La théorie économique suggère que le taux d’intérêt naturel évolue au cours du temps, en réponse aux modifications des tendances sous-jacentes des facteurs économiques réels. Par exemple, une faible croissance de la productivité (disons, en raison d’un ralentissement de l’innovation technologique) fera baisser le taux naturel en réduisant le rendement anticipé des capitaux et en décourageant l’investissement. De même, un vieillissement de la population entraînera un repli du taux naturel si le niveau d’épargne désirée augmente au sein de la population, ou si la baisse de la population en âge de travailler est synonyme d’un moindre besoin en investissement pour maintenir le stock de capital nécessaire pour utiliser la main-d’œuvre. Un choc de désendettement important peut également faire baisser le taux d’intérêt naturel, comme l’ont montré Eggertsson et Krugman (2012)15.
Les partisans de la théorie de la «stagnation séculaire » font valoir que, pour un certain nombre de raisons, allant d’une démographie défavorable à l’excès de dette, le taux d’intérêt naturel des grandes économies avancées est passé, depuis un bon moment déjà, en territoire négatif16. L’hypothèse de l’excédent d’épargne mondiale offre une autre perspective à la baisse perçue du taux d’intérêt naturel jusqu’à des niveaux très faibles. Ben Bernanke (2015) soutient que le monde est toujours actuellement aux prises avec un excédent d’épargne et que, depuis le début des années 2010, la principale région responsable de cette situation est la zone euro, Allemagne en tête (désormais premier exportateur net mondial de biens et capitaux financiers), et non les économies asiatiques et les producteurs de pétrole, dont la contribution à l’épargne mondiale, bien que toujours importante, s’est inscrite dans une tendance baissière au cours de ces dernières années17.
Quelle qu’en soit la cause – pénurie d’intentions d’investissement, comme le met en avant l’hypothèse de la stagnation séculaire, ou excès d’épargne désirée, comme le souligne l’hypothèse de l’excédent d’épargne mondiale –, il semble désormais généralement admis que le manque d’ «appétit » pour l’investissement par rapport à l’appétit pour l’épargne dans la plupart des grandes économies avancées, surtout dans la zone euro, a entraîné une baisse du taux d’intérêt naturel à un niveau extrêmement faible, voire négatif.
Depuis les travaux de Wicksel (1898), le taux d’intérêt naturel est l’un des indicateurs de référence de la politique monétaire. Bien sûr, ce taux n’est pas observable, ce qui signifie que, par nature, son véritable niveau est difficile à définir. Les estimations du taux d’intérêt naturel sont donc à la fois incertaines et très dépendantes des modèles. Mais le taux d’intérêt naturel constitue un cadre conceptuel utile pour réfléchir aux niveaux cibles pour les taux d’intérêt. Depuis la Grande récession de 2007-2009, les politiques de taux ultra-bas des banques centrales ont donc été tournées vers un seul objectif : emboîter le pas au taux naturel. Compte tenu de la gravité de cette récession et de la faiblesse de la reprise qui s’en est suivie, il est fort probable que les taux d’intérêt n’aient pas réussi à baisser au point de coïncider avec le niveau naturel. La raison, bien sûr, c’est qu’il existe un niveau en dessous duquel les taux d’intérêt effectifs nominaux ne peuvent pas descendre.
*) Une borne inférieure à zéro (ou presque)
Une situation dite de «trappe à liquidité» est une situation économique où la politique de taux zéro ne parvient pas à relancer la demande globale dans une économie qui en a pourtant grand besoin. Les États- Unis ont connu un épisode de trappe à liquidité au lendemain de la Grande dépression des années 1930 et le Japon, après l’éclatement de l’immense bulle immobilière en 1991. Une telle situation peut apparaitre pour plusieurs raisons. En particulier, elle peut résulter d’un choc de désendettement, comme l’ont montré Gauti B. Eggertsson et Paul Krugman (2011). La raison en est que, lorsqu’une économie est confrontée à un puissant processus de désendettement, il est possible que même un taux d’intérêt zéro ne soit pas suffisamment bas pour inciter les agents économiques à dépenser ou emprunter plus18.
Le problème, dans une trappe à liquidité, c’est que même si les taux directeurs sont à zéro, les taux d’intérêt nominaux restent trop élevés, étant donné le niveau des anticipations d’inflation, pour produire le taux d’intérêt réel (nettement) négatif nécessaire à l’économie pour qu’elle puisse fonctionner à son plein potentiel et atteindre le plein emploi. Autrement dit, le taux d’intérêt effectif reste bloqué au-dessus du taux d’intérêt naturel, ce qui peut maintenir l’économie dans le piège d’une croissance faible et d’une inflation faible. Dans une telle situation, l’économie a besoin, soit d’anticipations d’inflation nettement plus élevées (ce que les banques centrales ont désespérément tenté d’obtenir depuis la crise), soit de taux d’intérêt nominaux très nettement négatifs, ce qui est impossible compte tenu du plancher (légèrement inférieur) à zéro des taux d’intérêt. Aussi le principal défi pour les banques centrales confrontées à une trappe à liquidité est-il de faire remonter les anticipations d’inflation.
Une fois la borne inférieure zéro sur les taux directeurs atteinte, les principales banques centrales n’ont pas eu d’autre option, au lendemain de la Grande récession, que d’adopter d’autres types de mesures, telles que des politiques d’assouplissement quantitatif (c'est-à- dire injecter de l’argent directement dans l’économie), pour tenter de relever les anticipations d’inflation et de stimuler la demande globale. C’est la Banque du Japon qui, en2001, a tenté la première expérience d’assouplissement quantitatif, alors destinée à doper les prix. Ce programme a duré cinq ans, mais la relance monétaire n’a pas réussi à sortir le pays d’une déflation persistante. Au lendemain de la crise financière de2008, la Banque d’Angleterre et la Réserve fédérale19 ont toutes deux dévoilé des programmes d’assouplissement quantitatif pour tenter de raviver la croissance. Au Japon, le dernier « QE » en date a débuté en avril 201320. Et, début 2015, la BCE, avec plusieurs années de retard sur ses homologues, a lancé son propre programme d’assouplissement quantitatif. D’un montant de 1 100 milliards d’euros, il fonctionnera jusqu’à fin septembre 2016 au moins.
Conséquence des assouplissements quantitatifs, la base monétaire a explosé ces dernières années dans les pays développés, mais le fait est que la masse monétaire n’a connu, elle, qu’une progression limitée21. Ceci est reflété par l’effondrement du multiplicateur monétaire (c’est-à-dire le rapport entre masse monétaire et base monétaire) depuis la fin 2008. Cet effondrement est particulièrement prononcé aux États- Unis et, fait marquant, le multiplicateur monétaire dans ce pays n’a pas rebondi depuis la crise, ce qui vient témoigner des dégâts infligés à la relation historique entre base monétaire, masse monétaire et économie.
Il aura fallu à la Réserve fédérale américaine un incroyable volume d’achat d’actifs pour atteindre des résultats bien modestes : le taux d’inflation aux États- Unis est aujourd’hui quasi nul (0,21 % en juillet 2015). Pour l’heure, il n’y a guère d’élément convaincant (que ce soit aux États-Unis, au Royaume-Uni ou au Japon) permettant d’établir que l’assouplissement quantitatif a un impact significatif ou durable sur l’évolution des prix. En fait, aux États-Unis, au Royaume-Uni et au Japon, il y a une corrélation claire entre lancement des programmes d’assouplissement quantitatif et chute du multiplicateur monétaire, ce qui suggère qu’une grande partie de l’envolée de la base monétaire s’est simplement traduite par une augmentation des liquidités déposées auprès des banques centrales.
Quelles sont les chances de succès du nouveau programme d’assouplissement quantitatif de la BCE ? Son impact sur l’inflation dépendra de la manière dont les banques de la zone euro utilisent leurs nouvelles réserves auprès de la banque centrale. Si elles décident de les thésauriser, comme cela a été le cas aux États-Unis, l’institution de Francfort échouera très probablement à relancer l’inflation de manière durable. Si elles utilisent leurs réserves excédentaires pour octroyer de nouveaux prêts, la BCE a une chance d’obtenir de meilleurs résultats que la Fed en matière d’inflation. L’une des différences majeures entre les programmes de la BCE et de la Fed réside dans le fait que la banque centrale américaine rémunère les réserves bancaires à hauteur de 25 points de base (réserves excédentaires y compris) alors que la BCE applique un taux négatif de 20 points de base sur les réserves excédentaires des banques. L’avenir nous dira si ces taux négatifs découragent les banques de déposer leurs réserves excédentaires sur la facilité de dépôt de la BCE et les incite à accorder davantage de prêts.
*) De la trappe à liquidité à la bulle des prix des actifs ?
Si les programmes d’assouplissement quantitatif ont généralement permis une relance marginale de l’activité économique, ils ont pour l’heure échoué à atteindre les objectifs des banques centrales en matière de cible d’inflation et de retour à une trajectoire de croissance normale. Cela s’explique principalement par le fait que de nombreux facteurs (allant d’une incertitude accrue à de puissantes forces de désendettement) se sont conjugués pour encourager la thésaurisation. Depuis la crise de 2008, la pression qui pèse sur les banques pour qu’elles se désendettent a été telle qu’elles ont préféré détenir des réserves excédentaires auprès des banques centrales plutôt qu’accorder des prêts. De même, pour les ménages et les entreprises, l’impératif du désendettement a été tel que l’appétit pour l’emprunt a quasiment disparu, quand bien même les taux d’intérêt ont touché des niveaux historiquement bas. Ainsi, au lieu de dépenser, le secteur privé a préféré thésauriser, et les vastes quantités d’argent qui ont été créées n’ont pas pu se répercuter sur l’investissement et la consommation. Pour paraphraser Keynes (1936), la politique monétaire semble aujourd’hui « pousser dans le vide » (« pushing on a string »)22.
Ceci a conduit de nombreux économistes [voir notamment BRI (2014)] à estimer que les politiques actuelles de taux zéro et d’assouplissement quantitatif sont globalement inefficaces pour relancer la croissance du PIB. Pire, qu’elles sèment les germes de plus de difficultés à venir en entraînant des distorsions de production et d’investissement, en obérant le nécessaire désendettement du secteur privé et en alimentant des bulles sur les prix des actifs23. Par conséquent, selon la BRI, les banques centrales devraient relever leurs taux directeurs, une mesure qui, selon elle, devrait aller de pair avec l’introduction de réformes structurelles. Le problème, bien sûr, c’est que tout relèvement prématuré des taux directeurs comporterait le risque d’étouffer la fragile reprise en cours24. Compte tenu de l’environnement actuel de très faible inflation, la politique monétaire semble mal placée pour répondre aux préoccupations quant à une éventuelle prise excessive de risque dans le secteur financier, qui relève davantage du champ de responsabilité des politiques macro-prudentielles.
Les taux nominaux devraient rester historiquement bas bas pendant une période prolongée
– La crise du désendettement
En se tournant vers l’avenir, le poids de l’endettement du secteur public et du secteur privé constituera le premier facteur d’influence sur les perspectives de croissance des grandes économies avancées. Après un processus massif d’accumulation de la dette durant les années qui ont précédé la crise financière de 2008, l’essentiel des pays développés a été contraint d’entamer un vaste cycle de désendettement. L’assainissement des bilans étant devenu une priorité pour les agents très endettés, des pans entiers de ces économies ont dû épargner davantage et investir moins et ce, indépendamment des niveaux ultra bas des taux d’intérêt.
Depuis 2008, un certain désendettement a été observé dans le secteur privé, notamment aux États-Unis, mais le recul des ratios d’endettement privés a été plus que compensé par une forte augmentation de la dette publique, notamment dans la zone euro. Ainsi, sept ans après le début de la crise financière, l’excès de dette dans les économies avancées reste un obstacle majeur à la reprise économique, beaucoup d’entreprises continuant de réduire leurs dépenses et d’accumuler de la trésorerie.
De nombreuses études ont montré que, lorsque l’endettement total d’une économie atteint un niveau critique, les répercussions sur la croissance économique sont délétères25. L’économie japonaise a rechuté à plusieurs reprises sur les vingt dernières années et aujourd’hui, le PIB nominal du pays est quasiment le même qu’en1991. Depuis la crise de 2008, toutes les grandes économies avancées ont suivi une trajectoire de reprise économique timide et momentanée, ponctuée de rechutes régulières (croissance faible ou repli du PIB). C’est le poids de l’endettement qui est la cause fondamentale de cette sous-performance des économies avancées. Et si, aujourd’hui, ces économies connaissent une timide reprise conjoncturelle, la plupart d’entre elles tournent bien en dessous de leur potentiel.
De plus, il existe des raisons de craindre que bon nombre d’économies avancées soient, en réalité, prises dans le cercle vicieux de la dette où l’excès de dette limite la croissance, qui vient en retour nourrir l’augmentation de la dette : la morosité économique complique en effet le désendettement, alimentant donc l’insuffisance de croissance26. La dette privée restant supérieure à son niveau de 2008 et la dette publique poursuivant son ascension, le surendettement continuera d’obérer la croissance économique des principales économies développées pour de nombreuses années à venir, générant une insuffisance chronique de demande globale qui poussera l’inflation et les taux d’intérêt à la baisse.
– Les politiques monétaires resteraient extrêmement accommodantes
Bien sûr, la vague de désendettement ne sera pas éternelle, les problèmes de bilan finissant par se corriger avec le passage du temps. Il y a des signes indiquant que certains des vents contraires qui freinent la croissance dans les principales économies avancées ont commencé de s’estomper, notamment aux États- Unis. Outre-Atlantique, les conditions de crédit ont affiché, depuis un certain temps déjà, des signes nets d’amélioration, et les entreprises privées non financières ont récemment cessé d’épargner et recommencé d’emprunter.
Pour autant, la perspective de la normalisation de la politique monétaire des pays riches semble lointaine. Même si la Réserve fédérale a mis un terme à son programme de rachat d’obligations, elle fera preuve d’une extrême prudence en matière de relèvement des taux, compte tenu de la faiblesse actuelle de l’inflation américaine. De leur côté, la BCE et la BoJ se sont engagées à conserver des politiques monétaires ultra-accommodantes pendant une période prolongée étant donné le niveau actuel de l’activité économique et de l’inflation. L’orientation de la politique monétaire globale restera donc extrêmement accommodante dans un avenir prévisible, et les anticipations de taux directeurs courts durablement bas continueront d’ancrer, pendant longtemps encore, les rendements bas des maturités plus longues.
– Taux d’intérêt durablement bas à prévoir…
Au final, compte tenu de la puissance des forces de désendettement, combinées à d’autres facteurs structurels, tels que le vieillissement de la population, l’accroissement des inégalités de revenus au sein des pays avancés, la demande institutionnelle en obligations et la tendance à la réduction des émissions de dette investment grade, les rendements des obligations souveraines à long terme des pays les mieux notés devraient rester historiquement bas pendant une période prolongée et ce, même si la Réserve fédérale commence à relever ses taux. Les rendements pourront afficher des hausses ponctuelles, si, entre autres, les impressionnants efforts de « reflation » des banques centrales réussissent à inverser les anticipations d’inflation, mais de puissantes forces déflationnistes, conjuguées à la dégradation des prévisions des investisseurs en matière de croissance à moyen terme, empêcheront ces rebonds de s’inscrire dans la durée.
– …ponctués d’accès de volatilité
Pour autant, il existe un réel risque de volatilité accrue sur les prix des obligations et ce, pour plusieurs raisons. La première est liée au fait que, lorsque les taux touchent des niveaux aussi bas, la sensibilité des prix des obligations aux variations de taux d’intérêt est exacerbée. La seconde est que des politiques monétaires ultra-accommodantes peuvent induire une prise de risque excessive sur les marchés financiers. Les banques centrales étant résolues à faire baisser les rendements en achetant de grandes quantités d’obligations, la spéculation sur la baisse des taux d’intérêt est devenue presque exempte de risque. Le jeu pour les spéculateurs est de devancer les banques centrales : acheter les obligations, souvent grâce à l’endettement, pour les revendre, en sachant qu’il existe une porte de sortie garantie à prix plus élevé, puisque tout l’objectif de l’assouplissement quantitatif est de faire monter les prix des actifs.
Troisièmement, le secteur bancaire, fournisseur important de liquidité sur le marché obligataire avant la crise de2008, a réduit ses activités de teneur de marché en raison du durcissement des exigences de fonds propres et des restrictions en matière de trading pour compte propre. En conséquence, en cas d’évènement « surprise » déclenchant un mouvement de hausse des rendements (par exemple une croissance supérieure aux attentes ou une hausse inattendue des cours du pétrole), les banques sont moins présentes que par le passé pour atténuer les accès de volatilité des prix27. Enfin, ces dernières années, le poids des fonds d’investissement de type OPCVM (Mutual funds) et ETF (Exchange Traded Funds) s’est accru sur les marchés obligataires. Or ces acteurs sont davantage susceptibles de se retirer brutalement du marché (en cas de retrait de leurs détenteurs) que les investisseurs traditionnels à long terme que sont les fonds de pension et les sociétés d’assurances qui dominaient les marchés obligataires par le passé. Résultat : un risque accru de ventes en catastrophe et d’accès de volatilité sur les taux.
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ENCADRE : COMMENT SONT DÉTERMINÉS LES TAUX D’INTÉRÊT À LONG TERME DES TITRES SÛRS ?
Les théories traditionnelles de la structure des taux d’intérêt suggèrent que les taux longs sont déterminés par les taux courts à l’instant « t » et les anticipations en matière de taux courts, plus une prime de terme.
Les taux nominaux longs se décomposent donc en deux grands éléments (aucun n’étant directement observable) déterminés par des facteurs qui leur sont propres :
• Les anticipations de taux d’intérêt courts moyens d’ici à l’échéance de l’obligation, qui, grâce à l’équation de Fisher, peuvent être scindées en deux :
1) Anticipations de taux d’intérêt réel.
Le taux d’intérêt réel de Fisher correspond à un taux d’intérêt nominal corrigé de l’inflation, que l’on appelle souvent « taux d’intérêt réel sans risque » (car il ne comporte pas de risque de défaut)1. Ce taux est généralement considéré comme le taux d’intérêt naturel wicksellien (c’est-à-dire le taux de rendement réel des fonds investis).
Le taux d’intérêt réel correspond au prix d’équilibre entre offre d’épargne et demande de capitaux destinés à l’investissement. L’offre et la demande de fonds fluctuent en fonction de fondamentaux économiques tels que la préférence temporelle et le rendement anticipé des capitaux investis, qui dépendent en grande partie de la dynamique de croissance de l’économie. 2) Anticipations d’inflation.
Pour arriver au taux d’intérêt nominal, il faut ajouter au taux réel sans risque une prime d’inflation, exigée par les investisseurs pour compenser la perte potentielle de pouvoir d’achat sur la durée de vie de l’obligation.
• La prime de terme (également appelée «prime de risque de maturité») est un rendement supplémentaire demandé par les investisseurs pour acheter des obligations à long terme plutôt qu’une succession d’obligations à court terme sur la même période.
La prime de terme dépend du degré d’incertitude quant aux évolutions économiques futures, du niveau d’appétit/aversion pour le risque des investisseurs ainsi que de toute une série de facteurs exogènes, tels que la réglementation financière, qui peuvent influencer la demande ou l’offre de titres. Elle rémunère notamment le risque de taux d’intérêt (c’est-à-dire le risque que la valeur des obligations à long terme soit altérée par un changement des niveaux de taux d’intérêt).
Du fait de l’existence de la prime de terme, les taux nominaux longs sont généralement supérieurs aux taux courts, reflétant le goût des investisseurs pour la liquidité.
NOTES
- N. B. : Les taux d’intérêt nominaux tiennent également compte de la prime liée au risque de l’émetteur et de l’émission (ce que l’on appelle également la « prime de risque »). Cette prime varie en fonction des caractéristiques de l’émetteur et de l’émission. Elle est à l’origine du différentiel de taux nominaux entre des titres de maturité similaire. Cette prime inclut la prime de défaut, qui rémunère le risque qu’un émetteur ne paie pas ses intérêts contractuels ou ne rembourse pas le principal selon le calendrier prévu, et la prime de liquidité, qui est exigée par les investisseurs lorsqu’une obligation est difficilement convertible en numéraire sans perte de valeur.
- D’après les estimations du FMI, un facteur commun global expliquerait 55% de la variation des taux d’intérêt mondiaux au cours de la période 1980-1995 et près de 75% au cours de la période 1996-2012. Voir FMI (2014), « Perspectives on global interest rates », IMF World Economic Outlook, Chapitre 3, avril. Voir également Bernanke, B. S. (2013), « Long- term interest rates», Allocution de Ben S. Bernanke à la Annual Monetary/Macroeconomics Conference: The Past and Future of Monetary Policy, parrainée par la Banque fédérale de réserve de San Francisco, 1er mars.
- Voir Bernanke B. (2005), « The global saving glut and the US current account deficit », allocution à la Sandridge Lecture, Virginia Association of Economists.
- Le vieillissement de la population est considéré par beaucoup de chercheurs comme l’une des principales raisons de la décennie perdue du Japon. Voir notamment Shirakawa M. (2012), « Demographic changes and macroeconomic performance: Japanese experiences », conférence Banque du Japon-IMES, mimeo.
- Olivier Blanchard et Lawrence H. Summers (1986), « Hysteresis and the European unemployment problem », NBER Macroeconomics Annual 198. Voir également Haltmaier, Jane (2012), « Do recessions affect potential output? », International Finance Discussion Paper 1066, Réserve fédérale, décembre.
- Le potentiel de croissance correspond à ce qu’une économie peut produire à taux d’inflation constant. Il dépend du stock de capital, du potentiel de main-d’œuvre (qui dépend lui-même de facteurs démographiques et des taux de participation), du taux de chômage n’accélérant pas l’inflation (NAIRU) et du niveau d’efficacité de la main- d’œuvre.
- En utilisant des techniques économétriques Adrian et al. (2013) estiment que la prime de terme (qui n’est pas directement observable) est actuellement négative. Voir Adrian, Tobias, Richard K. Crump, et Emanuel Moench (2013), «Pricing the term structure with linear regressions», Federal Reserve Bank of New York Staff Report 340:1-66. D’Amico et al. (2014) et Campbell et al. (2013) trouvent également des éléments justifiant une prime de terme négative. Voir D’Amico, Stefania, Don H. Kim, et Min Wei (2014), « Tips from TIPS: the informational content of Treasury Inflation- Protected Security prices », Finance and Economics Discussion Series (FEDS) Working Paper, 2014-24; Campbell, John Y., Adi Sunderam, et Luis M. Viceira (2013), «Inflation bets or deflation hedges? The changing risks of nominal bonds», Harvard Business School Working Paper 09-088.
- L’objectif des politiques monétaires non conventionnelles est de relancer la croissance économique par cinq grands moyens : (i) en encourageant les banques à prêter directement à l’économie réelle (ménages et entreprises), (ii) en augmentant les prix des actifs (y compris en réduisant le taux d’actualisation des flux de trésorerie des actifs, par exemple les dividendes ou les loyers), ce qui crée un effet de richesse pour les détenteurs des actifs, (iii) en incitant les investisseurs à se détacher des actifs sûrs et à préférer les classes d’actifs plus risquées et à plus haut rendement telles que les actions, (iv) en faisant baisser les taux de change et (v) en s’assurant que l’inflation revienne vers l’objectif.
- La BCE fonctionne sur la base d’un système de corridor, avec trois taux directeurs clés : (i) le taux des opérations principales de refinancement (MRO), qui fournit généralement la majeure partie des liquidités aux institutions monétaires et financières, (ii) le taux de prêt marginal, qui intègre un spread par rapport au taux MRO et correspond au taux auquel les banques peuvent obtenir des liquidités au jour le jour au sein de l’Eurosystème et (iii) le taux de dépôt, c’est-à-dire le taux de rémunération des réserves excédentaires des banques, qui est inférieur au taux MRO. Le taux MRO est généralement lié à celui des transactions interbancaires sur le marché au jour le jour, le taux EONIA.
- Les principaux objectifs de ces mesures sont divers : alors que la BCE et la Riksbank ont surtout cherché à assouplir le contexte monétaire pour relancer l’activité économique et permettre à l’inflation de se rapprocher des objectifs, la SNB et la DNB visaient principalement à décourager les entrées de capitaux et à réduire les tensions haussières sur leurs devises.
- Dans des circonstances « normales », les agents économiques cherchent un équilibre entre rendement et liquidité : ils détiennent de l’argent (sur lequel ils n’engrangent pas d’intérêts) pour sa liquidité, mais cette détention est limitée par le coût d’opportunité des intérêts perdus. Cependant, dans une situation de trappe à liquidité, lorsque les taux d’intérêt courts sont à zéro, il n’y a pas de coût d’opportunité. Et les agents accumulent donc les liquidités. L’argent n’est détenu que pour sa fonction de « réserve de valeur », sa fonction de « moyen d’échange » n’entrant plus alors en ligne de compte.
- La BCE a clairement indiqué qu’elle n’avait pas l’intention d’abaisser son taux en deçà de -0,2 %, ce qui représente, en fait, le plancher des taux d’intérêt. Voir Benoît Cœuré (2015), «How binding is the zero lower bound? » allocution lors de la conférence « Removing the zero lower bound on interest rates », organisée par l’Imperial College Business School / Brevan Howard Centre for Financial Analysis, le CEPR et la Banque nationale suisse, Londres, 18 mai. Pour reprendre ses mots : « Sur ce point, nous avons été très clairs : la constellation actuelle de taux directeurs constitue, pour nous, le plancher effectif des taux. Nous n’avons pas l’intention d’abaisser à nouveau les taux directeurs à court terme. »
- La raison est la suivante : l’argent est encombrant, surtout en grande quantité. Il est donc difficile à gérer et à utiliser, et peut également être volé ou mal utilisé, par exemple contrefait.
- Le 5 mars, le président de la BCE, Mario Draghi, a dévoilé un programme d’assouplissement quantitatif d’un montant de 1 100 milliards d’euros. La BCE achètera 60milliards d’euros d’obligations par mois jusqu’en septembre 2016 ou jusqu’à ce que l’inflation se rapproche de l’objectif de la BCE c’est-à-dire un chiffre proche de, mais inférieur à, 2 %.
- Voir Gauti B. Eggertsson et Paul Krugman (2011), « Debt, deleveraging, and the liquidity trap: A Fisher-Minsky-Koo approach», The Quarterly Journal of Economics, Oxford University Press, vol. 127(3), pages 1469- 1513.
- Voir Summers, Lawrence H. (2014), « Reflections on the “New Secular Stagnation Hypothesis” », In Coen Teulings and Richard Baldwin, eds., Secular Stagnation: Facts, Causes and Cures. London, UK: Centre for Economic Policy Research.
- Bernanke B. (2015), « Why are interest rates so low, part 3: the global savings glut », blog de Ben Bernanke, 1er avril.
- Gauti B. Eggertsson et Paul Krugman (2011), (op.cit.).
- En novembre 2008, la Réserve fédérale américaine a lancé le plus grand programme de relance monétaire de l’histoire par le biais de trois vagues successives d’assouplissement quantitatif qui ont injecté près de 4 500 milliards de dollars dans l’économie américaine. Elle a mis fin à ce « QE » en octobre 2014.
- Dans le cadre de son propre programme d’assouplissement quantitatif, la Banque du Japon (BoJ) s’est engagée à acheter pour 7 000 milliards de yens (soit 50milliards d’euros) d’obligations souveraines par mois en utilisant de la monnaie créée de manière électronique.
- La masse monétaire correspond au volume total d’actifs liquides ou quasi-liquides dans une économie. Sa définition la plus limitative, M1, comprend la monnaie et les dépôts à vue. M2 comprend M1 plus les actifs placés sur des comptes monétaires et les dépôts à terme. La masse monétaire au sens large, baptisée M3, comprend M2 plus les dépôts à long terme et les fonds monétaires dont les actifs ont une maturité supérieure à 24 heures.
- Keynes, John M (1936), Théorie générale de l’emploi, de l’intérêt et de la monnaie, Macmillan (pour la version anglaise).
- Voir notamment BRI (2014), 84e rapport annuel, 2013/14, 29 juin ; Borio, Claudio et Piti Disyatat (2011), « Global imbalances and the financial crisis: link or no link? », BIS Working Paper, N°346, mai ; Borio Claudio et Piti Disyatat (2014), « Low interest rates and secular stagnation: is debt a missing link? », 25 juin.
- La BRI souligne depuis longtemps que la politique monétaire est menée de manière dangereusement asymétrique, les banquiers centraux ne réussissant pas à aller à contre-courant de la tendance du marché dans les périodes de booms alors qu’ils mènent des assouplissements virulents et pérennes pendant les crises. Cette situation s’est, selon elle, traduite par un biais persistant à la baisse des taux d’intérêt et un biais persistant à la hausse des niveaux de dette. Il en résulte qu’il est plus difficile de relever les taux sans endommager la croissance économique, ce qui crée un phénomène qui s’apparente à un piège de la dette. Voir Hervé Hannoun (2014), « Central banks and the global debt overhang », allocution lors de la 50e édition de la SEACEN Governors’ Conference, 20 novembre.
- Voir notamment Reinhart, Carmen M. et Kenneth S. Rogoff (2009), « Cette fois, c’est différent : Huit siècles de folie financière », Princeton University Press (pour la version anglaise) ; Reinhart, Carmen M. et Kenneth S. Rogoff (2009), « The aftermath of financial crisis », The American Economic Review, 99(2): 466-472; Mian A. et A. Sufi (2014), « House of debt: how they (and you) caused the great recession, and how we can prevent it from happening again », University of Chicago Press.
- Voir notamment Buttiglione, L, P. Lane, L. Reichlin, et V. Reinhart (2014), « Deleveraging, what deleveraging? », 16e édition de la Geneva Conference on Managing the World Economy, 9 mai, ICMB, CIMB et CEPR, Genève.
- Voir FMI, « Rapport sur la stabilité financière dans le monde », avril 2015.