Un été indien sous haute mousson

par Pauline Quinebeche, économiste chez Natixis

Comme nous l’avons évoqué précédemment, les risques sur les émergents font bien partis des réels enjeux de cette rentrée 2013. Or les risques concernant plus spécifiquement l’économie indienne sont loin d’être négligeables. L’Inde a connu un été particulièrement turbulent entre vulnérabilité extérieure accrue et fragilités domestiques de l’économie accentuées. La roupie indienne compte parmi les devises les plus touchées par les sorties de capitaux de ces derniers mois dans un contexte d’incertitude à propos de la progression moins importante de la liquidité mondiale.

Et l’environnement domestique inquiète : l’inflation élevée, le déficit budgétaire et le déficit courant pèsent sur la croissance – à +4,4% au T1 de l’année fiscale 2013, +5% sur l’année fiscale 2012/2013 bien en dessous de celle des années passées (+8,5% en moyenne sur 2005/2011). Dans un tel contexte, nous proposons de revenir sur les trois principaux enjeux auxquels le pays doit faire face dans un contexte d’incertitude électorale qui suscite d’ores et déjà des tensions entre communautés.

• L’inflation élevée de ces derniers mois (passant de 4,6% en mai à 5,8% en juillet), en raison notamment des contraintes d’offres (goulets d’étranglement) et de la hausse des prix importés du fait de la dépréciation de la roupie devrait continuer à contraindre la consommation et donc la croissance. La mousson a été favorable aux récoltes dans certaines régions tout en ayant eu des conséquences dévastatrices dans d’autres. Les effets de cette exceptionnelle mousson sur le plan économique sont donc mitigés.

• Le déficit courant est principalement le fait du solde commercial très déficitaire. D’une part, les importations sont difficilement compressibles : la dépendance de l’Inde aux importations de pétrole et d’or – qui compte pour 45% des importations – reste très marquée. Notons que les fluctuations à la hausse du prix du pétrole dans le contexte géopolitique actuel est une source d’inquiétude supplémentaire pour le pays. D’autre part, si la dépréciation de la roupie indienne pourrait rendre les exportations plus compétitives, la relative faiblesse de la demande externe et surtout les goulets d’étranglement (déficience en infrastructures, coupures d’électricité) auxquels le pays est confronté limitent la capacité de l’Inde à exporter davantage. Malgré les diverses mesures prises par les autorités monétaires et budgétaires ces derniers mois (relèvement de la taxe sur les importations d’or à plusieurs reprises, restriction sur les importations de pétrole…), le solde commercial reste pour le moment très déficitaire (73 milliards de dollars sur la période avril-août 2013 et près de 200 milliards de dollars sur l’année fiscale 2012/2013 soit 12% du PIB) pesant de ce fait sur le déficit courant (-4,8% du PIB sur l’année fiscale 2012/13) et sur la croissance.

• Le déficit budgétaire. Ce point-ci est particulièrement crucial au moment où les élections parlementaires de mai 2014 se rapprochent. Si le gouvernement doit réduire son déficit budgétaire actuellement à 4,8% du PIB pour « re- gagner » notamment la confiance des investisseurs et apaiser le marché, il doit également susciter la popularité sur le plan domestique. Or le vote par le parlement lors de la session parlementaire d’août au sujet d’un plan d’aide alimentaire aux populations les plus démunies est l’un des éléments qui a semé le doute chez les investisseurs. La roupie a effectivement atteint son plus bas historique le 28 août à plus de 68 roupies pour un dollar (début mai elle s’échangeait à 54 roupies pour un dollar). Ainsi le déficit budgétaire élevé ne laisse que peu de marge de manœuvre pour soutenir la demande et donc la croissance.

Ces trois principaux points, cruciaux pour la pérennité de la croissance, ne peuvent se régler que par la mise en place de réformes structurelles aussi bien sur le plan des infrastructures que sur celui de la gouvernance. Selon le 12ème plan quinquennal, le gouvernement a besoin de 1000 milliards de dollars dans les 5 prochaines années pour financer le secteur des infrastructures, talon d’Achille de l’économie indienne. Ainsi la plus grande démocratie du monde parviendra- t-elle à adopter une gouvernance suffisamment efficiente pour mettre en place ces réformes de long-terme ?

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