La croissance, quand même

par Caroline Newhouse, économiste chez BNP Paribas

Aux Etats-Unis, la reprise économique a été décevante, jusqu’à présent. Au premier semestre, la croissance a été de 1,1% en rythme annualisé. Au troisième trimestre, elle resterait soutenue par le dynamisme du secteur manufacturier, en ligne avec rebond de la demande et de la production japonaises consécutif au grand tremblement de terre. Mais au-delà, les enquêtes ne promettent rien de bon. La consommation privée reste faible, à l’image des créations d’emplois1. Les indices de confiance ont, en outre, réagi négativement à l’épisode du gel du plafond de la dette au Congrès, qui a valu aux Etats-Unis la perte de leur triple A.

Notre scénario exclut cependant la bascule en récession. L’investissement des entreprises, qui a augmenté de 6,3% r.a. au T2, devrait continuer de soutenir l’activité, pour répondre à la hausse progressive du taux d’utilisation des capacités de production et l’obsolescence des infrastructures. Les tensions sur la liquidité bancaire sont sans commune mesure avec celles observées à l’automne 2008, après la faillite de Lehmann Brothers. Le niveau de réserves détenues par les banques auprès de la Fed est très élevé (près de 8% du total de leurs bilans). A ce stade, les enquêtes ne dénotent pas de restriction du crédit.

Les taux d’intérêt à court terme restent par ailleurs proches de zéro, la réserve Fédérale ayant indiqué qu’elle les maintiendrait à ce niveau au moins jusqu’à mi 2013. Celle-ci étudie par ailleurs les autres options qui s’offrent à elle : 1/ Baisser le taux versé sur les réserves des banques dans ses livres ; 2/ Contribuer à l’aplatissement de la courbe des taux, en vendant la partie courte et achetant les échéances longues, sans incidence sur la taille du bilan ; 3/ Procéder à une troisième vague d’assouplissement quantitatif, probablement plus importante que la précédente (USD 600 mds) et qui dépasserait les échéances électorales.

Le plan d’urgence pour l’emploi, présenté par Barack Obama cette semaine, peut aider. Selon la Maison Blanche, l’American Jobs Act permettrait de créer 500 000 à 1 million d’emplois l’année prochaine en augmentant la croissance du PIB de 1 à1,5 point. Il, en outre, comprend une extension jusqu’en 2012 de la baisse de 2 points des cotisations employés (USD110 mds), des allègements fiscaux pour les petites entreprises (de USD 50 à 100 mds) et un nouveau programme d’investissement structurel (USD140 mds dans l’éducation, les transports…). Le total de l’opération est estimé à 447 milliards de dollars, financés par des nouvelles baisses de dépenses et ne remettrait donc pas en cause les efforts de réduction du déficit.

En Europe, au deuxième trimestre, la croissance du PIB était de seulement 0,2% t/t, après 0,8% au T1. A moyen terme, le ralentissement devrait se poursuivre, comme l’indiquent les enquêtes, en particulier dans le secteur manufacturier. En outre, la situation dégradée du marché du travail et les mesures d’austérité budgétaire mise en œuvre à travers la zone euro pèsent sur la consommation des ménages qui s’est contractée de 0,2% t/t au T2.

Au troisième trimestre, la poursuite du ralentissement économique devrait rester mesuré. De fait, l’Allemagne, première économie de la zone, tirait encore son épingle du jeu, au début de l’été. En juillet, la production industrielle a bondi (+4%), effaçant le repli du mois précédent. L’activité dépasse ainsi légèrement son point haut de début 2008. En outre les perspectives demeurent modestement favorables, comme le signale l’évolution sous-jacente des commandes manufacturières qui tout comme les enquêtes PMI et IFO indique une croissance modérée au cours des prochains mois.

NOTES

  1. Le redressement de l’emploi privé depuis la fin de la récession est peu marqué par rapport aux reprises précédentes (1970 et 1980, sans parler de la jobless recovery de 2001). Les réallocations sectorielles consécutives à la crise (activité réduite dans la construction et la finance), le poids du chômage de longue durée et la crise immobilière ont, notamment, contribué à appauvrir la reprise en emplois, tandis que l’état fédéral et les Etats, face à des déficits considérables, taillent dans leurs effectifs, dans l’espoir de maîtriser leurs dépenses

Retrouvez les études économiques de BNP Paribas