Une diversification en or

par Ken Van Weyenberg, Spécialiste produit Mandats privés chez Dexia Asset Management

Depuis une bonne dizaine d’année, le prix de l’or a connu une impressionnante évolution. Une inflation élevée due à l’augmentation des cours des matières premières et des nouvelles mesures de stimulation risque d’entraîner une autre flambée du prix de l’or à court terme.

L’évolution du prix de l’or dépend de différents facteurs, mais elle suit avant tout l’évolution de l’offre et de la demande. D’un côté, nous constatons que la production d’or n’est pas élastique. Ce phénomène est dû au délai de mise en œuvre relativement long nécessaire pour renforcer la production d’une mine d’or, indépendamment de la demande enregistrée à ce moment-là. D’autre part, nous remarquons que la demande en or se caractérise par un profil de croissance durable, dû en grande partie au développement de la prospérité dans divers pays émergents.

Durant le deuxième trimestre de cette année, selon le World Gold Council, la demande en or portait sur quasiment 1.000 tonnes, pour une valeur estimée à 51,2 milliards de dollars. La demande en or pour la production de bijoux et la technologie s’est affaiblie sous l’effet du ralentissement mondial de la croissance auquel nous sommes actuellement confrontés. Toutefois, cette diminution a en grande partie été compensée par une augmentation de la demande émanant des banques centrales. En outre, l’offre a également reculé de quelque 6 % par rapport au deuxième trimestre de l’année précédente. Cette diminution de l’offre résulte essentiellement d’un moindre produit de recyclage.

Soutien des banques centrales

Bien entendu, le prix de l’or dépend également du comportement des banques centrales mondiales et, depuis quelques mois, plusieurs d’entre elles, notamment les Banques nationales kazakhe et russe, ont fait part de leurs intentions d’accroître leurs réserves d’or.

La Russie a, durant le deuxième trimestre de l’année, ajouté 22,3 tonnes d’or à ses réserves. Le pays détient ainsi quelque 9 % des réserves mondiales d’or pour un total appréciable de 920 tonnes. Dans le dernier rapport du World Gold Council (Global Demand Trends Second Quarter 2012), nous observons que la demande émanant des banques centrales n’a cessé d’augmenter depuis la fin de l’année 2009. Depuis 2010, c’est la première fois depuis longtemps que nous pouvons à nouveau parler d’une croissance nette de la demande en or des banques centrales (…) Dans le monde entier, les banques centrales et organismes publics possèdent quasiment 32.000 tonnes de réserves en or, les États-Unis se taillant véritablement la part du lion.

Protection contre des périodes de stress

Les douze dernières années ont été exceptionnelles sur les marchés financiers. La croissance économique moyenne réelle est inférieure à la moyenne du siècle dernier et se caractérise par au moins trois périodes économiques difficiles : la bulle Internet, la récession et la crise de l'euro. Durant cette période, tant les marchés des actions que des obligations ont été mis à mal alors que, durant la même période, le prix de l’or a fait un bond énorme en termes nominaux, de presque 500 % en dollar américain et de 370 % en euro. Nous constatons que l’or est manifestement rentable durant des périodes de stress. En effet, le prix de l’or n’est que peu corrélé à d’autres classes d’actifs, qu’il s’agisse d’actions européennes ou internationales, d’obligations d’État européennes ou américaines, voire des indices généraux des matières premières et de fonds immobiliers cotés en bourse.

Protection contre l’inflation

L’inflation se profilant à l’horizon, nombre de gestionnaires se mettent en quête d'investissements alternatifs afin de protéger leurs portefeuilles. Les classes d’actifs les plus achetées en guise de protection contre l’inflation sont les matières premières, l‘immobilier, les obligations liées à l’inflation et l’or. Dans le monde entier, les investisseurs voient l’or comme une des classes d’actifs les plus fiables offrant une protection contre l’inflation. Une étude d’Oxford Economics, menée en collaboration avec le World Gold Council, a démontré que l’or se comporte proportionnellement mieux par rapport à d’autres classes d’actifs dans différents scénarios inflationnistes. Dans l’étude, la performance de l’or est comparée durant différentes périodes d’inflation. Entre 1974 et 2008, on a connu huit années marquées par une inflation importante (IPC supérieur à 5 %), 21 années caractérisées par une inflation moyenne (IPC entre 2 % et 4,9 %) et 6 années d’inflation faible (IPC inférieur à 2 %). Durant les périodes d’inflation faible ou moyenne, le prix de l’or n’a atteint que des rendements positifs réels moyens, tandis que les périodes caractérisées par une inflation élevée ont débouché sur un rendement réel moyen de 14,9 % l’an. Dès lors, Oxford Economics recommande d’investir quelque 5 % d’un portefeuille mixte dans de l’or en guise de protection optimale contre les effets d’une inflation moyenne à élevée.

Protection contre l’intérêt réel négatif

L’évolution des intérêts réels, fortement lié à l’évolution de l’inflation, est également un facteur déterminant pour le prix de l’or. L’or en soi ne génère aucun intérêt et est ainsi quelque peu corrélé à l’évolution de l’intérêt réel. L’or semble très bien performer dans un environnement d’intérêts réels négatifs. Ainsi remarquons-nous que les intérêts actuels à court terme, qui oscillent aux alentours de 0 %, en combinaison avec une inflation modérée, ont soutenu la demande en or.

Protection contre la faiblesse du dollar

Les investisseurs considèrent un placement en or également comme une bonne protection contre les fluctuations de la valeur d’une devise, plus particulièrement le dollar américain. Le prix de l’or présente une corrélation négative vis-à-vis du dollar américain. Cela implique, d’une part, qu’une revalorisation du dollar américain entraîne une diminution du prix de l’or dans la plupart des scénarios. D’autre part, un affaiblissement du dollar américain débouche sur une augmentation du prix de l’or dans la majorité des scénarios. Nous nous en rendons clairement compte quand nous comparons l’évolution du prix de l’or au « Dollar Index »1. Ainsi, la crise du pétrole que nous avons connue durant la seconde moitié des années 1970 a-t-elle entraîné un lourd déclin économique. Les décideurs politiques américains de l’époque ont poussé le dollar américain vers le bas, ce qui a provoqué une gigantesque fièvre de l'or. Dès le début de l’année 2001, le dollar américain s'est également fortement déprécié tandis que, depuis cette date, l’or a fait un énorme bond en avant.

La tendance à court terme est haussière

Fondamentalement, différents facteurs plaident en faveur d’une position dans l’or eu égard aux avantages de la diversification. En outre, les perspectives à court terme se présentent bien :

  • Le prix de l’or profitera d’un troisième tour d’assouplissement quantitatif aux États-Unis et d’un autre assouplissement de la politique monétaire dans les pays émergents (…) Le prix de l’or présente une corrélation évidente avec la base monétaire des États-Unis, surtout depuis le début des années 2000.
  • D’un point de vue technique, l’évolution du prix de l’or est haussière. (…) Nous constatons clairement que le prix de l’or a rebondi grâce au soutien technique formé en août 2011. En outre, une résistance importante vers le haut s’est rompue, ce qui représente un puissant signal d’achat technique. Le MACD, un indicateur technique de capacité (…) a également donné un signal d’achat.
  • Les attentes de consensus de Bloomberg pour 2013 prévoient, pour l’année à venir, un prix de l’or de 2050 dollar l’once.

Diversification

En termes nominaux, le prix de l’or a quasiment atteint un sommet historique et le prix réel de l’or a presque atteint le sommet de 1980. A court terme cependant, l’or possède encore un potentiel considérable. Nous partons de l’hypothèse que le prix de l’or pourra, d’ici la fin de l’année, à nouveau atteindre le niveau record de septembre 2011 (1930 USD/once), surtout si les États-Unis poursuivent leur politique monétaire accommodante. En prenant une petite position dans l’or, un portefeuille d’investissement sera en tout cas mieux armé pour faire face aux temps économiques difficiles et aux conséquences qui s’ensuivent.

NOTES

  1. Le « Dollar Index » est un indice qui compare la performance du dollar US face à un panier de devises comprenant notamment l’euro, le yen, la livre sterling, le dollar canadien, le franc suisse, la couronne suédoise etc..