par Philippe Ithurbide, Directeur Recherche, Stratégie et Analyse d’Amundi Asset Management
Une fois n’est pas coutume, la dette publique européenne reste au centre des débats. C’est assez légitime, si l’on tient compte du fait que pas une seule étude ne montre que la Grèce est capable de sortir seule de l’engrenage faible croissance – déficit primaire – dette publique. Il est utile de regarder comment un pays peut sortir d’une situation de dette hors de contrôle.
Il est évident qu’un pays contraint par une union monétaire (pas de souveraineté monétaire, pas de souveraineté de change, pas d’objectif d’inflation spécifique …) n’a pas les mêmes marges de manœuvre que des Etats totalement souverains, comme les Etats-Unis ou le Japon, par exemple. Cela donne encore plus d’importance au scénario de solidarité entre pays de l’Union, une solidarité qui est déjà présente depuis plusieurs années. Ce n’est donc pas une surprise de voir les Etats de l’Union européenne œuvrer pour éviter un défaut de la Grèce.
Ne nous trompons pas : au-delà du problème de la Grèce, c’est bien d’un problème de -1 gouvernance européenne dont il s’agit. Le fédéralisme budgétaire est seulement resté une option dans la construction de l’UEM, et le seul fédéralisme visible et efficace, c’est celui du contribuable. La mutualisation des coûts, déjà exercée dans le cadre du renflouement des systèmes bancaires, est désormais en marche en ce qui concerne les Etats … mais ce n’est pas suffisant, au moins à court terme : banques et asset managers travaillent donc à une solution permettant à la Grèce d’éviter le défaut, mais permettant aussi d’éviter un événement de crédit qui serait synonyme de paiement de CDS et de contagion. La solution devrait prendre forme durant l’été.
Quand on parle de contagion, on pense bien évidemment à l’Espagne et à l’Italie, dont le poids en termes de PIB ou dette (25% de la dette de la zone euro est italienne, par exemple) n’a rien en commun avec celui de l’Irlande et du Portugal, ou de la Grèce.
Il ressort de notre étude que même si la situation espagnole est enviable au regard de celle de la Grèce ou du Portugal, le contexte actuel fait en sorte que les « erreurs » ne sont plus permises. Autrement dit, le gouvernement espagnol devra veiller à ce qu’il n’y ait pas de dérapage budgétaire et que les plans de réduction de déficits soient à tout le moins respectés.
Une nouvelle augmentation des déficits des régions, ou des créances douteuses supplémentaires, ou encore des besoins additionnels et non prévus en fonds propres du système bancaire seraient à ce titre de bien mauvaises nouvelles. Le secteur immobilier continue de peser, mais cela est également vrai dans le cas des Etats-Unis. L’accalmie de 2010 aura été de courte durée, et l’arrêt des mesures d’aide au secteur a replongé le secteur dans la déprime. Les mises en chantier sont quasiment au plus bas depuis 50 ans, et l’excès de stocks de logements invendus ne devrait pas permettre un rebond marqué de la construction avant 2013. Nombre de ménages américains se voient contraints de rembourser un emprunt assis sur un actif dont la valeur a parfois considérablement baissé. En 5 ans, le prix du résidentiel a baissé de 45% en Californie et en Floride, de 55% au Nevada … A tel point que cela affecte même la mobilité de l’emploi, un des atouts jusqu’à présent incontestés (et souvent mis en avant par les agences de notation) de l’économie américaine.
Sur le front de l’emploi, l’économie américaine montre par ailleurs de belles insuffisances. Jamais une reprise économique n’avait été aussi faible en emplois créés, et la durée moyenne de chômage n’a jamais été aussi élevée depuis la seconde guerre mondiale. Autant dire que ces deux aspects (marché immobilier et marché de l’emploi) ont tendance à limiter le potentiel de croissance de l’économie et de hausse des taux de la Fed.
Nous avons par ailleurs analysé les anticipations de croissance implicites des marchés, et il s’avère que le scénario du pire est peu visible sur les marchés d’actions, ce qui signifie a priori que le marché n’offre pas de bons niveaux d’entrée. Pourtant, on ne saurait ignorer l’argument selon lequel une résolution de la crise grecque apporterait un soutien très solide aux actions de la zone euro, ainsi qu’aux financières et autres compagnies affectées par l’état de leur souverain.
Les obligations high yield conservent un potentiel de valorisation intéressant. Nous développons l’idée selon laquelle les spreads actuels restent globalement attractifs par rapport à leur valeur intrinsèque, sur la base de critères tels que la liquidité, la volatilité et les fondamentaux.
Deux angles d’analyse sont présentés ce mois-ci pour les marchés d’actions. Tout d’abord, la recherche des facteurs de croissance : 2010 avait été le théâtre de la première crise grecque et de la sortie du QE1, et les actions étaient sorties par le haut grâce au QE2. Cette fois-ci, il faudra compter uniquement sur la capacité bénéficiaire retrouvée des sociétés et sur la croissance des pays émergents.
Au-delà d’un rebond probable en fonction des réponses à la crise grecque, un mouvement plus pérenne devra certainement attendre la fin du débat sur les risques d’atterrissage forcé de la croissance chinoise. Ensuite, nous revenons sur le rôle du dividende dont il ne faut pas ignorer le poids. En effet, sur longue période, le dividende représente souvent 50% voire davantage de la performance totale des marchés d’actions. Cet aspect crucial est trop souvent négligé du fait de la volatilité des cours à court terme. Avec un rendement moyen des actions européennes de 3,9% en 2011, cette caractéristique des actions prend pourtant tout son sens aujourd’hui du fait de la faiblesse des taux d’intérêt. Au plan sectoriel, le rendement n’est cependant pas toujours la panacée; l’idéal est de combiner croissance des résultats et « soutenabilité » du dividende.
Enfin, au sujet des perspectives qui nous semblent possibles quant au rôle futur du yuan chinois, Beaucoup s’attendaient à ce que les autorités chinoises laissent remonter leur devise plus nettement pour contenir les pressions inflationnistes locales. Or depuis un an, le RMB s’est certes apprécié mais à un rythme souvent jugé trop lent. C’est que l’appréciation du RMB va de pair avec l’ouverture du compte de capital et le développement des marchés financiers : toutes choses qui forcent le gradualisme. Sur le plan régional, la montée en puissance de la devise est inéluctable mais prendra encore des années.