par Alexandre Hezez, Stratégiste de Groupe Richelieu
Si la pandémie continue de dicter la vie économique et sociale, nous ne sommes plus du tout dans la même situation que nous avons connue. Un consensus de bon augure se dessine : plusieurs vaccins permettent d’entrevoir une gestion de la Covid 19 ; une nouvelle administration américaine rétablissant la stabilité du commerce mondial ; et, dans la plupart des grandes économies, un stimulus suffisant pour combler le fossé vers la normalité.
Même si nous sommes coutumiers de l’exercice des prévisions, l’expérience de nombreux prévisionnistes en 2020 appelle à l’humilité. La situation écono- mique est très dépendante de critères exogènes aux données classiques, par exemple la météo peut conditionner la vitesse de propagation de l’épidémie.
La récession que nous avons vécue est historique à plusieurs niveaux :
- Par son ampleur et sa synchronicité au niveau mondial (même si la Chine semble s’en être sortie dès mars 2020) ;
- Par la vitesse des réactions et les montants engagés par les banques centrales et les Etats. L’expérience des crises de 2009 et 2011 ont per- mis de mettre en place des outils de politiques « non conventionnelles » (rachats d’actifs) qui le sont devenues ;
- Par l'origine encore discutée de l'épidémie plus d'un an après son déclenchement ;
- Par l'accumulation de règles administratives nationales d'une ampleur sans précédent en temps de paix.
En effet, ce sont les gouvernements – sciemment, pour sauver des vies – qui ont pris la responsabilité d’arrêter presque complètement l’économie par moments en privilégiant l’aspect sanitaire.
2021 sera une année de reprise sans « aucun » doute mais la question que nous devons nous poser reste son ampleur. La mise en place de nouveaux confinements en fin d’année alimente les risques d’une nouvelle faiblesse des indicateurs économiques en janvier. Cela étant, la robustesse de la reprise du secteur ma- nufacturier pourrait permettre d’amortir ce choc économique.
La perspective d’un vaccin a permis un retour de la confiance des agents économiques dans l’espérance d’un monde sans Covid même si la crainte d’un emballement incontrôlé de l’épidémie à court terme reste anxiogène. En Europe, les perspectives s’améliorent. Les indicateurs économiques ressortent en moyenne au-dessus des attentes avec en particulier une hausse de la confiance des industriels. Au niveau de la politique budgétaire, le fonds de relance européen (NextgenerationEU) a finalement été approuvé. Enfin, la négociation d’un accord post-Brexit donne plus de visibilité pour une Europe en construction… budgétaire.
Aux États-Unis, la reprise économique montre des signes d’essoufflement mais les changements politiques pourraient modifier la donne. Devant la dégradation des perspectives de croissance, le Congrès a conclu un nouveau stimulus budgétaire (4 % du PIB).
En Chine, la reprise économique s’accélère. L'absence de deuxième vague pandémique a été l'une des rares bonnes nouvelles de 2020 pour l'économie mondiale. Mais il n'est pas certain que les pays occidentaux le voient toujours de cette façon en 2021. L'ex-Empire du Milieu ayant retrouvé ses tendances d'activité d'avant crise sort grand gagnant d'une épidémie dont il était le « patient zéro ». Il n’est pas à exclure le maintien d'une certaine tension commerciale sous l'administration Biden (sans les tweets acerbes de Donald Trump). Autre bénéficiaire de la crise, la « Big Tech » devra aussi se méfier d'un retour de bâton. Ceux des gendarmes de l'antitrust et des régulateurs sont déjà brandis.
Bref, 2021 sera scindée en deux, une première phase durant laquelle tous solidaires dans les tranchées, nous combattrons ce virus. À l’aube de l’immunité collective, de nouveaux procès d’intention arriveront sur la gestion de la crise par les Etats, les dettes qu’il faudra rembourser, les tensions géopolitiques entre certains pays se sentant victimes, les banques centrales qui vont devoir rester crédibles. Bref, des questionnements plus classiques… autrement dit, un retour à la normale !