par Dr. Felix Schmidt, Senior économiste et Dr. Holger Schmieding, Chef économiste chez Berenberg
Donald Trump est de retour à la Maison Blanche. Lors des élections présidentielles américaines, il a obtenu la majorité nécessaire et s’est ainsi assuré un deuxième mandat. En outre, le parti républicain a récupéré la majorité au Sénat. A la Chambre des représentants également, la victoire du parti conservateur semble acquise. Il est donc très probable que Trump et les Républicains gouvernent sans partage au cours des deux prochaines années et parviennent à imposer largement leur programme, tant sur les questions de commerce et de géopolitique que sur la politique fiscale et les dépenses publiques.
Pour les États-Unis, cela signifie dans un premier temps une baisse des impôts, une hausse des prix, une certaine dérégulation et une ligne dure en matière d’immigration. Cela pourrait certes embellir la conjoncture à court terme, mais la situation budgétaire devrait continuer à se dégrader et la croissance tendancielle devrait en pâtir à long terme. L’Europe, quant à elle, est menacée d’une double peine : des droits de douane supplémentaires et une diminution de l’aide américaine à l’Ukraine.
Les conséquences possibles de la victoire de Trump
Trump reste imprévisible. Il est donc très difficile de prédire laquelle de ses promesses électorales, presque innombrables et pas toujours cohérentes, va être réellement mise en œuvre. Mais contrairement à 2016, le succès électoral de Trump et de son équipe n’est pas une surprise. Ses conseillers sont préparés. Il sera donc selon toute vraisemblance en mesure de mettre en œuvre des décisions beaucoup plus rapidement et efficacement que lors de sa première prise de fonction il y a huit ans.
Trump est favorable à une certaine dérégulation (notamment plus de forages pétroliers et gaziers), à une baisse des impôts, à une augmentation des droits de douane et à une ligne dure en matière d’immigration. Alors que les droits de douane supplémentaires entraîneront une hausse des prix pour les consommateurs, la déréglementation devrait entraîner une poussée de la croissance, du moins à court terme. A cela s’ajoute le fait que Trump a la possibilité, en raison de la majorité probable obtenue par les Républicains dans les deux chambres du Congrès, de réduire les impôts, et peut-être même, comme annoncé, de faire passer le taux de l’impôt sur les sociétés de 21 % à 15 %. Cela donnerait un coup de pouce supplémentaire à la conjoncture.
Une politique fiscale plus souple, une croissance économique plus forte et des prix à la consommation plus élevés en cas de droits de douane importants obligeraient probablement la Réserve fédérale américaine (Fed) à limiter l’assouplissement de sa politique monétaire par rapport aux prévisions initiales. Il serait donc possible que la Fed ne baisse son taux directeur que deux fois au total ce trimestre et le trimestre prochain, au lieu de quatre, de 25 points de base à chaque fois. Dans ce cas, la fourchette des taux directeurs à la fin du cycle d’assouplissement serait de 4,25 % à 4,5 % au lieu des 3,75 % à 4,0 % actuellement prévus. Pour les entreprises, les promoteurs immobiliers et l’État, cela devrait entraîner une augmentation des coûts de financement.
Toutefois, à plus long terme, des droits de douane américains plus élevés, des mesures de rétorsion d’autres pays et un éventuel affaiblissement des institutions sous Trump affaibliraient la croissance tendancielle aux États-Unis. Si la dette publique devait augmenter encore plus rapidement que jusqu’à présent, cela ferait peser un risque sur la fiscalité. Toutefois, en tant que zone refuge en période d’incertitudes géopolitiques, les États-Unis devraient dans un premier temps continuer à attirer les flux de capitaux. Les Etats-Unis devraient donc pouvoir vivre encore un certain temps avec des déficits budgétaires élevés, avant que les marchés obligataires ne sanctionnent le pays en poussant à la hausse le rendement des obligations US.
Pour l’Europe, le retour de Donald Trump à la Maison Blanche représente une incertitude commerciale et géopolitique considérable, qui aura un impact négatif sur la croissance en Europe. Nous nous attendons à ce que Trump n’impose dans un premier temps que des droits de douane choisis et ponctuels, tout en menaçant la Chine et l’Europe d’une nouvelle escalade dans la guerre commerciale si elles ne font pas de concessions. Cette approche serait comparable à celle qu’il a adoptée en 2017-2020. Une telle approche pourrait nous obliger à abaisser nos prévisions de croissance pour 2025 d’environ 0,2 point de pourcentage pour l’Allemagne (actuellement 0,5 %) et d’environ 0,1 point de pourcentage pour les autres pays européens.
Si Trump devait aller encore plus loin et imposer effectivement des droits de douane de 10 % sur toutes les importations en provenance d’Europe, les dégâts seraient encore plus importants. Il convient toutefois de noter qu’une croissance américaine plus vigoureuse et un dollar américain plus fort atténueraient quelque peu les effets négatifs. Une croissance plus faible dans la zone euro en raison d’une escalade du conflit commercial pourrait même peut-être inciter la Banque centrale européenne (BCE) à abaisser ses taux directeurs un peu plus qu’elle ne l’aurait fait autrement.
La position de Trump sur les questions géopolitiques (moins de soutien à l’Ukraine, pression sur Kiev pour qu’elle accepte un cessez-le-feu favorable à la Russie ?) reste un risque sérieux pour l’Europe, avec des conséquences potentiellement importantes. Une défaite de l’Ukraine suite à une aide insuffisante des Etats-Unis et de l’Europe pourrait également encourager la Chine à tester la volonté des Etats-Unis de défendre l’indépendance de Taiwan en cas d’attaque.