par Alexandre Baradez, Responsable Analyses Marchés chez IG France
Malgré une détente apparente des relations entre les Etats-Unis et la Chine et une intensification des discussions autour du Brexit avec quelques avancées, il reste difficile de s’enthousiasmer pour la détente du risque sur les marchés ces dernières semaines.
Tout d’abord la solidité de l’accord entre les Etats-Unis et la Chine doit être questionnée : alors que le président américain insistait sur la nécessité d’un accord global, le bilan du 13ème round de négociations commerciales a été, pour le moins, loin des attentes. Un accord « phase 1 » a été annoncé mais ne sera pas rédigé avant 3 à 5 semaines et ouvrira la voie à une phase 2 puis 3. La construction de cet accord semble donc une nouvelle fois fastidieuse et ne garantit en rien sa bonne exécution. Quelques heures seulement avant l’annonce de cette première partie d’accord, la Chine annonçait encore qu’elle avant « largement finalisé » une liste d’entreprises considérées comme « non fiables » … en ce qui concerne l’engagement à acheter plus de produits agricoles américains, c’était déjà un engagement pris lors des derniers rounds de négociation et cela n’a pas empêché les phases d’escalade récurrentes que nous avons connu cette année.
Au-delà des négociations commerciales, ce sont les questions macroéconomiques qui continuent d’alimenter la méfiance sur la dernière phase de hausse des marchés. Aux Etats-Unis, les indices d’activité ISM (Manufacturier et Services) se sont repliés de concert en septembre. C’est le deuxième mois consécutif de contraction de l’ISM manufacturier qui a touché son plus bas niveau en une décennie. Au-delà de la contraction, c’est surtout le fait que l’ISM manufacturier soit tombé sous les creux de 2012 et 2016. Nous sommes dans le 3ème cycle de ralentissement de l’activité manufacturière aux Etats-Unis post crise des subprimes, mais ce ralentissement est plus fort que les deux précédents d’après la mesure de l’ISM.
Plus inquiétant, l’ISM services a nettement décroché en septembre, de près de 4 points. Certes il évolue toujours dans une zone qui marque l’expansion de l’activité (52.6 c’est-à-dire au-dessus de 50.0 qui marque la limite entre expansion et contraction), mais sa trajectoire baissière suit celle de l’ISM manufacturier. Il y a seulement un an, en septembre 2018, l’ISM services s’affichait encore à 60.8 contre 52.6 aujourd’hui. Sa vitesse de dégradation est bien réelle et à ce rythme une contraction de l’activité dans les services peut largement intervenir d’ici la fin de l’année.
Autre forte interrogation : pourquoi le marché perçoit positivement les derniers mouvements de la Fed alors que les décisions qu’elle a prise au cours des derniers mois sont des mesures habituellement déployées en période de crise… notamment les injections de liquidité en dollar qui étaient prévues pour durer quelques jours et qui finalement vont se poursuivre plusieurs mois d’affilée. Même question concernant le redémarrage des achats d’actifs : la Fed a annoncé qu’elle allait commencer à acheter 60 milliards $ de bons du Trésor par mois et que ces opérations allaient se poursuivre jusqu’en 2020. Résultats : le bilan de la Fed a grossi de près de 200 milliards de dollars en quelques semaines, sans que la Fed qualifie ces opérations de nouveau « quantitative easing » ou QE.
Donc en l’espace de quelques mois seulement, la Fed aura baissé ses taux à deux reprises, injecté des liquidités sur le marché interbancaire et annoncé un « non-QE » de 60 milliards $ par mois… alors que les indices actions US évoluent à moins de 3% de leurs sommets historiques. On peut voir le verre à moitié plein en estimant que ces mesures vont encore soutenir les marchés… ou le verre à moitié vide en jugeant « curieux » que la Fed mette en place des mesures de crise, alors que nous ne sommes pas en crise, ni en récession. La Fed a-t-elle des inquiétudes profondes pour les mois à venir ?
Dernier élément technique : les positions spéculatives sur le VIX, qui est l’indice de volatilité du SP500, se sont redressées la semaine dernière alors que des bruits plus positifs parcouraient le marché sur le Brexit ou les négociations commerciales entre les Etats-Unis-et la Chine. Ce qui signifie qu’il y a eu un peu moins de positions pariant sur une poursuite de la baisse de la volatilité et, au contraire, un peu plus de positions faisant le pari d’un redressement de la volatilité, c’est-à-dire de la nervosité sur le principal indice actions américain. On note donc que ce redressement des positions spéculatives sur le VIX s’est fait dans un environnement où la volatilité baissait (le VIX a reculé sur l’ensemble de la semaine dernière). Ce qui crée donc une divergence… et peut traduire un début de méfiance