par Eric Bleines, Gérant Actions Value chez CCR Asset Management
Après deux mois de bonne facture sur les marchés actions, les tensions se sont sensiblement ravivées en mars. Risque souverain en zone Euro, forte hausse du prix du pétrole sous pression des révolutions du monde arabe et catastrophe naturelle au Japon entraînant un risque nucléaire sur Tokyo… Les questions que se posent nos clients sont simples : les incertitudes actuelles forment-elles de nouvelles opportunités d’investissement ou bien un nouveau coup de semonce pour l’économie mondiale et les bourses ?
Cette résistance rappelle que les crises sont parfois des phases d’opportunités et qu’il ne sert à rien de « jeter le bébé avec l’eau du bain » sous prétexte que le monde est devenu de plus en plus dangereux. Ainsi, laisser croire que l’économie mondiale allait s’effondrer à la suite de la catastrophe japonaise consistait simplement à oublier que, depuis quinze ans, le Japon ne contribue plus qu’à hauteur de 0,1 point à la progression annuelle du PIB de la planète.
Toutefois, l’ensemble de ces soubresauts géopolitiques internationaux n’a pas été sans conséquence et a entraîné un fort mouvement de rotation sectorielle, les pays développés étant subitement apparus plus attractifs aux yeux des investisseurs.
Rappelons rapidement que le marché actions peut aussi être considéré comme très attractif par les investisseurs réfugiés sur des actifs monétaires depuis maintenant plus de deux années et observant la reprise économique et boursière en cours partout dans le monde.
En effet, après avoir touché un point bas de rentabilité sur fonds propres en 2009 (8,3%), les entreprises européennes ont su créer les bases d’une réelle amélioration en 2010 (13,1%). Pourtant en intégrant le rebond boursier de l’année 2009, le ratio de valorisation que nous utilisons traditionnellement, le ratio de prix sur actif net, à 1,6x fait apparaître actuellement une décote de plus de 25% sur sa moyenne historique (2,1x)…
1 – 2010, une année favorable aux valeurs de croissance
En 2010, en Europe, les valeurs de croissance (notamment les Small and Mid Cap) exposées aux marchés émergents ont connu un fort rattrapage boursier.
2 – 2011, le retour du Value ?
En ce début d’année 2011, le retour du style « Value » et des pays matures est en cela le reflet inverse de l’année dernière… nous pensons que cette tendance pourrait se poursuivre et même s’amplifier.
En effet, la multiplication des risques géopolitiques est encore loin d’être enrayée, les tensions au Moyen-Orient sont vives (Syrie, Bahrein, Libye) et leur influence sur le prix du baril de pétrole est très élevée. En relatif, les usines des pays en développement consomment bien plus d’énergie et le cycle de resserrement monétaire dans les pays émergents est loin d’avoir touché son terme…
Les pays développés sont donc devenus plus attractifs : orientation plus positive des statistiques macroéconomiques sur la croissance des pays matures, chiffres d’affaires maintenant orientés à la hausse, rendement fréquemment élevé traduisant une valorisation basse et rémunérant correctement le risque de l’actionnaire. La situation actionnariale est potentiellement spéculative, les dirigeants ont maintenant reconstruit leur situation bilancielle, leur niveau de confiance remonte, les entreprises semblent prêtes à matérialiser certaines opportunités de croissance externe. Certaines entreprises ont d’ailleurs déjà fait l’objet d’offres de retrait et notre gestion en a d’ailleurs parfois profité à l’image de Wellstream, Tomkins, Dana Petroleum, Northern food que nous avions en portefeuilles.
Compte tenu de cette meilleure visibilité relative dans les pays développés, les thématiques locales et Value pourraient continuer de surperformer cette année.
3 – Focus sur les valeurs bancaires
Pour renforcer les éléments déjà analysés et le bien fondé de cette hypothèse, il semble nécessaire de faire le point sur le secteur bancaire soumis encore à un news-flow pour le moins contrasté.
Le secteur des banques surperforme le Stoxx 600 au premier trimestre 2011, avec une hausse de 1,35% depuis le début de l’année contre 0,02% pour l’ensemble de l’indice. Cette performance était surtout marquée en janvier (+ 8,6% vs 1,54%) et février (+ 2,63% vs 2,29%). Les primes de risque pays se sont effectivement très nettement détendues à la suite de l’affirmation du rôle du FESF et de la prévision de son renforcement.
La pression des marchés sur l’Espagne s’est un peu allégée au cours de la période et c’est bien à notre avis sur ce pays que se concentrent les enjeux les plus importants.
Le gouvernement a en effet adopté de nombreuses mesures et engagé la réforme de son système financier en forçant les caisses d’épargne « les cajas », très affectées par la déroute du marché immobilier, à fusionner entre elles.
Les recapitalisations devraient être faites ensuite rapidement pour démontrer la capacité de l’Espagne à faire face, seule, à la crise.
En conclusion, ces différents éléments d’analyse militent pour une réhabilitation de l’investissement dans les entreprises qui bénéficient des perspectives de reprise de l’économie domestique de la zone Europe, sans exclure le secteur bancaire, thématique survendue et très sous-représentée actuellement dans les portefeuilles.