Un président de la Fed très engagé… voire craintif sur l’économie ?

par Alexandre Baradez, Responsable de l’analyse marchés chez IG France

Après la BCE en juin, c’est la Banque d’Angleterre qui a annoncé sa première baisse de taux aujourd’hui, en attendant la Réserve Fédérale en septembre. 

C’est probablement la baisse de taux la plus surveillée et la plus attendue par les marchés, celle de la Fed qui maintient sa fourchette de taux inchangée (entre 5.25%-5.50%) depuis juillet 2023. Sachant qu’il avait fallu seulement 18 mois à la Fed pour faire passer son taux proche de 0% en janvier 2022, à près de 5.50% en 2023. Le tout étant accompagné d’une réduction de la taille du bilan de l’institution monétaire pour limiter la liquidité disponible et calmer ainsi les pressions inflationnistes. 

L’inflation PCE sous-jacente aux Etats-Unis (inflation hors alimentation et énergie), la mesure la plus surveillée par la Fed, avait culminé à 5.4% en février 2022 sachant que les mois précédant le déclenchement de la pandémie, elle évoluait entre 1.6% et 1.8%. 

La politique de « higher for longer » sur les taux, menée par l’institution monétaire américaine, a progressivement porté ses fruits et l’inflation est retombée à 2.6% en juin, pas encore à l’objectif de 2% mais à un niveau suffisamment bas pour accélérer les discussions sur une première baisse de taux. 

Et c’est clairement le message qu’a voulu faire passer le président de la Fed lors de la dernière conférence de presse. Alors même que le communiqué de la Fed n’avait que légèrement évolué par rapport à juin, notamment dans les mots employés pour qualifier les progrès sur l’inflation, Jerome Powell s’est montré beaucoup plus précis et engagé sur le timing de la prochaine baisse de taux, à savoir septembre. 

Même s’il a rappelé que la Fed restait dépendante des données économiques pour prendre ses décisions, il a clairement désigné la réunion de septembre pour une première baisse de taux. Allant même plus loin que ça en expliquant sans détour que des discussions s’étaient même tenues au sein du comité pour une première baisse de taux…dès le mois de juillet ! 

Donc si la possibilité d’une baisse de taux en juillet a été discutée, difficile de ne pas procéder à l’opération à la réunion suivante, c’est-à-dire septembre. La foison d’informations communiquées par Jerome Powell a surpris certains observateurs, notamment lorsqu’il a dit sans détour que « les risques de hard landing sont maintenant » (!). Non pas qu’il anticipe réellement un hard landing de l’économie, sinon les taux auraient déjà été baissés, mais la fait d’aborder ce risque alors qu’il décrivait jusqu’ici l’économie et l’emploi comme «solides », montre peut-être que des inquiétudes sous-jacentes sur la croissance apparaissent au sein de l’institution. 

Les risques perçus au sein de la Fed sont désormais beaucoup plus équilibrés : alors que l’inflation était la source de préoccupation principale de la Fed jusqu’ici, Jerome Powell a expliqué hier que « les risques concernant le mandat sur l’emploi sont réels désormais ». 

Et lorsqu’il a été interrogé sur la possibilité d’une baisse de taux de 0.50% au lieu de 0.25%, il a répondu que cette hypothèse n’était pas retenue « pour l’instant ». 

Même s’il a rappelé que la Fed restait dépendante des données économiques, on a bien senti qu’une baisse de taux en septembre était implicitement actée, et qu’il faudrait donc un rebond marqué de l’inflation et/ou de très bons chiffres sur l’emploi d’ici-là pour éloigner ce scénario et le repousser à novembre ou décembre.

Ce qui va donc renforcer un peu plus l’attention des marchés sur les prochains chiffres d’inflation et d’emploi, pour voir s’ils collent avec le « scénario » proposé par le président de la Fed. 

A noter, en conclusion, que le ton étonnamment souple (voire un peu craintif ?) de Jerome Powell hier fait probablement les affaires de la BCE pour laquelle il sera plus facile de déclencher une deuxième baisse de taux si la Fed entame enfin son cycle de baisse de taux. On pensait que le symposium des banquiers centraux à Jackson Hole fin août serait le moment idéal pour communiquer aux marchés l’intention de baisser les taux le mois suivant…mais la délivrance du message ne pouvait, semble-t-il, pas attendre.