par Jean-Marc Lucas, économiste chez BNP Paribas
Cette année, l’agenda présidentiel en matière économique sera davantage dicté par les circonstances actuelles (crise financière, récession) que par le programme affiché par le candidat Obama avant les élections.
La version initiale du plan de relance, d’un montant global de 825 milliards USD, comprend deux grands volets : des investissements et des aides à des publics ciblés, pour un montant global de 550 milliards, des baisses d’impôts pour un montant global de 275 milliards.
Une fois la récession passée, la tâche de l’administration Obama ne sera pas vraiment plus aisée : il lui faudra concilier la mise en œuvre d’un programme ambitieux et l’assainissement des finances publiques. Des mesures douloureuses devront sans doute être prises.
Barack Obama est devenu cette semaine le 44ème président des Etats-Unis, au beau milieu de la récession la plus sévère depuis des décennies, et probablement au pire moment de celle-ci(1). Dans ce contexte, l’agenda présidentiel sera davantage dicté à court terme par ces circonstances exceptionnelles que par le programme affiché par le candidat Obama avant les élections(2).
Cette année, les dossiers prioritaires de la nouvelle administration seront sans doute la crise financière (et le marché du crédit), le marché du travail et le marché immobilier (en particulier les saisies).
La première mesure choc de la nouvelle administration résidera dans la mise en œuvre d’un nouveau plan de relance (nettement plus conséquent que celui de 2008).
La version initiale du plan appelé à être amendé et voté par le Congrès dans les semaines qui viennent (« American Recovery and Reinvestment Act of 2009 ») a été dévoilée en fin de semaine dernière par le camp démocrate. Ce plan, dont le montant global de 825 milliards USD sur deux ans (5,8% du PIB) est sans équivalent dans l’histoire du pays, comprend deux grands volets :
- Des investissements et des aides à des publics ciblés, pour un montant global de 550 milliards. Ces dépenses peuvent être réparties en une dizaine de grandes catégories : les aides aux Etats fédérés (pour éviter la diminution des services de base et les pertes d’emplois afférentes) ; l’éducation ; la santé (contribution plus forte de l’Etat à Medicaid, extension de la couverture santé des chômeurs…) ; les infrastructures de transports ; l’aide aux chômeurs (renforcement des allocations chômage…) ; l’énergie (modernisation des infrastructures publiques…) ; la technologie (modernisation du système d’information dans le domaine de la santé…) ; le logement (aides aux ménages modestes au titre des travaux d’isolation…) ; l’environnement et les ressources en eau.
- Des baisses d’impôts à destination des ménages et des entreprises, pour un montant global de 275 milliards. Les ménages bénéficieraient notamment d’un allègement de 1000 USD par foyer (ou 500 USD par personne seule),pour 95% d’entre eux. Les entreprises seraient incitées fiscalement à investir.
Les aides à destination des Etats fédérés permettront sans aucun doute d’amortir les effets de la récession : étant donné les difficultés budgétaires des Etats (et autres collectivités locales), ces aides seront sans doute dépensées en totalité. Les dépenses d’investissements auront un impact moins rapide, mais assez régulier sur un assez grand nombre de trimestres ; elles sont par ailleurs susceptibles d’entraîner des effets positifs pour l’économie américaine à moyen terme (compétitivité, productivité), contrairement aux dépenses de fonctionnement.
Si l’effet des baisses d’impôts est plus immédiat que celui des dépenses d’investissement, il apparaît nettement plus incertain. Dans les circonstances actuelles (hausse marquée du chômage, patrimoines en baisse, endettement élevé), une partie significative des allègements bénéficiant aux ménages pourrait être épargnée. L’aggravation de la situation économique depuis le printemps 2008 (perte de richesse nettement plus marquée, en particulier) suggère même que la fraction des baisses d’impôts épargnée pourrait être plus forte que lors du plan de relance de 2008(3).
Ce plan sera naturellement amendé par le Congrès au cours des prochaines semaines (l’administration Obama espérant le voir adopté d’ici à la mi-février). Son montant final pourrait être plus élevé que prévu à l’heure actuelle. Les 275 milliards de baisses d’impôts pourraient faire l’objet de débats nourris, puisqu’elles concentrent les principales critiques en provenance du camp démocrate et sont censées convaincre une partie du camp républicain d’apporter son soutien à l’initiative de relance.
Quelles mesures complémentaires ?
Si le plan de relance budgétaire est jugé nécessaire par la grande majorité des observateurs, il n’est sans doute pas suffisant pour contrer tous les aspects négatifs de la crise économique et financière. Lawrence Summers, directeur du National Economic Council, a lui-même précisé qu’il devait être accompagné d’un plan de reconstruction financière et de mesures ayant trait au marché du logement. Ben Bernanke a également indiqué que des mesures de stabilisation du système financier lui semblaient nécessaires en parallèle afin de stimuler le crédit.
Dans cette perspective, le déblocage du deuxième volet de 350 mds du Troubled Asset Relief Programme (TARP) par le Congrès tombe à point nommé. La meilleure façon d’exploiter cette manne est encore discutée au sein de la nouvelle administration. Deux grandes options paraissent envisageables : La réalisation de nouvelles injections de capital. Le camp démocrate ayant jugé que les premières injections n’avaient pas abouti aux résultats escomptés (en matière de ranimation du marché du crédit), les éventuelles nouvelles injections pourraient n’être réalisées que sous certaines conditions (en matière de crédits octroyés notamment).
Des rachats d’actifs toxiques des banques, comme le prévoyait le projet initial du TARP (voire des rachats de crédits hypothécaires). Un projet de banque publique regroupant les actifs toxiques serait ainsi à l’étude. Une autre façon de s’attaquer au problème des actifs toxiques pourrait résider dans la mise en place d’un système de garantie ou d’assurance des actifs à problèmes.
A chaque année suffit sa peine
Comme les projections budgétaires du Congressional Budget Office (CBO) pour la période 2009-2019 l’ont récemment souligné (graphique), les mesures prises afin de contrer la crise économique et financière aboutiront à un creusement impressionnant du déficit (autour de 1600 milliards attendu en 2009, soit 11% du PIB environ, le ratio le plus élevé, et de très loin, depuis la Seconde Guerre mondiale).
Si un large consensus prévaut aujourd’hui pour juger qu’un plan de relance massif est nécessaire pour limiter l’impact de la récession (et ne pas répéter les erreurs des années 1930), il ne fait guère de doute que la question des finances publiques occupera le devant de la scène dans les prochaines années. Avant même cette récession, la montée en force de ce thème était déjà prévisible, étant donné la tendance explosive des dépenses de santé (surtout) et de retraite.
La récession et les mesures gouvernementales exceptionnelles prises depuis quelques trimestres (sauvetages d’institutions financières, plan de relance de 2008, TARP, plan de relance de 2009) ne font que rendre ce problème plus aigu.
Une fois la récession passée, la tâche de l’administration Obama ne sera pas vraiment plus aisée : il lui faudra concilier la mise en œuvre d’un programme ambitieux (notamment la très attendue réforme du système de santé) et l’assainissement des finances publiques. Des renoncements ou des reports seront probablement nécessaires (notamment en matière d’investissements publics) et des mesures douloureuses devront sans doute être prises (hausse des impôts, limitation des dépenses).