par Eric Vergnaud, économiste chez BNP Paribas
L’Allemagne a annoncé en début de semaine un plan d’économies budgétaires sans précédent, avec une baisse de 80 milliards d’euros d’ici à 2014, dont 11 milliards dès 2011. L’objectif est de ramener le ratio de déficit sur PIB sous 3% dès 2013. Le gouvernement a renoncé à augmenter les prélèvements fiscaux directs et la TVA (comme cela était pourtant demandé par une partie de la coalition). Seules les dépenses de l’Etat fédéral sont concernées. Les prestations sociales seront fortement touchées, avec une réduction des aides aux chômeurs et aux bénéficiaires des minima sociaux qui devrait permettre d’économiser 4,3 milliards. De même, les aides au congé parental seront diminuées, ainsi que les allocations familiales.
Une taxe dite « écologique » sera appliquée aux voyages aériens au départ de l’Allemagne. Les entreprises supporteront environ la moitié de l’ajustement, avec en particulier l’instauration d’une taxe supplémentaire pour les producteurs d’électricité qui voudront allonger la durée de vie de leurs centrales nucléaires (EUR 2,3 milliards/an). De plus, les effectifs de la fonction publique fédérale seront diminués de 10k à 15 k d’ici à 2014 (sur un total de 280k).
Enfin, les effectifs de l’armée vont être nettement diminués, de près de 40k et la suppression de la conscription est probable.
Compte tenu de la position déjà relativement favorable des finances publiques allemandes, ce plan qui représente 3% du PIB, dont 0,5% en 2011, accroît la pression sur les partenaires de l’Allemagne au sein de la zone euro, en matière d’assainissement des finances publiques. Les spreads par rapport au rendement du Bund à 10 ans se sont d’ailleurs tendus en début de semaine (approchant 60 pb pour l’OAT) par le biais tout à la fois d’une baisse des taux allemands et d’une hausse des taux de la plupart des autres membres de l’UEM, avant de se resserrer en fin de semaine.
Les développements les plus récents ont été positifs tant dans une perspective de court terme que de moyen-long terme. Ainsi, les dernières émissions espagnole et portugaise se sont déroulées favorablement. De plus, les détails de la mise en œuvre du fonds européen de stabilisation financière ont été fournis par le conseil Ecofin lundi 7 juin et la Cour constitutionnelle allemande a repoussé une deuxième requête visant à bloquer le plan d’aide financière aux pays de la zone euro. Enfin, un «large accord » s’est dessiné sous la houlette de M. Van Rompuy, président du Conseil européen, à l’occasion d’une réunion des 27 ministres des finances de l’UE, pour une refonte visant à durcir le pacte de stabilité et de croissance, dont les limites en matière de surveillance sont apparues au grand jour. Les pistes évoquées concernaient la mise en place de sanctions préventives, la prise en compte de la trajectoire de l’endettement, le renforcement de l’incitation à la consolidation budgétaire en période de « vaches grasses »… Il est également envisagé (la majorité des 27 pays de l’UE y sont favorables) de faire examiner au niveau européen les budgets nationaux avant leur adoption par les parlements nationaux. De nouvelles réunions de travail sont prévues d’ici à la fin de juillet qui devraient permettre de préciser les hypothèses avancées lundi.
Voila qui pourrait améliorer nettement la gouvernance de la zone euro. Il faut garder à l’esprit que l’Europe a accompli ses plus grandes avancées lors de crises : celle du milieu des années 1980 a conduit à la création du marché unique, celle du début des années 1990 au lancement du chantier de l’euro.
Pour autant, les incertitudes qui persistent autour de la dette souveraine dans la zone euro continuent d’alimenter des « scénarios du pire », comme celui de l’éclatement de la zone, à terme. Celui-ci, toutefois, ne ferait que des perdants. Certes, les pays du sud de l’Europe peuvent espérer, en cas de sortie de l’UEM, un gain en termes de commerce extérieur, l’amélioration de leur compétitivité permise par la dépréciation de leur devise pouvant surpasser la détérioration en matière de termes de l’échange. Toutefois, compte tenu de la baisse du change et de la très probable forte hausse de leurs taux d’intérêt à long terme, le fardeau de la dette ne pourrait que s’alourdir. Au total, le bilan global serait très négatif. De son côté, l’Allemagne, qu’elle sorte de la zone euro ou qu’elle reste dans une zone qu’auraient quitté un ou plusieurs pays du sud de l’Europe, subirait une très forte hausse de son taux de change, ce qui nuirait gravement à sa compétitivité. Il convient de se rappeler qu’au début des années 1990, la sortie du Royaume-Uni et de l’Italie du SME et les dévaluations compétitives de la peseta espagnole et de l’escudo portugais ont nui très fortement à la compétitivité de l’Allemagne et à son commerce extérieur, ce qui n’a fait qu’ajouter au coût, déjà très élevé, de la réunification. L’Allemagne a mis près de dix ans pour regagner le terrain perdu.
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