par Didier Borowski, Responsable de la Recherche Macroéconomique, Monica Defend, Responsable de la Stratégie, Adjointe au Directeur de la Recherche, Philippe Ithurbide, Directeur de la Recherche chez Amundi
Le 17 septembre, le président américain Donald Trump annonçait la mise en place (dès le 24 septembre) d’une taxe de 10 % sur environ 200 milliards USD de nouvelles importations chinoises. Cette taxe passera d’ailleurs à 25 % au 1er janvier 2019. En guise de représailles, la Chine a annoncé de nouvelles taxes de 5 à 10 % sur 60 milliards de dollars de biens importés des États-Unis. La Maison-Blanche s’est déclarée prête à augmenter les taxes sur 267 milliards de dollars de biens supplémentaires si la Chine devait prendre de nouvelles mesures de rétorsion. Pour l’heure, la menace américaine semble suspendue en raison de la modération affichée par les Chinois.
Selon nos estimations, les mesures pourraient coûter entre 0,1 et 0,2 point de croissance aux Américains en 2019. Si les États-Unis relèvent leurs taxes à 25 %, la croissance chinoise pourrait être amputée de 0,6 %. Toutefois, il ne faut pas sous-estimer la capacité des autorités chinoises à stimuler la croissance: celles-ci ont récemment assoupli aussi bien la politique budgétaire que la politique monétaire, ce qui devrait permettre d’absorber au moins 0,3 % de l’impact négatif mentionné précédemment (c’est-à-dire l’ensemble de l’impact négatif résultant de la hausse des taxes à 10 % sur 200 milliards de dollars). De plus, la Chine peut prendre d’autres mesures si nécessaires, ce qui n’est pas le cas des autorités américaines dont la politique budgétaire est déjà très expansive et la Réserve fédérale américaine ayant l’intention de poursuivre le relèvement de ses taux.
Aux États-Unis, les perspectives restent favorables et les conditions financières accommodantes, mais celles-ci devraient se resserrer avec la hausse des taux d’intérêt et l’appréciation du dollar.
Par conséquent, la probabilité de récession dans les 12 prochains mois tend à augmenter selon nos estimations: s’établissant entre 10 et 20%, elle est faible, mais dépasse désormais significativement la moyenne historique. Si la Fed continue, comme nous le pensons, de relever ses taux directeurs de 25 pb/trimestre d’ici la mi-2019, cela entraînera une hausse des charges d’intérêts pour les entreprises qui se sont massivement réendettées au cours du cycle. L’impact sur l’investissement pourrait être élevé, dans la mesure où les effets expansionnistes de la relance budgétaire se dissiperont l’année prochaine.
Le ralentissement du commerce mondial montre que la rhétorique protectionniste a provoqué un choc d’incertitude qui a commencé de se propager à l’activité économique réelle (choc de confiance, perturbation des chaînes de production). Même si les États-Unis et la Chine décident de négocier après les élections américaines de mi- mandat, l’incertitude entourant le commerce mondial augmente.
En Europe, la croissance a déjà ralenti et la confiance fléchit en raison de cette incertitude et de la hausse du prix du pétrole, sans oublier le risque politique lié à la possibilité d’un Brexit « dur » ou d’un dérapage budgétaire marqué en Italie.
Enfin, les perspectives des marchés émergents (pris dans leur ensemble) se sont dégradées sous l’effet du rebond du dollar et du resserrement des conditions monétaires dans de nombreux pays de manière simultanée. La perspective d’un ralentissement synchrone de l’économie mondiale gagne rapidement du terrain.