par Aurélie MARBOEUF, économiste au Crédit Agricole
- Credit crunch persistant et mauvais résultats des banques anglaises ont poussé les autorités britanniques à élaborer un nouveau plan de soutien au secteur bancaire.
- Le plan anglais innove en proposant notamment aux banques d’assurer certains de leurs actifs. L’objectif est toujours le retour de la confiance et le redémarrage des prêts.
Alors que l’économie britannique confirme son entrée en récession, force est de constater que le premier plan de soutien bancaire n’a pas suffi. Elaboré en octobre, il avait pourtant mis sur la table 50 Mds £ (3,5 % du PIB) pour recapitaliser les banques, auxquels s’ajoutaient 250 Mds £ de garantie sur la dette senior émise par les banques. S’il a permis d’éviter le pire pour les banques en assurant leur solidité, l’activité de crédit n’a pas retrouvé ses niveaux d’avant crise. Les banques étrangères, notamment islandaises, ont limité leurs octrois de prêts dans le pays, sans que les banques locales ne parviennent à compenser ces retraits. La production de mortgages en décembre a ainsi baissé de près de 50 % par rapport à l’année précédente. Les prix de l’immobilier poursuivent leur baisse parallèle. Les crédits corporate et à la consommation sont également orientés à la baisse, la variation des encours sur un an en novembre n’étant plus en croissance que de respectivement 4 % et 6 %.
Par ailleurs, les résultats des banques au quatrième trimestre ont été affectés par les conditions de marché très difficiles qui ont prévalu sur les trois derniers mois de l’année. Ce contexte financier plus sévère qu’ailleurs, couplé à la récession économique, contraint l’octroi de crédit.
Royal Bank of Scotland (RBS) a ainsi publié un profit warning et devient le nouveau détenteur du record de perte annuelle pour une société anglaise. Ses pertes seraient de 22 à 28 Mds £ pour 2008, dont 15 à 20 Mds liés à la dépréciation du goodwill, reflétant essentiellement l’écart entre le prix payé lors de l’acquisition de la banque de financement et d’investissement d’ABN Amro en 2007 et sa valeur aujourd’hui. Le reste des pertes serait dû à 8 Mds £ de dépréciations sur les produits toxiques. Au total, sans dépréciation et hors impôts et exceptionnel, le résultat de RBS est tout juste à l’équilibre sur l’année, les comptes de la banque intégrant aussi 3 Mds £ de provisions sur les crédits corporate et 3,5 Mds sur les crédits aux particuliers et aux PME, près du double de l’an passé.
Les autorités ont donc décidé de renforcer une nouvelle fois le capital de RBS en convertissant 5 Mds £ d’actions préférentielles, rémunérées au taux de 12 % par an, en titres ordinaires. A l’issue de cette opération qui vient renforcer les fonds propres durs de la banque, l’Etat sera actionnaire à 70 % contre 58 % aujourd’hui et RBS économisera 600 M £ de dividendes chaque année.
La mise en place du nouveau plan devra être rapide
Le plan annoncé par le gouvernement cette semaine doit donc permettre au crédit de repartir alors que le contexte pousserait plutôt naturellement les banques anglaises au deleveraging. Le nouveau plan innove sur trois points. La principale mesure consiste en la création d’un système d’assurance de certains actifs, le gouvernement supportant 90 % des pertes au-delà d’un certain seuil à définir. Elle vise à fixer un prix plancher pour ces actifs et à diminuer le risque porté par les banques. La possibilité de rachats directs de titres du secteur privé et la garantie d’ABS (crédits immobiliers mais aussi à la consommation et corporate) devraient jouer sur la reprise du crédit.
Elles garantissent, d’une part, la liquidité des instruments de dette et, d’autre part, la réouverture du marché de la titrisation, qui est essentiel au financement des banques. Northern Rock et RBS, dorénavant sous contrôle public, devront par ailleurs augmenter leurs prêts, et le gouvernement compte négocier des mesures similaires avec les autres banques. Le plan prolonge également les mesures d’octobre de garantie de la dette senior des banques et de mise à disposition de liquidité par la BoE (Special Liquidity Scheme) avec extension des maturités de trente jours à un an.
Le gouvernement doit désormais négocier avec chacune des banques l’application de ces mesures, notamment la définition du seuil au-delà duquel l’Etat supportera 90 % des pertes. Et ce alors que des appels à une nationalisation totale des grandes banques se font entendre. La rapidité de mise en œuvre de ce second plan sera donc déterminante, même s’il ne pourra qu’atténuer la récession.