par Slavena Nazarova, économiste au Crédit Agricole
- Au regard des chiffres d’inflation supérieurs aux attentes en avril, nous avons relevé nos prévisions d’inflation pour le reste de la période 2011-2012. Nous pensons que ce dépassement ne sera que partiellement corrigé dans les mois à venir et avons révisé la composante énergie de l’inflation.
- Nous tablons à présent sur une inflation de l’indice des prix à la consommation (IPC) se situant en moyenne autour de 4,3 % cette année et de 2,4 % en 2012, contre 4,0 % et 2,0 % dans nos prévisions antérieures. Nous continuons de prévoir une baisse sensible de l’inflation à compter de début 2012, mais qui, en moyenne, devrait se maintenir au-dessus de la cible de la Banque d’Angleterre (BoE) l’année prochaine.
par Slavena Nazarova, économiste au Crédit Agricole
- Au regard des chiffres d’inflation supérieurs aux attentes en avril, nous avons relevé nos prévisions d’inflation pour le reste de la période 2011-2012. Nous pensons que ce dépassement ne sera que partiellement corrigé dans les mois à venir et avons révisé la composante énergie de l’inflation.
- Nous tablons à présent sur une inflation de l’indice des prix à la consommation (IPC) se situant en moyenne autour de 4,3 % cette année et de 2,4 % en 2012, contre 4,0 % et 2,0 % dans nos prévisions antérieures. Nous continuons de prévoir une baisse sensible de l’inflation à compter de début 2012, mais qui, en moyenne, devrait se maintenir au-dessus de la cible de la Banque d’Angleterre (BoE) l’année prochaine.
- Face à des perspectives d’inflation aussi élevées, dans quelle mesure la BoE est-elle sûre d’atteindre sa cible à moyen terme ? Après avoir reporté à plusieurs reprises le timing du retour de l’inflation vers sa cible, elle ne le prévoit pas, désormais, avant le premier trimestre 2013.
- A en juger par sa réévaluation à la baisse des capacités non-utilisées dans l’économie, la BoE ne devrait guère tarder à remonter son taux directeur.
- Nous prévoyons un resserrement monétaire très prudent qui devrait commencer en novembre de cette année (contre le mois d’août dans nos prévisions antérieures) car les risques pour l’inflation restent orientés à la hausse ; de plus, la BoE prévoit des effets de second tour sur les salaires et les prix.
Au Royaume-Uni, l’IPC a progressé de 4,5 % en glissement annuel (a/a) en avril, contre 4,0 % a/a en mars marché prévoyait pour sa part un chiffre relativement stable à 4,1 % a/a. L’inflation sous-jacente a augmenté à 3,7 % a/a contre 3,2 % a/a en mars. Selon nos calculs, l’inflation devrait atteindre un point culminant à 4,7 % a/a en juillet et se maintenir nettement au-dessus de 4 % a/a pendant le reste de l’année 2011. La hausse de l’indice des prix de détail (Retail Price Index ou RPI), quant à lui, devrait atteindre son pic à 5,7 % a/a en juillet et se maintenir au-dessus de 5 % cette année. L’inflation devrait connaître un ralentissement notable en 2012 ; en effet, les prix du pétrole sont supposés reculer en ligne avec nos prévisions et l’impact de la hausse de la TVA de janvier 2011 se dissiper.
Cependant, l’augmentation de l’IPC n’en restera pas moins supérieure à la cible de la BoE : 2,4 % en moyenne en 2012 (3,1 % pour le RPI).
La hausse de l’inflation britannique en avril entraîne un relèvement notable de nos prévisions…
Les coûts de transport ont été le principal contributeur à la hausse de l’IPC en avril. Cette composante des prix à la consommation a en effet contribué à hauteur de 0,45 pp à l’augmentation de 1,0 % en glissement mensuel (m/m) entre mars et avril. La principale surprise suscitée par les chiffres du mois d’avril est celle liée à la hausse de 29,0 % en m/m du coût des tarifs aériens. Les tarifs maritimes (en hausse de 22,3 % m/m contre 3,1 % m/m un an auparavant) sont aussi pour beaucoup dans l’augmentation de l’inflation. Selon une analyse de l’ONS, ces données ont aussi été marquées en grande partie par un effet calendaire: la fête de Pâques est tombée le 24avril cette année et non le 4 avril comme l’année dernière (de sorte que les chiffres correspondants n’ont pas été pris en compte dans les données collectées pour le mois d’avril 2010). Il faut donc s’attendre à ce que cet “effet lié à Pâques” s’atténue partiellement en mai. Cependant, la hausse des prix du pétrole au début de la nouvelle année fiscale n’est peut-être pas étrangère non plus à l’envolée des tarifs aériens. Cet effet ne va probablement pas s’inverser dans les prochains mois, de sorte que la hausse des coûts de transport va rester plus forte que dans nos précédentes prévisions. En mai, nos projections relatives à l’IPC et au RPI progressent, respectivement, à 4,6% a/a et à 5,4 % a/a.
Au cours de l’année 2012, l’inflation devrait reculer compte tenu de la disparition de l’effet lié à la TVA, de la stabilisation des prix des matières premières et de l’existence de capacités non-utilisées qui continuent de freiner les hausses de prix et de salaires. L’inflation devrait atteindre 2 % a/a au T2 2012 avant de rebondir de nouveau au second semestre de l’année. Cela est en partie dû à notre scénario relatif aux cours du pétrole : le prix du Brent revient en deçà de 80 au T2 2012 avant de rebondir au T3 2012.
Dans quelle mesure l’inflation v1a-t-elle ralentir et revenir vers la cible de la BoE ? Cela dépend en partie des hypothèses faites sur les prix des services aux collectivités. Notre scenario de base se fonde sur l’hypothèse d’une hausse de 15 % des prix du gaz domestique et de 10 % des tarifs de l’électricit’é entre novembre 2011 et janvier 2012, conformément aux dernières projections de la BoE. Compte tenu de cette hypothèse, le taux annuel d’inflation va augmenter de 0,4 pp en 2012 et se maintenir au-dessus de la cible pendant une bonne partie de cette même année.
Dans notre scenario central, l’inflation devrait se situer autour de 2,4 % a/a en moyenne en 2012 et à 2,1 % a/a à la fin de l’année.
… mais elle reste conforme aux projections de la BoE à court terme
La BoE est préparée à une accélération de l’inflation à court terme. Selon le rapport trimestriel sur l’inflation du mois de mai, la BoE s’attend à une inflation pouvant atteindre 5 % d’ici à la fin de l’année. Cependant, cette augmentation reste attribuée à des „chocs externes‟: le relèvement du taux standard de la TVA à 20 %, le renchérissement de l’énergie et la progression des prix à l’importation. La révision à la hausse des perspectives d’inflation à court terme par la BoE reflète dans une large mesure de nouvelles hausses des prix de l’énergie et “une plus forte probabilité de hausses substantielles des prix des services aux collectivités au plan national au cours de l’année prochaine”. Selon les estimations de la BoE, un rebond de 10 % des prix du carburant, des lubrifiants et des services aux collectivités rajouterait 0,9 pp à l’inflation. La BoE continue de “se projeter” au-delà de ces facteurs, anticipant un repli progressif de leur impact sur l‟inflation en 2012 et en 2013.
Pour le Comité de Politique Monétaire (CPM), la croissance du PIB et, partant, les niveaux de productivité actuels, sont sous-estimés et il faut s’attendre à une révision ultérieure des données.
La croissance du PIB a été, selon le CPM, “temporairement” pénalisée par des “facteurs exceptionnels” (épisode neigeux de la fin 2010, mariage princier, tremblement de terre suivi du tsunami au Japon).
Nos nouvelles prévisions d’inflation
Nous prévoyons à présent que l’inflation va atteindre un sommet à 4,7 % a/a en juillet et se maintenir nettement au-dessus de 4 % a/a pendant le reste de l’année 2011. Quant à l’augmentation du RPI, elle va, selon notre analyse, atteindre un point culminant à 5,7 % a/a en juillet et rester au-dessus de 5 % a/a cette année. L’inflation devrait sensiblement reculer en 2012 en raison de la baisse des prix du pétrole conformément à nos prévisions et de la dissipation de l’effet lié au relèvement de la TVA. Cependant, l’inflation selon l’indice IPC devrait rester supérieure à la cible de la BoE, soit 2,4 % a/a en moyenne en 2012 (3,1 % a/a pour l’indice RPI).
Les risques concernant nos prévisions semblent orientés à la hausse. Les anticipations d’inflation des ménages devraient continuer à augmenter dans les prochains mois en raison du niveau élevé de l’inflation antérieure et de la révision à la hausse des perspectives à court terme. Après la contraction du revenu réel des ménages, il faut s’attendre à un rebond de la croissance salariale d’ici à la fin de l’année, les salariés s’efforçant de rattraper en partie la perte de leur pouvoir d’achat. Les sociétés vont aussi chercher à reconstituer leurs marges face à la hausse des coûts de production.
La crainte du CPM : le risque d’une inflation auto-entretenue
Avec une inflation supérieure de 2,5 pp à sa cible, la BoE est dans une situation inconfortable dans la mesure où elle risque un dérapage des anticipations publiques d’inflation. Si une telle perte de crédibilité se matérialise, il lui faudra procéder à un resserrement de la politique monétaire plus important que la normale pour ramener l’inflation vers sa cible.
Le rapport sur l’inflation de la BoE du mois de mai met en évidence que le CPM est préoccupé par les risques haussiers entourant les perspectives d’inflation malgré la révision à la baisse de ses prévisions de croissance. Le rapport indique que les risques à la baisse des perspectives d’inflation, liés à un ralentissement de la demande “sont plus que compensés par d’autres risques” (comme la possibilité d’une nouvelle envolée des prix des matières premières ou d’un dérapage à la hausse des anticipations d’inflation). Dans l’ensemble, le ton de ce rapport sur l’inflation paraît plus hawkish que prévu.
Le CPM ne cache pas son inquiétude face à d’éventuels effets de second tour liés à une inflation actuellement forte
Dans le rapport de mai, le CPM fait remarquer qu’une ―inflation supérieure à la cible pendant une longue période va probablement finir par exercer des pressions à la hausse sur les salaires et sur les prix‖. Tout d’abord, les salariés pourraient réclamer des hausses de salaires pour rattraper en partie les pertes de pouvoir d’achat. Ensuite, les anticipations d’inflation risquent de grimper, amenant employeurs et employés à convenir de hausses de salaires plus importantes ou, plus directement, les sociétés à procéder à des hausses de prix. Le CPM estime à présent que “ces effets vont exercer des pressions à la hausse sur l’inflation, en particulier au cours de la première moitié de la période de prévision, de sorte qu’il faudrait des pressions à la baisse par des capacités non utilisées afin de maintenir l’inflation proche de la cible ”.
Les indicateurs récents corroborent la thèse d’un renforcement des pressions inflationnistes : les indices PMI suggèrent des hausses des prix à la production; quant aux résultats des enquêtes relatives aux anticipations d’inflation, ils ont continué à grimper au point qu’ils ne sont plus très loin des sommets de 2008.
Les hausses de salaires restent relativement modérées mais les indicateurs relatifs aux accords salariaux donnent de premiers signes de rebond par rapport aux plus bas atteints pendant la crise. La croissance des salaires va probablement s’accélérer dans les mois à venir avec le renforcement des anticipations d’inflation qui devraient conduire employeurs et employés à se mettre d’accord sur des augmentations salariales plus importantes.
Selon l’hypothèse actuelle du CPM, les capacités non-utilisées dans l’économie sont de moindre ampleur
L’existence de capacités non-utilisées dans l’économie (à la fois sur le marché du travail et au sein des sociétés) reste le facteur clé qui devrait faire reculer l’inflation vers la cible une fois que l’effet de la TVA, des prix de l’énergie et des prix à l’importation aura cessé de se faire sentir. Selon la BoE, les capacités non-utilisées au sein des sociétés dépend “de manière cruciale” de la trajectoire de la productivité. Or la productivité de la main-d’œuvre reste bien inférieure au niveau que laissait entrevoir la tendance antérieure à la crise. Si la productivité devait revenir à ce niveau, la croissance de l’emploi serait faible dans les mois à venir et la pression haussière sur les salaires relativement limitée.
Cependant, le CPM estime à présent que plus de la moitié de la perte de productivité est probablement permanente. En d’autres termes, les entreprises ont désormais beaucoup moins la capacité d’augmenter la production sans encourir de coûts supplémentaires ce qui revient à dire que l’économie a moins de marge de manœuvre sans créer des pressions inflationnistes. Si le CPM parlait l’année dernière “d’importantes” capacités disponibles, il n’est plus question dans le rapport de mai 2011 que de “quelques” capacités.
Compte tenu des risques à la hausse entourant les perspectives d’inflation, la BoE ne devrait pas tarder à remonter son taux directeur. Toutefois, le timing de la première hausse dépendra de la croissance du PIB dans les prochains mois, la majorité des membres du CPM préférant attendre un redressement de la demande intérieure avant de passer à l’offensive.
La première hausse des taux sera fonction de la croissance du PIB à court terme
l y aura donc probablement un relèvement des taux cette année (les projections de la BoE en mai vont dans le sens d’une hausse de 30pb en 2011) ; reste à savoir quand. Le CPM semble partagé en deux camps selon l’appréciation par les uns et par les autres de la vigueur sous-jacente de la demande. D’un côté, il y a ceux qui pensent qu’il faut augmenter les taux immédiatement dans la mesure où les risques à la hausse sur l’inflation l’emportent sur ceux liés au ralentissement de la croissance. Compte tenu de la volatilité de la production, “nous n’avons pas intérêt à différer le relèvement des taux”. De l’autre, la grande majorité des membres du CPM estime que la faiblesse sous-jacente de la demande pourrait apparaître au grand jour dans les prochains mois ; dans ces conditions, un relèvement des taux risquerait de pénaliser la consommation.
Les craintes de ces derniers ont été confirmées par les données sur le PIB au premier trimestre 2011, qui font état d’une croissance de la demande intérieure bien plus faible qu’on ne l’avait craint. La demande intérieure totale s’est contractée de 1,3 % en glissement trimestriel (t/t) sous l’effet de la baisse des dépenses des ménages (-0,6 % t/t après -0,3 % t/t au T4 2010), du repli notable de la formation brute de capital fixe (-4,4 % t/t après -1,8 % t/t au T4 2010) et d’une chute significative des importations (-2,3 % t/t). Certes, la situation devrait quelque peu s’améliorer, selon nos prévisions, au second trimestre, mais dans l’ensemble la croissance devrait rester faible. Les enquêtes disponibles indiquent un ralentissement de l’activité au T2 2011, mais il est encore trop tôt pour en apprécier l’ampleur.
Nous continuons de tabler sur un premier relèvement des taux dès cette année ; en effet, après une période prolongée d’inflation supérieure à l’objectif, les entreprises vont probablement chercher à restaurer leurs marges bénéficiaires tandis que les salaires seront soumis à certaines pressions à la hausse dans le secteur privé au second semestre de cette année. Nous avons, cependant, reporté nos prévisions relatives à la première hausse de taux au mois de novembre (au lieu du mois d’août, comme nous l’avions initialement prévu), compte tenu de divers risques à la baisse de la croissance au T2 2011 : jour férié supplémentaire en avril, ruptures d’approvisionnement dans l’industrie liés au désastre survenu au Japon, possibilité de faiblesse persistante des dépenses des ménages et anticipation de ralentissement de croissance mondiale.
Retrouvez les études économiques de Crédit Agricole