par Frédérique Cerisier, économiste chez BNP Paribas
L'ampleur des mesures de soutien à la demande mises en place par les Etats membres est proche de 1% du PIB de la zone euro en 2009 et de 0,8% en 2010. La taille des plans et le type de mesures retenues diffèrent assez nettement d'un pays à l'autre.
D'ici à l'an prochain, le déficit public de la zone euro pourrait s'établir autour de 7% du PIB, le ratio de dette augmentant lui de près de 15 points par rapport à 2008, à plus de 80%.
Tous les Etats connaîtront une détérioration marquée de leur position budgétaire. Cette situation sera probablement durable, compte tenu des faibles perspectives de croissance à l'issue de la récession.
Un déficit des finances publiques proche de 7% du PIB d'ici l'an prochain
Après quatre années consécutives d'amélioration, le solde budgétaire de la zone euro s'est sensiblement détérioré dès l'an dernier, pour s'établir à -1,9% du PIB en 2008 après -0,6% en 2007. La détérioration enregistrée en 2008 s'explique surtout par le ralentissement de la croissance, puis l'entrée en récession de la quasi-totalité des pays membres.
Cette année, tous les Etats membres de la zone vont subir une détérioration encore plus massive de leur solde budgétaire, sous le double effet de la poursuite de la récession et des mesures de soutien à l'activité engagées par la plupart des gouvernements. En outre, le retour de la croissance n'interviendra qu'au cours de l'année 2010, et, à cet horizon, la progression de l'activité devrait rester insuffisante pour renouer avec des créations d'emplois1. Ceci implique que, l'an prochain, le creusement des recettes fiscales et sociales et la progression des prestations sociales continueraient de creuser les déficits2.
L'ampleur de la relance
Le total des dépenses de soutien à la demande mises en place par les Etats membres est généralement estimé à un peu plus de 1% du PIB de la zone euro en 2009 et (jusqu'à présent) à 0,8% en 2010. A ces montants, il faut ajouter des mesures en faveur des secteurs non financiers qui ne pèsent pas sur le solde général des finances publiques3. Parfois importantes dans certains pays, l'ampleur de ces mesures est actuellement estimée à 0,5% du PIB de l'UE par la Commission européenne. S'agissant des mesures directes de soutien à la demande, plus directement comparables d'un Etat à l'autre, l'ampleur des plans de relance est très variable. Ainsi, les dépenses (ou baisses de recettes) supplémentaires programmées d'ici à 2010 représentent plus de 3% du PIB en Allemagne, en Autriche et en Espagne (pour ce dernier pays, le cumul tient compte des mesures prises en 2008, où, compte tenu de la gravité de la situation économique, la politique budgétaire était déjà très expansionniste). A l'opposé, le relâchement discrétionnaire de la politique budgétaire devrait être nul ou quasiment nul en Irlande, en Grèce et en Italie.
La même disparité prévaut lorsque l'on observe le type de mesures de soutien à l'activité retenues dans les différents Etats membres.
Ainsi, les mesures de réductions fiscales sont prépondérantes en 2009 dans les plans de relance mis en œuvre au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Pays-Bas et en Autriche, tandis que l'augmentation des dépenses d'investissement représente la plus grande partie des dispositifs français et espagnol par exemple4. Ces différences peuvent parfois refléter des caractéristiques propres à l'économie de chaque pays (nécessité de soutenir le secteur de la construction en Espagne, mise en œuvre précoce d'une vaste réforme de la fiscalité des ménages discutée de longue date en Autriche par exemple). Toutefois, elles illustrent probablement également la multiplicité des objectifs assignés à la relance.
Au final, et sans préjuger d'éventuelles mesures supplémentaires de soutien à l'activité qui pourraient être prises à l'avenir dans certains pays si cela se révélait nécessaire, il est probable que d'ici à 2010 les pays de la zone connaîtront tous des déficits de leurs finances publiques massifs, de près de 7% en moyenne pour l'ensemble de la zone euro.
Endettement : nouvelle dérive pour certains, plusieurs années de consolidation perdues pour d'autres
Après seulement deux années consécutives de baisse, le ratio de dette publique est reparti à la hausse l'an dernier, passant de 66%du PIB en 2007 à plus de 69% en 2008, en grande partie suite aux mesures de renforcement des fonds propres des secteurs bancaires.
Cette année et l'an prochain (au moins), ce sont la récession et le creusement des solde primaires qui vont conduire à une augmentation rapide du niveau d'endettement des Etats membres.
Selon les projections de la Commission européenne, l'endettement de la zone euro pourrait encore s'accroître de près de 15 points d'ici à 2010, pour approcher 85% du PIB.
Le ratio de dette s'établirait à cet horizon à des niveaux jamais atteint au cours des quarante dernières années dans des pays comme la France, l'Allemagne, l'Autriche ou le Portugal, qui étaient difficilement parvenus à stabiliser leur endettement autour du critère de Maastricht (60%) ces dernières années. En Irlande, en Espagne ou aux Pays-Bas, plusieurs années de consolidation budgétaire seraient effacées. L'Italie resterait l'Etat le plus endetté de la zone (116% du PIB), suivi par la Grèce puis la Belgique dont le taux d'endettement franchirait à nouveau la barre symbolique de 100% du PIB.
Ces projections n'intègrent évidemment pas d'éventuelles mesures supplémentaires de soutien des secteurs bancaires, pas plus que l'éventuel exercice des garanties publiques accordées par plusieurs Etats au secteur financier. Aujourd'hui, ces risques apparaissent moins importants qu'au premier trimestre, comme en témoigne l'évolution des primes de CDS à 5 ans sur les dettes souveraines et la diminution des écarts entre les taux longs des obligations d'Etat et le Bund allemand ces dernières semaines.
Sortie de crise ?
Jusqu'ici, les effets des plans de soutien à l'activité ont été peu perceptibles au niveau macroéconomique, à la fois parce qu'ils étaient dilués dans une récession d'une ampleur exceptionnelle (environ 4% de baisse cumulée du PIB au cours des deux derniers trimestres) et parce que leur entrée en vigueur est loin d'être achevée, notamment dans plusieurs des grandes économies de la zone. C'est le cas bien sûr des programmes d'investissements publics, mais aussi, par exemple, des aides substantielles accordées aux ménages en Allemagne. Dans ces conditions, le soutien apporté par les politiques budgétaires à l'activité devrait se renforcer dans les mois à venir, mais cela n'empêcherait pas le PIB de la zone euro de reculer de 4,5% en 2009 et, malgré la reprise progressive de l'activité en cours d'année, de 0,7% en moyenne en 2010. A cet horizon, l'écart entre le PIB de la zone euro et son niveau potentiel (output gap) sera, selon nos projections, d'environ 6%5.
Le faible degré d'utilisation des capacités et le niveau élevé du chômage (11,7%) se traduiront, pour les finances publiques par de faibles recettes fiscales et sociales et des prestations élevées. En d'autres termes, la fin des mesures discrétionnaires de soutien à l'activité mises en place ces derniers mois ne sera en aucun cas suffisante pour permettre un redressement des finances publiques, qui reflèteront encore largement une situation conjoncturelle dégradée. A moins de mettre en place des politiques extrêmement restrictives, qui pèseraient dès lors sur une croissance déjà faible, les déficits publics devraient donc rester durablement élevés.
NOTES
- En moyenne annuelle, le PIB continuerait même de se replier dans de nombreux Etats membres, de -0,7% dans la zone euro, après -4,5% en 2009.
- Plus généralement, rappelons que l'on considère que la progression de l'activité est inférieure au taux de croissance "potentiel" d'une économie, la part conjoncturel du déficit à tendance à s'accroître.
- Comme par exemple l'acclération des remboursement de TVA en France, pour soutenir la trésorerie des entreprises.
- Voir Saha D. & Weizsäcker J., "EU stimulus packages : Estimating the size of the European stimulus packages for 2009 : an update", Bruegel policy contribution 2009/02, April 2009.
- En retenant l'hypothèse d'un taux de croissance potentiel de 1,5%, et compte tenu du fait que la comission européenne considère désormais que l'output gap de la zone euro était proche de +2% en 2008.