par Jean-Luc Proutat, économiste chez BNP Paribas
En 2011, le solde du commerce extérieur en marchandises de la France sera déficitaire de 75 milliards d’euros environ1, un record en termes absolus comme en regard du PIB (3,7%). L’envolée de la facture énergétique – elle a doublé depuis le début de années 2000, pour s’afficher à une soixantaine de milliards d’euros en 2011 – contribue à ce mauvais résultat.
Mais elle n’explique pas tout. Le creusement du déficit commercial est, en fait, régulier depuis huit ans, les derniers excédents remontant à 2003 (cf. encadré ci-contre). Il est observé dans tous les secteurs, à l’exception des fers de lance traditionnels que sont les industries agricoles et agroalimentaires (IAA), l’aéronautique et le spatial ainsi que la pharmacie et les cosmétiques. Les autres postes ont basculé dans le rouge.
Ainsi l’industrie manufacturière hors IAA contribue-t-elle davantage que l’énergie à la détérioration de la balance commerciale depuis huit ans. Elle affiche un déficit d’une trentaine de milliards d’euros en 2010, l’essentiel provenant des échanges de biens d’équipement (équipements mécaniques, matériel électrique, électronique et informatique…). Le solde des échanges d’automobiles, longtemps excédentaire, s’inverse lui aussi, à partir de 2008.
L’affaiblissement des positions commerciales n’est pas seulement sectoriel mais aussi géographique. Ainsi, si les échanges avec la Chine sont déficitaires (de 28 milliards d’euros en 2010), ceux avec la zone euro (Allemagne en tête) le sont davantage encore. Un constat qui invite à relativiser la responsabilité de l’euro fort (ou du yuan faible…) comme du pétrole cher dans l’évolution de la balance commerciale de la France. L’hexagone conserve, en revanche, des positions solides vis-à-vis de ses partenaires d’Afrique et du Moyen-Orient.
En balance des paiements, le déficit des échanges de biens (52 milliards d’euros en 2010 en données FAB, franco à bord) est en partie compensé par l’excédent des échanges de services (10 milliards d’euros en 2010) ainsi que par les revenus nets tirés des investissements directs à l’étranger (IDE). Les transferts courants (versements aux institutions internationales, envois de fonds des travailleurs, etc.) sont déficitaires. Au total la balance courante de la France accuse un déficit d’une trentaine de milliards d’euros en 2010. Celui-ci n’est pas compensé par les IDE nets, déficitaires de 38 milliards d’euros (la France investit plus à l’étranger que l’étranger en France…). L’équilibre de la balance des paiements est donc essentiellement assuré par l’endettement net auprès du reste du monde. Dans son analyse annuelle, la Banque de France indique que la moitié des titres de dette achetés hors de nos frontières en 2010 furent émis par les administrations publiques.
NOTE
- Le déficit cumulé FAB-FAB sur les 9 premiers mois de 2011 ressort à 72,2 milliards d’euros (données CVS).
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