par Philippe Ithurbide, Directeur Recherche, Stratégie et Analyse d’Amundi Asset Management
Lors des crises précédentes (crise du Système Monétaire Européen de 1992 et de 1993, difficultés de ratification du Traité de Maastricht et rejet du Danemark, projet de Constitution européenne de 2005, difficile ratification du Traité de Lisbonne en 2009, et bien d’autres encore), les marchés financiers ont toujours sous-estimé la capacité des européens à trouver des solutions de dernière minute, « le dos au mur ». Certes, jusqu’à présent, au cours de la crise actuelle, les européens n’ont guère brillé en termes de réactivité et de gouvernance, et on comprend bien le pessimisme ambiant, le caractère défensif des portefeuilles et la prudence de bon nombre d’investisseurs à l’égard des marchés européens.
Dernier épisode en date : un sommet européen qui se termine sur des propositions encourageantes (mais, détail qui a son importance, dont les détails restent encore à déterminer), mais dont l’impact est remis en cause par la décision – surprise – du premier ministre grec de soumettre l’appartenance de la Grèce à la zone euro à un referendum populaire. Les marchés ont immédiatement sombré dans la torpeur qui les animait depuis de nombreux trimestres, et même si le projet de referendum a par la suite été quasiment abandonné, on retient la fragilité de la situation politique en Grèce et la difficulté des Etats-membres de se mobiliser autour d’un projet commun.
Tout cela est bien dommage, car il y avait tout de même eu six avancées majeures lors du dernier sommet européen :
- Tout d’abord, un accord avait été trouvé concernant la réduction de la dette grecque.
- Ensuite, un montant avait été arrêté concernant la recapitalisation des banques de la zone euro.
- Afin d’éviter la contagion, les pays européens avaient approuvé le principe d’une augmentation des capacités du FESF.
- Même si la BCE ne procédait pas à une politique de « Quantitative Easing » d’une ampleur similaire à celle mise en œuvre par la Banque d’Angleterre et la Fed, le nouveau président Mario Draghi avait annoncé qu’elle poursuivrait – si nécessaire – ses achats de dettes des pays les plus faibles.
- Une plus grande rigueur budgétaire et fiscale de la part de l’Italie afin d’endiguer la contagion.
- On notera enfin des engagements de principe pour une amélioration de la gouvernance de la zone euro et l’intégration des équilibres budgétaires dans les constitutions des pays. En dépit de ces avancées, et hormis l’incertitude liée au referendum grec, de nombreuses questions demeurent, car si les grands principes ont été adoptés, les détails techniques sont encore insuffisants. Il n’en fallait pas plus pour jeter de nouveau le doute sur la capacité des européens de venir à bout de cette crise majeure.
En fait, la perspective d’un référendum en Grèce remettait tout en question : la décote de la Grèce (50%, est-ce vraiment suffisant?), le plan d’aide à la Grèce (sera t-il nécessaire de poursuivre si la Grèce se désolidarise de la zone euro et de l’Union?), le plan de recapitalisation des banques (les besoins ne seront-ils pas plus importants?), l’avenir du FESF (quid du dispositif de rehaussement du crédit, de la taille du fonds, de la participation des fonds souverains et du secteur privé?).
Question 1 : Quelles pourraient être les conséquences du manque d’adhésion des grecs au plan de soutien européen ?
Il faut noter que selon les derniers sondages, même si plus de 70% des grecs restent attachés à l’Europe, plus de 60% d’entre eux sont hostiles au plan de sauvetage décidé récemment. Il faut voir dans ce résultat non seulement la lassitude de voir se succéder des plans d’austérité (qui n’ont pour vertu que de contracter l’activité, l’emploi, les salaires, les retraites… et non la dette publique et les déficits), mais aussi la volonté de changement de gouvernement.
Le Traité de Lisbonne ne prévoit aucune exclusion (il précise en fait qu’il est impossible d’exclure un pays de l’Union ou de l’UEM), mais un Etat membre a la possibilité de demander à sortir de l’Union. S’ensuivent alors de longues négociations (sur les affaires de défense, de diplomatie, les affaires économiques et financières …) … qui conduisent à la sortie effective de l’Union Européenne et de l’Union Monétaire. A ce stade, le pays doit rebâtir des structures de fonctionnement (banque centrale, politique monétaire, monnaie nationale …). Si l’on en croit le Traité, le long processus de négociations se traduit automatiquement (si les négociations ne sont pas terminées) par la sortie effective du pays de l’Union au bout de deux ans, sauf si prorogation.
Question 2 : La réduction de la dette grecque de 50 % prévue par le sommet européen est-t-elle suffisante pour résoudre le problème de la dette de ce pays ?
La décote (« haircut ») de 50% touche la dette détenue par les prêteurs privés, et elle devrait permettre de faire chuter le niveau de la dette publique grecque de 160% à 120% du PIB du pays à l’horizon 2020. Le progrès est considérable et il éloigne (hormis une nouvelle dégradation de la situation politique en Grèce) le risque de défaut désordonné, catastrophique pour toutes les parties concernées. Néanmoins, la dette grecque resterait très élevée et elle ne serait soutenable que si les réformes en cours dans l’économie du pays, et l’aide des partenaires européens, permettent de rétablir la croissance et des excédents primaires (déficits publics diminués du service de la dette)… ce qui à l’évidence prendra beaucoup de temps. Sans cela, la Grèce restera insolvable et n’accèdera pas aux marchés des capitaux. Le « rapport sur la soutenabilité de la dette en Grèce » publié par les économistes de la Commission Européenne (21 octobre 2011) rappelle que « l’analyse montre que la dette restera élevée pour l’intégralité de l’horizon de prévision. Même si elle est réduite à un rythme lent grâce au soutien important et à des taux bas (via le FESF), cette trajectoire n’est pas suffisamment robuste pour pouvoir faire face à des chocs. Rendre la dette soutenable requiert une combinaison ambitieuse d’aide extérieure officielle et de la part du secteur privé. Et même dans le cas où le secteur privé accepte des efforts plus importants, une aide extérieure officielle de grande ampleur restera nécessaire pour une longue période de temps. Autrement dit, la « soutenabilité » de la dette grecque dépend de la solidité de l’engagement des autre pays et organisations internationales à la Grèce ».
Autrement dit, considérer une décote de 50% dans un scénario d’adoption du plan européen est facilement justifiable, mais il convient de rappeler qu’un taux de défaut de 50% ne rend pas la Grèce solvable. La question est néanmoins de savoir si la situation de la Grèce peut faire basculer le taux de défaut vers des niveaux plus élevés.
Que peut-il se passer si la Grèce fait « sécession » ? Dans le pire des cas, impossibilité de mettre en application le plan européen du 26 octobre (contagion …), le taux de défaut de la Grèce irait bien au-delà de 50%.
Entre 1998 et 2007, le taux de recouvrement moyen fut de 65% lors des défauts des souverains : 35% pour la Russie en 1998, un peu moins de 40% pour l’Argentine en 2001, 40% pour l’Equateur en 2000, 45% pour Grenade en 2004, 60% pour l’Ukraine en 2000, 70% pour le Pakistan et l’Ukraine en 1998, 70% pour la Dominique et l’Uruguay en 2003, 95% pour la République Dominicaine en 2005 et la Moldavie en 2002, 100% pour l’Equateur en 2000 … En moyenne depuis le début des années 80, le taux de recouvrement des souverains est de 54%, mais l’histoire ne concerne que des pays émergents, le taux de recouvrement oscillait entre 0% et 100% … et tout cela ne tient pas compte de l’ajustement – souvent sévère – des cours de change.
Nous avons déjà évoqué dans nos publications qu’un défaut de l’ordre de 70% à 75% – à l’intérieur de la zone euro – serait nécessaire pour rendre la Grèce de nouveau solvable. Il y a fort à parier que si la Grèce se retrouve seule, sans soutien, son intérêt sera d’effacer une large partie de sa dette, voire même de la répudier.
Question 3 : Quelle sera la réelle force de frappe du FESF ?
Compte tenu du contexte, et de l’absence de détails précis, il est encore trop tôt pour répondre à cette question. Ce que l’on sait d’ores et déjà, c’est qu’il devrait y avoir un double mécanisme :
- Un mécanisme « assurances » permettant de garantir les premières pertes (on parle de 20%) en cas de défaillance d’un émetteur souverain.
- Un mécanisme (fonds commun de créances, ou SPV en anglais pour Special Purpose Vehicle) auquel l’Europe espère faire participer prêteurs privés et fonds souverains des pays émergents. Le taux de participation (voire même la participation) des prêteurs privés et des fonds souverains n’est pas encore acquis, et la taille actuelle du FESF est clairement insuffisante pour enrayer une quelconque contagion aux pays périphériques comme l’Italie ou l’Espagne. Cela est d’autant plus critique que ce fonds est finalement le seul rempart à la contagion. La force de frappe du FESF, actuellement de 440 milliards d’euros, devrait être relevée à 1000 milliards grâce à l’effet « assurances » ; comment est-ce calculé : en tenant compte d’une garantie de 25% sur la base des capitaux « libres » de 250 Mds ? Ou alors en prenant en compte le financement des Etats actuellement vulnérables sur les 3 ans à venir ? …). Par ailleurs, la participation des fonds souverains et investisseurs privés est de nature à accroître encore la taille du dispositif anti-contagion.
Le mécanisme d’assurance (rehaussement du crédit) attire l’attention car il est susceptible d’entraîner des distorsions entre les dettes publiques. Si le FESF garantit les nouvelles émissions des seuls pays vulnérables, on se retrouvera avec des dettes « garanties » et des dettes « non garanties » : les nouvelles émissions des Etats « vulnérables » seraient garanties, mais pas les anciennes … certains Etats émettraient des dettes avec garanties, mais pas les autres …. L’encadré ci-dessous, qui reflète la communication « officielle » du FESF, montre bien que les détails restent encore à définir … On en saura davantage fin novembre, lors de la réunion Eurogroup/ECOFIN (à noter également que la mise en place du « nouveau » FESF prendra quelques semaines supplémentaires).
Au-delà des mesures envisagées, on peut « s’étonner » que les pays européens recourent au levier, au SPV, et à des constructions qui ressemblent fort aux CDO, des produits d’ingénierie financière qu’ils ont eux-mêmes montré du doigt depuis la crise de 2008, jusqu’à en proposer l’interdiction.
Question 4 : Les décisions prises lors de ce sommet permettront-elles de « sauver » le « AAA » français ?
Le plan européen n’accroît pas le montant des garanties fournies par la France aux pays européens en difficulté, ce qui est indubitablement une bonne chose. De même, il n’est pas prévu que la recapitalisation des banques se fasse avec des deniers publics (la recapitalisation devrait s’effectuer en priorité avec des capitaux privés). En ce sens, toutes choses égales par ailleurs, la perspective d’une perte du « AAA » français s’éloigne. Tout danger n’est cependant pas écarté car les finances publiques de la France restent fragiles, et elles sont par ailleurs susceptibles de se dégrader rapidement en cas de nouveau choc sur la croissance. Autre point négatif : la comparaison de la France et de ses pairs encore « AAA » n’est pas en sa faveur (poids de la dette, trajectoire de dette, service de la dette, comptes courants …), et cela fragilise la situation de la France. Par ailleurs, la complexité du plan européen et la participation des investisseurs font peser le risque qu’il ne soit finalement pas mis en place. Dans un tel cas de figure, et compte tenu du manque de visibilité sur la zone et de la perspective d’une récession, la France ne sera pas en mesure de conserver son « AAA ».
Question 5 : Les mesures annoncées par S. Berlusconi seront-elles suffisantes 50 pour ôter tout risque de contagion envers l’Italie ?
Les annonces faites en Italie, portant notamment sur l’augmentation de l’âge de la retraite (67 ans au lieu de 65), des cessions d’actifs par l’Etat (au moins 5 Mds par an pendant 3 ans), des mesures d’austérité (60 Mds) et visant à accroître la flexibilité du marché de l’emploi … vont toutes dans le sens attendu par les partenaires européens et les marchés financiers. Mais comme pour les autres pays de la zone, la grande difficulté sera de renouer avec la croissance tout en adoptant une politique budgétaire et fiscale restrictive. La confiance ne pourra vraiment se confirmer qu’au vu de la mise en œuvre effective de ces réformes. Il y va de la solvabilité de l’Italie. Mais tout cela est en suspens actuellement. La nouvelle crise politique grecque ravive la contagion.
Question 6 : Qu’en est-il de l’Espagne, de l’Irlande et du Portugal ? Ces pays sont-ils sur la bonne voie suite à leur de plan de rigueur ?
Ces trois pays ont été durement affectés par la crise. Leur situation est désormais bien meilleure. L’Irlande a obtenu des résultats probants, ce qui l’a fait sortir de la zone rouge. L’Espagne a pour sa part donné de vrais signes vigoureux de lutte contre la dette (elle a notamment inscrit la rigueur dans sa constitution, tout comme l’avait fait auparavant l’Allemagne). Pour le Portugal, c’est sans doute un peu plus compliqué compte tenu de la perte de compétitivité de ce pays depuis plusieurs années. Mais au total, les mesures d’austérité prises dans ces pays ont calmé la nervosité des marchés à leur égard. Comme pour les autres pays, cependant, les finances publiques ne pourront se rétablir durablement que si la croissance reprend, ce qui n’est pas acquis.
Question 7 : La tension sur le marché des taux français va-t-elle perdurer ?
L’écart de taux entre les obligations gouvernementales françaises et allemandes, qui avait récemment atteint un record depuis la création de l’euro, s’est réduit à l’issue du sommet du 26 octobre. La France n’en reste pas moins, parmi les pays notés AAA, l’un de ceux dont les finances publiques sont les plus précaires, ce qui expliquait la remontée des taux et des spreads suite à l’annonce d’un referendum en Grèce.
Les obligations françaises ont trois niveaux de faiblesse : la perception que l’effort de réduction du déficit est insuffisant, la poursuite de la dégradation de la croissance, un nouvel accès de fièvre sur l’ensemble des dettes publiques des pays les plus faibles de la zone euro. Rappelons que les efforts – et les résultats – doivent être menés maintenant : l’agence de notation Moody’s a donné trois mois à la France pour convaincre … la perspective de l’élection présidentielle n’est sans doute pas un facteur facilitant la rigueur budgétaire et fiscale … mais celle-ci est devenue inévitable.
Question 8 : Le secteur bancaire est-il hors de danger ?
Les banques sont au centre des préoccupations, en Europe bien sûr, mais aussi aux Etats-Unis (les CDS des banques américaines n’ont rien à envier à bon nombre de banques de la zone euro, et en Chine. Le sommet du 26 octobre avait clairement permis d’éloigner la perspective d’un choc systémique sur la dette européenne, ce qui enlevait une grande partie du stress à propos du secteur bancaire. Les recapitalisations annoncées devaient être de l’ordre de 106 Mds pour 70 banques, dont 100 Mds pour les grecques, 26 Mds pour les espagnoles, 15 Mds pour les italiennes et 8.8 Mds pour les françaises (selon la dernière étude officielle, les besoins étaient de 2.1 Mds pour BNPP, 3.4Mds pour BPCE, 3.3 Mds pour Société Générale. Seul le Groupe Crédit Agricole n’avait aucun besoin de recapitalisation). A noter que les banques risquent de subir l’effet du ralentissement économique ou même d’une récession en zone euro.
La décision de procéder à un referendum en Grèce remettait en cause les décisions du 26 octobre et les besoins de capitalisation. Il était alors question d’un défaut désordonné de la Grèce, et de forte contagion aux autres pays périphériques. La situation politique dans le pays n’est pas réglée, et le « scénario du pire » est de nouveau sur le devant de la scène.
Question 9 : Une récession en zone euro est elle réellement envisageable ? Quels seraient les impacts d’un tel scénario ?
Les marchés n’anticipent pas du tout une récession dure et longue, mais ils se sont faits à l’idée d’un ralentissement net de l’activité économique. Si une récession plus profonde devait arriver (ce n’est pas notre scénario central), la situation serait alors très difficile, notamment parce que les Etats périphériques et la France n’ont pratiquement pas de marges budgétaires pour mener des politiques de relance. L’arbitrage entre austérité budgétaire et relance économique serait sans aucun doute plus compliqué sur un plan purement politique, d’autant que se profilent des élections majeures en France en 2012, et plus tard en Allemagne. Les détonateurs d’une récession plus sévère sont d’une part l’enlisement de la crise de la dette en zone euro (pas de solution, pas de mise en place du plan du 26 octobre d’ici décembre), et un « credit crunch » d’autre part (les banques étant, dans un scénario d’enlisement, forcées de « deleverager » plus rapidement et plus fort).
Question 10 : Le risque d’un « Crédit Crunch » est-il envisageable ?
Il y a déjà des signes de contraction du crédit et les opérations de réduction du risque et du levier des banques ne sont pas de nature à rassurer sur ce point. Ceci dit, l’Europe s’efforce de faire en sorte que l’amélioration des ratios de solvabilité des banques se fasse en suivant des schémas qui évitent une réduction du volume des prêts. Néanmoins, dans un contexte économique difficile, la probabilité reste élevée que, dans le cadre de leur propre politique de maîtrise du risque, les banques restreignent leur production de crédit.
Question 11 : Quelles sont les conséquences pour les marchés de taux ?
Une solution durable à la crise de la dette euro permettrait une normalisation partielle des spreads de crédit souverains, et ce d’autant plus que dans l’univers du crédit, ces spreads sont bien plus élevés que les spreads du crédit corporatif. L’élimination du risque systémique permettrait une réduction sensible des spreads. La question qui se pose avec la plus grande acuité concerne en réalité les obligations souveraines de premier rang, Allemagne en tête. La surpondération des portefeuilles en bunds, le repli de l’aversion au risque, le repli du risque systémique sont autant de facteurs qui devraient pousser à la hausse, et de façon conséquente, le niveau des taux des valeurs refuge. Deux facteurs devraient néanmoins atténuer ce mouvement : d’une part les perspectives de baisses des taux directeurs en zone euro et le maintien de taux bas au niveau international ; et surtout, les perspectives de ralentissement marqué de la croissance économique de la zone. La remonté des taux longs et le repli des spreads souverains se trouveront de ce fait limités. En revanche, compte tenu des incertitudes liées à l’avenir de la Grèce, il est difficile de miser une résolution rapide de la crise. Les périphériques restent fragiles.
Question 12 : Quelles sont les conséquences pour les marchés d’actions ?
Marché actions : EurostoXX vs MSCI Grèce (100 en janvier 2007)
Le plan européen du 26 octobre avait redonné un coup de fouet aux marchés d’actions, financières en tête. Il faut dire que l’impact majeur avait été un repli généralisé du risque systémique. Les nouveaux développements en Grèce ont de nouveau activé ce risque, et c’est sans grande surprise que les actifs risqués ont repris le chemin de la baisse. La perspective d’un retrait de la Grèce de l’Union européenne est fortement négative pour l’économie grecque, mais elle enlève quand même un des facteurs importants de la crise. Le problème crucial – et l’enjeu des européens – reste la maîtrise de la contagion. Tant que les détails du plan européen ne sont pas plus clairs (notamment sur le dispositif anti-contagion), et que la situation politique de la Grèce reste aussi fragile, il nous semble bien difficile de renouer avec un véritable optimisme.
Question 13 : Quelles sont les conséquences pour les marchés des obligations « corporates » ?
Quatre facteurs ont jusqu’ici affecté le marché du crédit : le manque de visibilité dans la situation de la crise de la dette, la recherche de liquidité dans un environnement marqué par le risque systémique, la fuite vers la qualité (favorisant les Bunds et les US Treasuries en priorité), et la remontée de la volatilité (le plus généralement défavorable aux classes d’actifs dites « risquées » comme le crédit ou les actions). Le sommet européen avait permis de faire refluer le risque systémique, ce qui avait donné une bouffée d’oxygène aux marchés du crédit. Cela a été de courte durée. Trois raisons à cela :
- Les solutions à la crise ne sont pas encore finalisées (on en connaîtra les détails essentiels au fil des jours et semaines à venir);
- Les entreprises vont désormais devoir affronter le risque de récession dans un environnement de hausse des taux de défaut et de contraction du crédit;
- L’incertitude relative à la Grèce « pollue » encore davantage une situation déjà compliquée : perspective de possibles élections anticipées, avec, en point d’orgue le risque d’un défaut important voire d’anticipations de retrait de la Grèce de l’Union.
Le crédit à haut rendement, les ratings BBB et les dettes seniors des financières restent néanmoins attractives en termes de valorisation, tandis que les ABS (ceux qui sont bien notés) tirent très bien leur épingle du jeu dans le climat actuel, une performance sous bien des aspects assez remarquable.
Question 14 : Quelles sont les conséquences pour les marchés de change ?
L’assombrissement de la situation politique en zone euro n’est évidemment pas une 1.15 bonne nouvelle pour l’euro, notamment contre dollar US. On se souvient que la devise européenne avait bien tenu le choc jusqu’à l’été, de façon un peu surprenante. La perspective de baisses des taux de la part de la BCE avait finalement entraîné un repli, somme toute assez limité compte tenu de la bouffée d’oxygène donnée par le sommet européen du 26 octobre. Le climat ambiant, le retour des incertitudes et des craintes de risque systémique nous incitent plutôt à prévoir un fléchissement d’ici à la fin de l’année.
Question 15 : Quelles sont les prochaines étapes à suivre ?
Le G20 des 3 et 4 novembre devait confirmer la participation des pays émergents au dispositif de renforcement du FESF. Durant les semaines à venir seront également développés et présentés tous les aspects techniques permettant au FESF d’augmenter sa « force de frappe ». Bien évidemment, on suivra également avec beaucoup d’attention les développements de la situation politique en Grèce : survie politique de G. Papandreou, formation d’un gouvernement de coalition, risque d’élections anticipées, maintien de la Grèce dans l’Union Européenne.