Vers un rééquilibrage du modèle de croissance français ?

par Jean-Christophe Caffet, économiste chez Natixis

L’exercice 2012 se sera donc soldé, selon toute vraisemblance, par une croissance nulle, ou quasi-nulle, du produit intérieur brut français (+0,1% selon nos dernières estimations).

Plutôt décevant1 et relativement peu parlant au premier abord, ce chiffre agrégé recouvre toutefois une réalité qui, en première lecture, pourrait passer pour une authentique curiosité : le commerce extérieur français aura en effet, pour la première fois depuis plus de dix ans, contribué positivement à l’activité (+0,6 point de PIB) tandis que les parts de marché françaises se seront stabilisées (autour de 3,2% des exportations mondiales) et que le déficit commercial se sera, lui aussi, partiellement résorbé (de 8 Mds EUR environ).

Doit-on voir dans la conjonction de ces trois éléments – qui ne s’étaient pas produits simultanément depuis 2001, date à laquelle la balance commerciale était encore à l’équilibre et les parts de marché françaises proches de 5% – les premiers signes d’un rééquilibrage du modèle de croissance hexagonal ou les conséquences fortuites d’un alignement des planètes favorable au commerce extérieur français?

La réponse nous semble se situer à mi-chemin entre ces deux interprétations.

La bonne nouvelle est que, dans un contexte de stabilisation des termes de l’échange, la résorption du déficit commercial français provient uniquement de la balance des biens manufacturés (biens d’équipement et matériel de transport principalement), la facture énergétique continuant pour sa part de se creuser (+2Mds EUR sur douze mois en octobre). Conjointement à l’amélioration du solde des services, cette réduction du déficit de la balance des biens devrait permettre de compenser la sensible dégradation observée côté revenus et transferts courants, et d’afficher in fine une (très légère) résorption des besoins de financement de la Nation sur l’ensemble de l’année (autour de 0,2 point de PIB selon nos prévisions).

La moins bonne nouvelle est que cette amélioration du solde des biens manufacturés provient essentiellement d’une contraction de la demande (stagnation de la consommation privée, de la formation brute de capital fixe, déstockage) plutôt que d’un accroissement vigoureux des exportations. La stabilisation des parts de marché françaises en 2012 – comme en 1998, 2001 et 2009 – doit d’ailleurs se lire au regard du très fort ralentissement des échanges mondiaux, en contraction sur un an depuis le début de l’été dernier (-3,8% en dollars courants au T3). Reflet des faiblesses (de l’inertie) de l’offre en France, ce maintien des parts de marché et la forte stabilisation cyclique exercée par le commerce extérieur n’en demeurent pas moins des évolutions favorables signant, via une résorption partielle des excès de demande, un début de rééquilibrage du modèle de croissance français.

Alors que le partage des revenus dans le secteur marchand et la très forte consolidation fiscale prévue en loi de finances devraient pérenniser ces évolutions en 2013, l’enjeu demeure plus que jamais le redressement des capacités d’offre du secteur exportateur. Si la France dispose toujours d’avantages comparatifs forts dans certaines filières (agroalimentaire, mécanique, pharmacie…), l’émergence de nouveaux concurrents, en particulier sur les plus dynamiques des marchés, pourrait toutefois venir les menacer.

NOTES

  1. Le gouvernement précédent tablait sur une croissance de 1,75% en LFI, le consensus des économistes 0,9%, Natixis 0,7%.

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