par Sandrine Boyadjian, Axelle Lacan et Bénédicte Kukla, économistes au Crédit Agricole
Le PIB dans l’ensemble de la zone euro a décéléré au troisième trimestre 2010 (+0,4% t/t, après 1%). Les principaux pays de la zone ont enregistré un ralentissement de leur croissance ce trimestre-ci, ce qui est typique dans la phase actuelle du cycle.
L’Allemagne demeure le principal moteur de la zone euro, avec une hausse du PIB de 0,7% t/t.
L’activité française a progressé de 0,4% t/t, après 0,7%, soutenue par la vigueur de la consommation des ménages. Les pays de la périphérie gardent la tête sous l’eau, en particulier la Grèce et l’Irlande.
L’activité en zone euro a ralenti au troisième trimestre 2010. En première estimation, le PIB de l’ensemble de la zone euro s’est établi a +0,4% t/t au T3 2010, après +1,0% t/t au T2 2010. Ce résultat est en ligne avec notre prévision qui était légèrement en dessous du consensus (Bloomberg : 0,5% t/t). Le détail des comptes nationaux pour l’ensemble de la zone euro sera publié début décembre.
Parmi les membres de la zone euro, l’Allemagne continue à être le principal moteur de croissance, avec une progression du PIB de +0,7% t/t au T3, ce qui reste, néanmoins, nettement plus faible qu’au trimestre précédent (révisé à 2,3% t/t). La France et l’Italie ont également vu un freinage de leur croissance au T3, respectivement de +0,4% t/t (après +0,7% au T2) et +0,2% t/t (après +0,5% au T2). Dans les pays de la périphérie, l’activité reste déprimée, mais avec quelques bonnes surprises. Après une progression de 0,2% t/t au T2, l’activité a de nouveau stagné en Espagne (+0,0%) au T3. Toutefois, ce recul est moins fort qu’initialement craint avec l’impact sur la consommation privée de la hausse du niveau de la TVA en Juillet. Par ailleurs, la croissance du PIB au Portugal a surpris à la hausse (+0,4% t/t au T3, après +0,2% au T2). Enfin, la récession en Grèce se poursuit, mais le PIB a moins reculé qu’au T2 (-1,1% t/t au T3, après -1,7% au T2).
Au total, malgré une moyenne relativement solide, la croissance en zone euro continue d’avancer à plusieurs vitesses entre les pays membres.
La France, à la moyenne de la zone euro
La première estimation du PIB en France montre que l’activité ralentit au troisième trimestre, mais ne cale pas. Le PIB en France progresse en effet de 0,4% en volume par rapport au trimestre précédent, tout comme l’ensemble de la zone euro. C’est certes moins bien que les 0,7% t/t affichés au deuxième trimestre. Mais c’est mieux que ce que pouvait suggérer le tassement de l’environnement économique international.
Comment expliquer la relative bonne tenue de l’activité française au troisième trimestre ? En progressant deux fois plus rapidement qu’au deuxième trimestre (+0,6 % t/t, après +0,3 % t/t), la consommation des ménages participe largement à cette performance. Elle confirme ainsi son statut de moteur clé de la croissance française.
L’investissement, même s’il ralentit, continue d’apporter un soutien non négligeable à l’activité (+0,5% t/t, après +0,9% t/t). Certes, l’investissement des entreprises décélère sensiblement (+0,5% t/t, après un rebond de +1,2% t/t au deuxième trimestre). Mais du côté des ménages, le chiffre surprend largement positivement (+1% t/t, après +0,2% t/t), à l’instar de l’investissement en logement, qui après neuf trimestres de contraction, repart à la hausse.
Enfin, troisième et dernier soutien de l’activité, les variations de stocks contribuent de nouveau positivement à la croissance (+0,3 point). Les entreprises ne restockent toujours pas, mais déstockent de moins en moins.
A l’inverse, le commerce extérieur continue de peser sur l’activité (contribution négative de -0,5 point). Les exportations restent vigoureuses (+2,5 % t/t), mais ne font pas le poids face à des importations, qui, ce trimestre encore, font montre d’un dynamisme à toute épreuve (+4,1 % t/t).
Au total, cette croissance majoritairement composée de consommation et d’investissement, laisse penser que la France entre peu à peu dans une nouvelle phase qu’est l’après-crise.
Pour le quatrième trimestre, les premières informations disponibles suggèrent que l’activité devrait continuer à progresser à peu près au même rythme. Les enquêtes Insee publiées en Octobre, notamment, ont surpris favorablement, en dépassant enfin leur moyenne de longue période. Ainsi, l’indicateur synthétique du climat des affaires dans l’industrie atteint 102 en octobre. Dans le secteur des services, il ressort à 101.
Au-delà, il reste à savoir si les bases de cette croissance plus autonome sont suffisamment solides pour faire face, en 2011, au risque de freinage de l’économie mondiale et à l’impact du plan d’assainissement des finances publiques. Notre scénario prévoit un très léger ralentissement, mais en aucun cas une rupture, avec une croissance moyenne de l’ordre de 1,5% en 2011.
Quelles sont les perspectives à court terme pour l’ensemble de la zone euro ?
Les enquêtes de confiance pour l’ensemble de la zone euro (Commission européenne et PMI) portant sur le mois d’octobre ont été meilleures qu’attendu, en particulier en Allemagne. Ces enquêtes font en effet état d’un regain de vigueur dans les pays du centre tandis qu’elles signalent une atonie de l’activité dans les pays de la périphérie, en particulier en Espagne et en Grèce.
Néanmoins, ces premiers résultats semblent introduire un biais haussier sur notre scénario central, qui anticipe une progression du PIB de 0,2% t/t au quatrième trimestre 2010. Mais de nouveaux risques baissiers tendent à se matérialiser. Outre l’austérité des politiques budgétaires qui devrait coûter un point de pourcentage à la croissance du PIB en 2011, l’euro est actuellement à un niveau élevé. En effet, nous tablions sur une monnaie européenne plus faible.
Nous anticipions que l’affaiblissement de l’euro permettrait de compenser l’impact négatif des sévères mesures d’austérité et serait ainsi un soutien à la croissance en 2011. Par ailleurs, nous assistons à une accentuation des tensions dans les pays de la périphérie, ce qui conduirait à une nouvelle détérioration de la confiance et à une prudence excessive des agents. Du côté des facteurs favorables à la croissance, les conditions monétaires et financières restent exceptionnellement accommodantes, la BCE ne devant pas augmenter son taux directeur avant début 2012.
Au total, ces premiers résultats sur le troisième trimestre 2010 tendent donc à confirmer notre scénario de croissance pour la zone euro en fin d’année. La croissance du PIB devrait ainsi être de 1,6% en 2010 avant de décélérer à 1,3% en 2011, le fort resserrement budgétaire jouant à plein l’année prochaine. De plus, le ralentissement de l’activité est typique dans la phase actuelle cycle économique.
Mais ce chiffre pour l’ensemble de la zone euro cache la nette divergence de la croissance entre les pays du centre et celle des pays de la périphérie. Nous estimons que cette divergence se maintiendra au cours de l’année prochaine. En Allemagne, la vigueur des exportations devrait se diffuser à la demande intérieure via la hausse de l’emploi et celle des salaires, ce cercle vertueux rend ainsi la reprise plus robuste. En revanche du côté des pays de la périphérie, le serrage de vis budgétaire maintient les économies sous l’eau. La Grèce restera en récession au cours du prochain trimestre, tout comme l’Irlande très probablement. Dans ces pays, une trappe à austérité risque de s’enclencher, c’est-à-dire l’enchainement d’un cercle vicieux entre l’austérité des mesures fiscales qui pèsent sur la croissance et la faiblesse de l’activité qui ne génère pas assez de recettes fiscales.
Retrouvez les études économiques de Crédit Agricole