Zone euro : un climat tempéré

par Frédérique Cerisier, économiste chez BNP Paribas

Naissante fin 2013, la reprise conjoncturelle dans la zone euro prend une certaine ampleur. Les données d’enquêtes publiées cette semaine en ont fourni une nouvelle illustration. L’indice composite des directeurs d’achats (PMI) pour la zone euro a ainsi de nouveau nettement augmenté en avril. A ce stade, il a retrouvé un niveau inédit depuis près de 3 ans, qui laisse penser que l’activité pourrait renouer avec des taux de croissance du PIB proches de 0,4%-0,5% en rythme trimestriel au cours du premier semestre de cette année.

En Allemagne, l’IFO, indice phare du climat des affaires outre-Rhin, a repris sa progression. L’enquête a montré que les chefs d’entreprises restent très satisfaits de l’orientation actuelle de l’activité, et qu’ils sont de plus en plus optimistes sur son évolution future, et, ce, malgré une certaine montée des incertitudes quant à l’évolution du commerce international dans les prochains trimestres (ralentissement de la croissance des pays émergents, crise ukrainienne, …). Si l’Allemagne reste le moteur le plus puissant (la croissance y sera d’au moins 2,0% dès cette année), le fait marquant est que les économies de la périphérie comme l’Espagne et le Portugal contribuent de plus en plus à ce mouvement. La capacité de rebond semble plus limitée en France et en Italie, deux économies où la crise a été moins vive ces dernières années, et les réformes plus timorées. C’est notamment vrai en France, où l’amélioration du climat des affaires accuse un retard certain sur l’évolution observée en Allemagne. En fait, les enquêtes menées par l’INSEE suggèrent que le climat des affaires a cessé de s’améliorer depuis près de huit mois pour se stabiliser à un niveau légèrement inférieur à sa moyenne historique, signe d’une activité qui peinera peut-être à atteindre le taux de croissance de 1,0% retenu par le gouvernement dans son programme de stabilité et de croissance.

Un déficit à 3% en 2013 : moyenne ne veut pas dire unité

Ces écarts dans les perspectives de croissance des plus grands pays de la zone euro font écho à des situations très différentes en termes de finances publiques, confirmées par la publication, cette semaine, des données officielles de déficits et de dettes publiques pour 2013. Selon Eurostat, le déficit budgétaire de la zone euro a été ramené l’an dernier à 3,0% du PIB, après 3,7% en 2012. Cet objectif (« 3% en 2013 »), qui était celui que la Commission européenne avait voulu assigner à chacun des pays de la zone euro en 2010, n’a toutefois été atteint qu’en moyenne au sein de l’UEM.

En Allemagne, les finances publiques étaient équilibrées l’an dernier, et, ce, pour la deuxième année consécutive. Du coup, le pays a pu poursuivre sa politique de réduction du ratio de dette publique, ramené à 78,4% du PIB en 2013 contre un pic à 82,5% en 2010. Sans être aussi florissante, la situation budgétaire des autres pays du centre de la zone euro était également bien orientée, avec des déficits compris entre 1,5% et 2,6% du PIB en Autriche, en Finlande, en Belgique et aux Pays-Bas. En fait, la France est presque le seul Etat membre de la zone, parmi ceux qui n’ont pas bénéficié d’un plan de soutien européen, dont le déficit budgétaire excède largement la fameuse limite de 3%, à 4,3% du PIB en 2013(1). L’Italie aussi conserve des finances publiques fragiles, avec un ratio de dette publique de plus de 132%. Dans la Péninsule, le déficit est déjà revenu à 3%, depuis 2012. Mais il faudra faire sensiblement mieux à l’avenir pour parvenir à stabiliser, puis réduire le ratio de dette publique.

Dans ces deux pays, les chefs de gouvernements récemment nommés ont choisi d’adopter une stratégie similaire, qui vise à poursuivre la réduction des déficits tout en ouvrant la voie à une baisse des prélèvements obligatoires. La contrainte sur les dépenses publiques va donc être très forte, ce qui pourrait permettre d’imposer une réforme en profondeur des structures et du périmètre des administrations et des dépenses publiques. Les intentions sont louables et les objectifs ambitieux, mais, dans les deux cas, le chemin va être difficile. Il est clair que les risques de dérapage existent. Surtout, c’est du succès de cette démarche que pourrait dépendre la capacité de ces économies, qui représentent à elles deux plus de 35% du PIB de la zone euro, à retrouver une croissance un peu plus vigoureuse, et à redevenir elles aussi un foyer d’accélération pour la croissance de la zone euro.

NOTES

  1. La Grèce, le Portugal, l’Irlande, l’Espagne et Chypre, dont les déficits étaient compris entre 12,7% et 4,9% du PIB, ont fait l’objet d’un programme d’ajustement. La Slovénie, dont le déficit a atteint 14,7% du PIB l’an dernier (dont 10% dûs aux mesures de soutien au secteur financier), est jusqu’ici parvenue à s’en passer.

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