par François-Marie Wojcik, président de Métropole Gestion
L’or au plus haut, le rendement des emprunts allemands en chute libre : l’aversion au risque opère un grand retour ce trimestre. Les présentations de résultats des entreprises n’ont pas apporté d’éléments nouveaux, si ce n’est le constat que leur environnement est revenu à la normale, avec une croissance des ventes plus modérée pour beaucoup d’entre elles, et des marges qui se maintiennent à un haut niveau.
Dans ce contexte, les investisseurs scrutent avec plus d’attention la sortie de crise en préparation, particulièrement en zone euro. Pour rétablir la confiance, les différents intervenants, Etats, banquiers centraux, banquiers et assureurs, ont à cœur d’œuvrer de concert et non dans l’urgence car tous leurs intérêts sont mêlés dans la gestion de la crise grecque. Ils doivent convaincre les marchés de leur volonté et de leur capacité à endiguer et gérer la crise.
Nous ne sommes plus en 2010, lorsque les décisions ne pouvaient être prises dans l’urgence parce que le cas de figure du défaut d’un pays de la zone euro n’avait pas été prévu. De manière assez aberrante, les règles alors en place avaient facilité l’apport d’aide à la Hongrie tandis qu’elles rendaient impossible un support direct à la Grèce. Aujourd’hui les outils sont là, l’EFSF (Fonds Européen de Stabilité Financière) voué à être pérennisé dès 2013 en un Mécanisme Européen de Stabilité (ESM) pourra se montrer garant des Etats en difficulté en échange d’une part de leur souveraineté. Dans ce cas, une restructuration de la dette grecque ne serait pas forcément matérialisée par un impact comptable chez les porteurs de dette, car l’ESM jouerait le rôle de rehausseur de crédit. Une sortie de crise ordonnée est donc tout à fait possible, seul son délai est incertain mais il se raccourcit.
La conséquence immédiate de ces incertitudes pour l’investisseur en actions, c’est qu’il peut acheter à bon compte des actions européennes dont le prix intègre une bonne part de risques qui les concernent peu. Plus généralement, on peut y voir un catalyseur fort pour l’ensemble du marché européen : mis sous tension, il pourrait rebondir rapidement dès que les politiques auront su convaincre. Les prochaines semaines seront cruciales, le prochain sommet de l’Union Européenne au mois de juin pourrait confirmer et détailler la mise en place des instruments évoqués plus haut.
A cette occasion, les investissements dans des sociétés de qualité, à fort pricing power (important en période d’inflation des matières premières), ont été renforcés dans nos portefeuilles. On pense à Michelin qui a pu passer une deuxième vague de hausses de prix sur les pneus poids lourds aux Etats-Unis, à Adidas qui, comme son concurrent Nike, profite d’un cycle produits très favorable, au bijoutier Signet Jewelers qui profite de la faillite de ses concurrents aux Etats-Unis, à Draegerwerk qui a réorganisé ses achats et sa R&D. Les patrons de ces entreprises n’évoquent même pas les problèmes de financement des Etats lors de leurs présentations ; leurs positions concurrentielles sont renforcées, leur avenir est dégagé et leurs valorisations anormalement basses.
C’est en période de stress que la zone euro concrétise ses plus grandes avancées et que l’investisseur actions fait les meilleures affaires. Il est bon de se le rappeler surtout quand on s’y trouve.