France : l’embellie est finie, l’effort reste à faire

par Camille de Williencourt, économiste chez Natixis

L’économie française sera sortie de récession plus vigoureusement que nous ne le prévoyions initialement : depuis le plongeon à -2,6% en 2009, la croissance s’est en effet progressivement accélérée, affichant une performance particulièrement bonne au premier trimestre 2011 (+0,9% T/T). Ce dynamisme a été cependant soutenu par des éléments transitoires qui devraient s’essouffler dès le trimestre prochain, tandis que l’instabilité de l’environnement actuel ne peut que peser sur l’activité.

Au cours du premier trimestre 2011, l’économie française a été en effet soutenue par différents facteurs temporaires. La fin de la prime à la casse, effective fin 2010, a eu des effets décalés au long des premiers mois de l’année, qui ont continué de dynamiser la production industrielle et la consommation privée. Ces effets sont désormais clairement résorbés, comme le montrent les chiffres des derniers mois : les immatriculations de voitures neuves se sont affichées en recul de 16% entre le premier et le deuxième trimestre. La contribution des stocks a été ensuite particulièrement forte après le déstockage enregistré pendant l’automne (+0,6 point de PIB après -0,3 au dernier trimestre 2010), mais devrait rapidement s’amoindrir avec la fin du cycle de restockage. L’essoufflement de ces facteurs, dans un contexte de chômage et d’inflation élevés, fera pression à la baisse sur la demande intérieure.

Aussi voit-on mal comment l’environnement économique actuel pourrait ne pas plomber la croissance : avec la crise de la dette qui s’envenime, et la mise en place de plans de rigueur toujours plus sévères dans de nombreux pays de la zone euro (Espagne, Grèce, Portugal et désormais Italie…), le contexte parait peu porteur pour l’économie française qui exporte près de 10% de son PIB dans l’Union.

Parallèlement à la hausse des prix du brut, les difficultés éprouvées par le secteur exportateur français expliquent l’envolée du déficit commercial depuis le troisième trimestre 2010, celui-ci ayant atteint un record historique en mai dernier (à 7,4 Mds d’euros). Principal partenaire commercial de l’hexagone, l’Allemagne ne pourra pas non plus éternellement soutenir les exportations françaises si bien que le commerce extérieur devrait renouer avec son rôle de talon d’Achille de l’économie française.

Enfin, si les banques françaises semblent en meilleure santé que certaines de leurs homologues européennes, la crise des dettes souveraines périphériques n’est pas sans les fragiliser, faisant peser un risque supplémentaire sur un possible moteur relais de l’activité, l’investissement des entreprises, toujours très faiblement autofinancé. Une hausse des taux d’intérêt et/ou un durcissement des conditions de crédit pourraient à cet égard s’avérer catastrophique pour l’économie française1.

Mais ce sont surtout les finances publiques qui sont source d’inquiétude : le stress actuel interdit en effet à la France tout faux pas en matière de résorption de ses déficits, au risque de faire définitivement vaciller l’ensemble de la zone euro. Avec l’Allemagne, la France reste en effet le socle de l’Union, en particulier depuis les difficultés rencontrées par l’Italie.

Or l’embellie de l’économie française, cristallisée autour d’un premier trimestre 2011 particulièrement dynamique, nous semble être déjà révolue. La consolidation budgétaire, jusqu’à présent largement facilitée par la bonne performance de l’économie, doit désormais passer par un effort véritablement structurel. Si notre prévision de croissance pour l’année 2011 (+1,9%) n’est que très légèrement inférieure à celle du gouvernement (+2%), la prévision gouvernementale pour 2012 nous semble toujours très optimiste (+2,25%). Dans la mesure où ces prévisions sont à la base du bouclage budgétaire, l’enthousiasme persistant du gouvernement pourrait conduire à un pilotage trop laxiste des finances publiques, sans que les efforts structurels véritablement nécessaires soient mis en œuvre. La crédibilité de la zone euro est plus que jamais liée à celle de la France, à elle de prouver qu’elle accepte cette responsabilité.

NOTES

  1. Voir Flash 2011-519 : « Une dégradation de la confiance, de la perception de la France par les investisseurs, aurait des effets violemment négatifs sur l’économie française »

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