France : l’impossible équation

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Sans grande surprise, le gouvernement vient de présenter son Projet de Loi de Finances (PLF) pour 2013, qui prévoit une réduction du déficit public de 4,5% en 2012 à 3% en 2013, correspondant à un montant d’environ 30Md€ d’économies supplémentaires (7Md€ avaient déjà été décidés en LFR1 en juillet dernier).

Cet effort sans précédent est réparti pour un tiers sur la baisse des dépenses et pour deux tiers sur la hausse des impôts. Comme déjà annoncé, cette dernière porte aussi bien sur les ménages que sur les entreprises mais pas de façon uniforme au sein de ces deux catégories d’agents, l’effort sur les ménages concernant principalement les ménages aisés: hausse des taux d’imposition pour les hauts revenus, augmentation de l’imposition des revenus du capital, plafonnement des niches, hausse de l’ISF,… Du côté des entreprises, les principales mesures consistent en la réduction de la déductibilité des intérêts d’emprunt et la baisse de l’exonération des plus-values des entreprises lors de cessions de titres de participation2.

Si la réduction du déficit public est une bonne nouvelle en soi, elle intervient alors que les conditions conjoncturelles sont très dégradées. En effet, les dernières statistiques publiées suggèrent que le ralentissement de la croissance mondiale se poursuit et que l’économie française est certainement entrée en territoire négatif cet été, après trois trimestres de stabilité. Les perspectives ne sont guère plus favorables, les entreprises, dont la situation financière a continué de se dégrader, vont rester très prudentes dans leurs décisions d’investissement alors que les ménages, confrontés à une nouvelle détérioration du marché du travail, continueront d’ajuster leurs dépenses à la baisse.

Le PLF 2013 repose sur un scénario macroéconomique qui aurait pu sembler raisonnable sans consolidation budgétaire mais qui apparaît extrêmement optimiste étant donné l’ajustement fiscal annoncé. En effet, l’hypothèse de croissance retenue est de 0,8% pour 2013. Or, l’impact sur la croissance d’une baisse du déficit public de 1,5pt est loin d’être marginal. Même en prenant un multiplicateur budgétaire de 0,8 (hypothèse optimiste), l’effet sur la croissance française serait de l’ordre de 1,2pt, impliquant une croissance significativement négative l’année prochaine.

La France va donc vraisemblablement suivre le chemin emprunté par les pays qui ont déjà mis en place des politiques d’austérité. L’effet récessif de ces dernières sur la croissance engendre une hausse du déficit cyclique, atténuant ainsi l’amélioration du déficit structurel de ces pays. En d’autres termes, ces pays s’enfoncent dans le cercle vicieux « austérité/récession ». Les politiques s’avèrent contreproductives : alors que les pays coupent les dépenses et augmentent les impôts, ils n’arrivent guère à améliorer leur déficit et dépriment fortement leur croissance. C’est bien ce qui pourrait arriver à la France en 2013 : en d’autres termes, si on veut tenir le 3% de déficit, cela passera par de nouvelles mesures au cours de l’année 2013.

Rappelons qu’en 2012, le PLF avait prévu 11Md€ d’économies et qu’il a été nécessaire d’en rajouter environ 10Md€ en cours d’année pour se conformer à l’objectif de déficit de 4,5%.

Dans ce contexte, on peut légitimement se demander pourquoi le gouvernement français ne décide pas de s’engager sur un déficit plus élevé. Malheureusement les marges de manœuvre sont faibles : en effet, la France souffre d’un déséquilibre de ses comptes extérieurs, c’est-à-dire qu’elle a besoin du financement des investisseurs étrangers. Si son déficit courant est modéré (environ 2 % du PIB), plus faible que celui des autres « pays du Sud », il ne s’est pas amélioré ces dernières années. La France doit donc convaincre les investisseurs de sa crédibilité budgétaire de façon à pouvoir se financer facilement et à faible coût sur les marchés.

Quelle autre issue ? La seule voie possible passe, selon nous, par un changement de stratégie au niveau européen en redéfinissant les objectifs de réduction des déficits pour l’ensemble des pays, de façon à leur donner plus de temps pour consolider leurs finances publiques, tout en ne remettant évidemment pas en cause la tendance à l’équilibre des comptes à moyen terme. Dans le cas contraire, la récession en zone euro risque fort de durer longtemps.

NOTES

  1. Loi de Finances Rectificative
  2. Pour plus de détails, Cf. Flash à sortir sur le sujet

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