par François-Marie Wojcik, Président de Métropole Gestion
La permanence de la méthode permet d’affronter toute période boursière avec sérénité, cela se vérifie encore une fois dans la tourmente actuelle. Sur les deux derniers cycles boursiers, notre travail de valorisation des entreprises nous a toujours signalé des bornes d’intervention qui se sont révélées payantes.
Aujourd’hui, nous cherchons à détecter des titres dont la valorisation boursière intègre déjà le pire, un retour en récession – soit le niveau d’activité de 2009 – et ce que cela impliquerait pour leur marge et leur bilan. Le mouvement de cet été a été si brutal, qu’aujourd’hui de nombreuses sociétés sont dans ce cas. Par exemple pour Schneider, même si le chiffre d’affaires baissait autant qu’en 2009, au cours actuel la société serait encore décotée de 10%. Un retour en récession est donc déjà dans les cours.
Il est d’ailleurs peu probable qu’un choc aussi brutal que celui de la crise des subprimes ait autant d’impact sur les sociétés qu’en 2009. Nous avons rencontré plus d’une centaine d’entreprises du monde entier ce trimestre, et nous en tirons deux enseignements :
Tout d’abord, nous constatons que l’activité des entreprises n’est à ce jour pas impactée par la crise des financements publics. Nous le savons, ce n’est pas un indicateur très fiable. En revanche, ce qui est assez nouveau, c’est que les chefs d’entreprise eux-mêmes ont une conscience aigüe de la fragilité de leurs prévisions, pour en avoir durement subi le retournement il y a seulement trois ans. Ils bénéficient maintenant d’une certaine courbe d’expérience, car même fin 2008, alors que le ralentissement de l’économie américaine était visible depuis un an déjà, les dirigeants n’étaient pas encore dans un mode de prudence excessive.
Le deuxième constat, c’est que même en cas extrême de retour en récession, l’impact sur l’activité des entreprises serait vraisemblablement moindre. On peut tout d’abord souligner que dans beaucoup de domaines, l’activité est loin d’être revenue au plus haut (intérim, production industrielle dans les pays occidentaux, construction…).
Les structures de production sont donc adaptées à des niveaux de production faibles et elles ont été flexibilisées par l’abaissement du point mort. En cas de retournement, non seulement la baisse d’activité serait moindre, mais surtout elle aurait moins d’impact sur le niveau de marge.
C’est toute la différence entre des sociétés formatées pour courir après une croissance mondiale qui paraissait sans fin et des entreprises en alerte, au bilan sain, qui revoient dès à présent le niveau de leur stocks, du cash et qui réactivent leurs équipes de veille.
Parmi ces sociétés plus résistantes aujourd’hui, on compte par exemple General Motors, qui génère une marge opérationnelle de 7,5% aux US dans un marché qui a à peine rebondi en volume, le pneumaticien Bridgestone au Japon, Sandvik en Suède ou le conglomérat industriel IMI en Angleterre.
Dans le secteur financier, la problématique est différente. On peut toutefois signaler que le marché a une perception déformée de grandes banques telles que BNP Paribas ou Deutsche Bank. Par exemple, il est fréquemment fait allusion ces derniers temps à leur exposition aux dettes des pays « périphériques » et aux dépréciations qu’elles engendrent. C’est oublier un peu vite que leur exposition en OAT et Bunds font plus que compenser ces pertes théoriques par la baisse de leur rendement. La situation mérite également que l’on rappelle quelques ordres de grandeur : l’exposition totale de la BNP à la Grèce (y compris aux entreprises grecques qui sont en réalité des armateurs à l’activité globale) est de 8Md€, ce qui correspond au résultat net qu’elle devrait générer cette année. La banque n’est donc pas en péril.
Il est difficile de subir des mouvements aussi violents que celui de cet été, surtout lorsqu’ils ne sont pas liés à la fin d’un cycle économique comme en 2008, mais à un élément exogène et politique. Néanmoins, de tels évènements créent des points d’entrée exceptionnels pour assurer la surperformance des deux prochaines années.