par Alain Guelennoc, Directeur Général de Federal Finance Gestion
En France, comme dans de nombreux pays, le pic de la crise sanitaire semble dépassé. Après avoir facilité les conditions d’accès du Mécanisme Européen de Stabilité, l’Union Européenne a adopté le principe d’un fonds de relance d’environ 1000 milliards d’euros, mais ses modalités de financement font encore l’objet de discussions entre les pays. Malgré un redressement attendu au deuxième semestre, l’activité devrait se contracter de plus de 6 % aux USA et en Zone euro en 2020.
L’économie mondiale touchée par la crise sanitaire
Aux États-Unis, la contraction du PIB au premier trimestre à 4,8 % (en rythme annualisé) devrait s’amplifier au deuxième trimestre. La consommation a été particulièrement touchée, affichant une baisse de 7,8 %. La confiance des ménages a également chuté en avril, notamment suite à la suppression de plus de 700 000 emplois. Les indices de confiance des entreprises se sont contractés dans les services et, dans une moindre mesure, dans le secteur manufacturier. Fortement impactées par la chute des commandes d’avions, les commandes de biens durables ont diminué de 14 % au mois de mars. Si l’investissement immobilier a dans un premier temps bien résisté grâce à la bonne activité du début d’année, les indices de confiance des promoteurs et les ventes de logements se dégradent nettement depuis le confinement. Enfin, l’inflation s’est affaiblie en mars, passant à 1,5 %, sous l’effet notamment de la baisse du prix du baril.
En zone euro, le PIB a chuté de 15,3 % au premier trimestre (en rythme annualisé). La composante « future » de l’indice allemand de confiance des industriels, l’IFO, est nettement inférieure à son plus bas de décembre. En France, le PIB s’est contracté de 23,3% au premier trimestre. Malgré la mise en place étendue de mesures de chômage partiel, le nombre de chômeurs a fortement progressé en mars.
Côté italien, la faiblesse de la croissance (-10% au premier trimestre) et la hausse de la dette font renaître les craintes de dislocation de la Zone euro. La BCE intervient massivement mais le manque de transfert entre Etats maintient la pression des marchés sur les taux. Le principe d’un plan de relance européen proche de 1000 milliards d’euros est acté mais les modalités de financement sont encore en discussion entre les Etats membres.
Les banques centrales souhaitent rassurer les entreprises
En avril, les bilans des banques centrales se sont fortement accrus suite à leurs interventions sur de multiples marchés. La Fed et la BCE ont ouvert la porte à des achats (en collatéral de prêts) de dettes notées « spéculatives », rassurant ainsi les entreprises sur la poursuite de leur refinancement en cas de dégradation de leur notations de crédit. Rien n’exclut que de nouvelles mesures « non conventionnelles » viennent enrichir la panoplie des Banques Centrales dans les semaines qui viennent.
Les taux longs souverains américains et allemands ont légèrement baissé en avril, respectivement à 0,62% et -0,50%. Ils ont oscillé en fonction des craintes de récession, des larges émissions de dettes et de perspectives de déconfinement. Les taux italiens se sont tendus en avril (1,75% en fin de mois) en l’absence de réponse convaincante de l’Europe à une demande d’aide financière et à la dégradation de la note souveraine du pays par une agence de notation (FITCH).
La reprise des marchés actions
Les marchés actions se sont repris en avril, le CAC40 remontant à 4572 points. Les investisseurs ont été rassurés par la baisse d’intensité de la crise sanitaire, le début du déconfinement et par les efforts des Banques Centrales intervenant sur de nombreux fronts. La hausse des marchés européens surprend vu l’ampleur des difficultés résiduelles telles que le risque de deuxième vague, la hausse probable du nombre de faillites, les tensions du marché du crédit et les difficultés de mise en place du plan de relance. Ces facteurs ont pénalisés davantage les actions européennes que les actions américaines, riches en valeurs technologiques. Les actions des pays émergents ont également souffert des craintes d’une seconde vague en Chine, de la force du dollar et de la faiblesse du pétrole.
Concernant les matières premières, le prix du baril de Brent a été très volatile en avril mais clôture à un niveau proche de celui du mois dernier à 22$. La chute de la demande pendant le confinement a entraîné une saturation des sites de stockage, poussant le cours du baril à des niveaux historiquement bas. Il s’est ensuite repris en fin de mois en prévision de la reprise de l’activité.
Les perspectives bénéficiaires
Dans l’attente d’avancées médicales dans la lutte contre le coronavirus, nous devons faire face à une réalité peu enthousiasmante. Le déconfinement devrait s’étaler sur plusieurs mois avec le risque d’une deuxième vague, réduisant les chances de reprise en « V ». La récession en cours est sévère et le nombre de faillites d’entreprises va progresser, tout comme le taux de chômage. Après une première phase de soutien, un plan de relance budgétaire des économies sera nécessaire, la crise ayant été très anxiogène. Les finances publiques vont se dégrader mais les Banques Centrales monétiseront en 2020 une partie des dettes des Etats. La situation dans les mois qui viennent devrait être plutôt déflationniste(choc de demande, baisse du pétrole). Dans un second temps, une modération de la mondialisation économique pourrait favoriser des niveaux d’inflation plus élevés. La « répression » financière (achat d’obligations souveraines par les Banques Centrales) devient réalité et bride toute velléité de hausse des taux longs américains et allemands. Les modalités de financement du plan de relance européen et la situation budgétaire italienne seront scrutées avec attention par les marchés dans les semaines qui viennent. Enfin, le niveau de valorisation (PER) est revenu sur son niveau élevé d’avant crise. Les bénéfices de sortie de crise, fin 2021, devraient continuer à être révisés en baisse. Hors avancée médicale majeure, la probabilité de rechute est donc loin d’être nulle.