Zone euro : écart Nord-Sud

par Caroline Newhouse, économiste chez BNP Paribas

Le « moteur » économique franco-allemand n’a finalement pas vraiment calé. En France, les statistiques du PIB ont pris les enquêtes à contre-pied, relatant une légère hausse de l’activité au quatrième trimestre (T4) 2011 (+0,2% t/t). Le « trou d’air » allemand a, pour sa part, été limité.

Si la première puissance européenne a vu son PIB baisser de 0,2% au T4 2011, les enquêtes PMI et IFO indiquent qu’elle s’inscrit désormais en rebond. Nous relevons de +0,4% à +1,1% notre prévision de croissance allemande en 2012, tablant sur une légère accélération de l’activité au cours des prochains trimestres. Les conditions particulièrement favorables sur le marché du travail (le taux de chômage, à 6,7% en janvier, est à son plus bas depuis vingt ans) devraient soutenir les dépenses de consommation des ménages.

Par ailleurs, les exportations allemandes, qui représentent 50% du PIB, devraient bénéficier de la demande en provenance des pays hors zone euro (60% du total de ses exportations) et des BRICs.

Moody’s trouble-fête

Une impression de mieux tempérée par Moody’s. En début de semaine, l’agence a annoncé la mise sous «perspective négative » de la note de solvabilité maximale (Aaa) qu'elle attribue à la France mais aussi au Royaume-Uni et à l'Autriche. Cette décision signifie qu’il y a 30% de chance que ces trois pays perdent leur AAA d’ici dix-huit mois.

Parallèlement, l’agence a abaissé la notation de six autres pays européens (d’un cran en ce qui concerne l’Italie, Malte, le Portugal, la Slovaquie, la Slovénie et de deux crans pour l’Espagne). Dans son communiqué, Moody’s justifie sa décision en raison de «l'incertitude entourant, premièrement, les perspectives de réformes structurelles du budget et de l'économie de la zone euro et, deuxièmement, les ressources qui seront mises à disposition pour faire face à la crise ». Autre facteur d'explication selon Moody's, « le fait que les perspectives pour l'économie européenne sont de plus en plus médiocres, ce qui menace la mise en œuvre des programmes d'austérité et les réformes structurelles nécessaires pour promouvoir la compétitivité ». Enfin, Moody’s s’inquiète de ce que ces incertitudes continuent de peser sur la confiance des marchés.

De fait, semaine après semaine, l’inquiétude croît. Certains pays, au premier rang desquels l’Italie, s’attachent à mettre en œuvre des réformes structurelles difficiles. Celles-ci porteront leurs fruits à moyen terme mais exercent un effet dépressif sur l’activité à court terme. Au quatrième trimestre 2011, le PIB italien a nettement baissé (-0,7%), et les perspectives pour 2012 ne sont pas les mêmes qu’en Allemagne. Le Portugal connaît une franche récession et pourrait avoir des difficultés à retourner se financer sur les marchés financiers en 2013.

Mais c’est toujours en Grèce que la situation demeure la plus préoccupante, dans un climat social qui se détériore jour après jour. Le gouvernement de coalition est soumis à une très forte pression de ses partenaires européens en vue du déblocage du second plan d’aide de 130 milliards d’euros. L’Eurogroupe, chargé de l’entériner, a reporté sa réunion au lundi 20 février.

A ce stade, un accord a été trouvé sur EUR325mn d’économies supplémentaires en 2012 (au prix de la démission de plusieurs membres du cabinet du Premier ministre). Les chefs de file du PASOK et du Parti de la Nouvelle Démocratie ont signé des lettres d’intention les engageant à respecter les décisions du gouvernement actuel, même après les élections générales.

Enfin, un accord avec les créanciers privés était attendu en fin de semaine sur la base d’une participation du FESF à l’échange : un euro d’ancienne dette grecque serait échangé avec une décote de 50% contre 35 centimes de nouvelle dette grecque et 15 centimes de titres du FESEF. Compte tenu de la montée du mouvement contestataire à Athènes et de l’approche des élections, de nouvelles divergences au sein de l’Eurogroupe sont apparues.

Si la plupart des Etats membres souhaitent renforcer les conditionnalités d’octroi du nouveau plan d’aide, craignant une fois encore que la Grèce ne se soustraie à ses engagements, l’Allemagne, la Finlande et les Pays-bas, particulièrement échaudés par les mauvais résultats du pays, durcissent encore un peu plus le ton. Ils ne veulent pas négocier avant les élections d’avril, afin d’obtenir l’engagement total du prochain gouvernement1. Si tel n’était pas le cas, Berlin évoque même l’idée d’imposer la formation d’un gouvernement de techniciens, inspiré de l’exemple italien, qui assurerait la mise en oeuvre des mesures conditionnelles à l’octroi de nouveaux fonds, les élections étant ajournées sine die. En attendant et en l’absence d’accord, la Grèce devra faire face dès le mois prochain à une tombée d’emprunt (EUR 14,4 mds, le 20 mars). Le défaut pourrait toutefois être évité en puisant dans les fonds inutilisés du premier programme d’aide, soit EUR37mds sur un total de EUR110mds.

NOTES

  1. Le Parti de la Nouvelle Démocratie, avec à sa tête Antonis Samaras, pressenti pour devenir le prochain Premier ministre, mène dans les sondages, avec 30 à 33% d’intentions de vote. Un gouvernement de coalition verrait probablement le jour, scellant une alliance avec le PASOK, qui récolte 8 à 10% des intentions de vote.

Retrouvez les études économiques de BNP Paribas