par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis
Les grandes incertitudes – risques géopolitiques, risques institutionnels et financiers en zone euro, risque matières premières, incertitude sur l’efficacité des politiques américaines – qui pèsent sur l’environnement économique actuel rendent l’exercice de prévision, en particulier des taux de change, encore plus ardu qu’à l’accoutumée. Comme nous le mettions en avant dans l’édito du 17 décembre 20101, la volatilité sur le marché des changes risque de rester forte cette année. D’ailleurs, après avoir commencé l’année à 1,33, l’eurodollar est déjà passé, en l’espace d’un mois, par les cases 1,29 et 1,38 ! A la lumière de ces variations, nos prévisions de change à 1,33 à horizon fin mars et fin juin et 1,37 à horizon fin septembre peuvent paraître bien ennuyeuses.
Les principaux déterminants de l’évolution de l’eurodollar pour 2011 restent les mêmes que ceux que nous mettions en avant en décembre. Si les prévisions dépendent de la pondération affectée à chacun d‘eux (scénario économique), toute la difficulté est d’estimer quel facteur l’emportera à chaque période et quels seront les événements à la source de points de retournement.
- L’écart de croissance entre les Etats-Unis et la zone euro : de notre point de vue, il va augmenter en 2011, avec un news flow probablement plus favorable de l’autre côté de l’Atlantique qu’en zone euro en début d’année mais les marchés pourraient être déçus à partir de mi-2011 par un rythme de croissance américain plus faible que ce qui est anticipé actuellement par les économistes.
- Du côté des politiques monétaires, il est vraisemblable que la BCE reste globalement plus orthodoxe que la Réserve Fédérale dans la conduite de sa politique monétaire en 2011. Pour autant, les fortes anticipations de hausse du refi vont s’atténuer au cours du premier semestre lorsque l’inflation européenne va refluer en dessous de 2%. L’eurodollar dépendra également de la communication de la Fed et de la façon dont elle va gérer la fin du QE2. Nous pensons qu’elle devrait préparer le marché au fait qu’il n’y aura pas de QE3 sans pour autant laisser anticiper de sortie de la politique non conventionnelle.
- La crise de la dette souveraine européenne semble s’être calmée à court terme avec une volonté forte des politiques de trouver des solutions plus pérennes. Pour autant, des soubresauts sur des mauvaises nouvelles (difficultés des pays à remplir leurs objectifs budgétaires, faiblesse de la croissance,…) pourraient se matérialiser et le « semestre européen » (T1-11) décevoir.
- L’aversion pour le risque pourrait également influencer l’eurodollar dans les mois qui viennent, ce qui favoriserait plutôt le dollar, même si son caractère de valeur refuge semble s’être effrité avec le QE2. La montée du risque politique depuis le début de l’année, les incertitudes sur les issues qui vont être trouvées et la contagion à d’autres pays pourraient provoquer une remontée de l’aversion pour le risque. Il est d’ailleurs étonnant qu’elle soit restée si faible dans le contexte actuel. Quel poids également mettre à la corrélation pétrole/dollar, cette dernière allant plutôt actuellement dans le sens d’une dépréciation du dollar ?
Si certains événements sont prévisibles, d’autres le sont beaucoup moins et peuvent provoquer de fortes variations sur le taux de change. Contrairement à ce que nous anticipions, l’euro a eu tendance à s’apprécier depuis le début de l’année sous l’effet conjugué d’une détente de la crise des dettes souveraines avec les prémices de décisions politiques et une atténuation des craintes des marchés, d’un discours plus dur de la part de la BCE en début d’année avec la hausse de l’inflation, qu’elle essaie cependant d’atténuer depuis lors.
Pour autant, nous continuons de penser que le dollar pourrait s’apprécier à horizon fin juin (1,33) avec des nouvelles américaines positives, la diminution des anticipations de hausse de taux en zone euro et peut-être une aversion pour le risque un plus élevée (crise européenne/ risque géopolitique). En seconde partie d’année, la déception sur le rythme de croissance américain par rapport à ce qui est anticipé par le consensus (croissance et emploi décevants), associée aux facteurs structurels (déficit courant américain) conduirait à une dépréciation du dollar (1,45 fin 2011).
1 Edito : « Euro-dollar : encore une forte volatilité en 2011 »