par Laurent Quignon, économiste chez BNP Paribas
Dans son dernier rapport sur la stabilité financière (GFSR), le FMI a estimé l’incidence de l’élargissement des spreads sur la valeur implicite des portefeuilles détenus par les banques européennes à 300 milliards d’euros entre la fin de 2009 et aujourd’hui, dont 200 milliards sur la valeur des titres d’emprunt d’Etat et 100 milliards pour les créances détenues sur les banques locales.
1) Ainsi que le soulignent à plusieurs reprises les auteurs du FMI dans leur rapport et contrairement à la plupart des interprétations erronées qui en ont été faites, ce calcul ne vise aucunement à évaluer l’éventuel besoin en fonds propres du système bancaire européen, mais simplement à mesurer la variation de la valeur implicite de marché découlant des tensions actuelles sur les six pays « à spreads élargis » (Belgique, Espagne, Grèce, Irlande, Italie, Portugal).
2) Ce calcul ne repose pas sur les fondamentaux des finances publiques mais sur l’hypothèse que la décote implicite de marché est une bonne approximation de la probabilité de défaut. Cette hypothèse a très fréquemment été contredite par les faits qui ont maintes fois démontré le caractère largement procyclique de la valeur de marché et l’instabilité financière susceptible d’en découler. Elle apparaît plus discutable encore pour l’Italie, dont la dette publique apparaît soutenable à moyen terme à condition que le marché revienne à plus de discernement (Cf. encadré).
3) Une partie de l’incidence potentielle calculée par le FMI a déjà été comptabilisée par les banques. Cela est vrai des titres rangés dans la catégorie available for sale (49% du portefeuille, en moyenne, à la fin de 2010 selon l’EBA) et de ceux détenus en portefeuille de négociation (12%). Cela vaut également, quoique dans une moindre mesure, pour les titres de dette publique grecque classés en held to maturity (39% du portefeuille) qui ont déjà fait l’objet de provisions dans le cadre du programme d’échange volontaire du 21 juillet.
4) La défiance des investisseurs vis-à-vis des dettes souveraines des pays jugés à risque a provoqué un mouvement de « flight to quality » qui s’est traduit par une appréciation substantielle des titres de Bund et d’OAT qui constituent une proportion significative des portefeuilles des banques françaises (50% à la fin de 20101) et allemandes (74,3%), les institutions financières présentant un tropisme naturel pour la dette de leur Etat d’origine.
5) Enfin, les grandes banques de l’Union européenne ont amélioré leurs ratios de solvabilité dans une fourchette de 2% à 4% de leurs actifs pondérés depuis la crise de 2008 et ont accru les mises en réserves plus que proportionnellement aux résultats nets. Ces derniers se sont élevés à 66 milliards d’euros en 2010 pour les vingt premières banques, après 40 milliards en 2009 soit une progression +66%. Les tests de résistance menés en juillet ont par ailleurs établi que la plupart des banques européennes étaient suffisamment capitalisées et que le système bancaire dans son ensemble n’avait pas besoin de fonds propres supplémentaires. Ce constat n’exclut pas des besoins de recapitalisation circonscrits à certaines banques, y compris au- delà des huit établissements ayant échoué (cinq espagnoles, deux grecques et une autrichienne). La propension à détenir de la dette publique domestique tend, en effet, à fragiliser les banques des pays dont la situation budgétaire est dégradée. Il n’en demeure pas moins que le montant requis ne doit pas être confondu avec le chiffrage du FMI. Il lui est très inférieur (n’en représentant qu’entre un dixième et un cinquième selon les estimations d’analystes) tandis que l’émergence d’une solution politique contribuerait à l’alléger.
NOTE
- En proportion de l’ensemble de l’encours des titres de dettes souveraines de 30 Etats européens. Chiffres EBA.