par Klaus Wiener, directeur de la recherche économique chez Generali Investments
- Après deux mois de très fortes pressions, les marchés ont enfin vu poindre une éclaircie en octobre.
- Deux facteurs ont été décisifs : premièrement, les statistiques macroéconomiques en provenance des États-Unis ont atténué les craintes de voir le pays renouer avec la récession et, deuxièmement, les investisseurs ont misé sur une avancée probante en vue d'une résolution de la crise dans la zone euro.
- Nous convenons d’une amélioration sur ces deux fronts. C'est pourquoi nous recommandons d'accroître légèrement le niveau d'exposition aux actifs risqués. Pour autant, compte tenu des solides progressions déjà observées et des risques entourant la mise en œuvre de l'accord entériné lors du sommet européen, nous ne relevons notre positionnement qu'à neutre.
En octobre, les marchés financiers ont enfin retrouvé le chemin de la hausse, les craintes d'une récession mondiale s'étant quelque peu dissipées à la faveur de plusieurs éléments encourageants : les solides statistiques macroéconomiques publiées outre-Atlantique , l'amélioration de l'indice PMI en Chine, qui a franchi le seuil critique des 50 points pour la première fois en trois mois et le pas en avant décisif (de plus en plus anticipé par les marchés) vers une solution à la crise du crédit en Zone Euro. Sur ce dernier point, tous les yeux étaient tournés vers le sommet européen de la fin octobre dont l'issue, avaient annoncé Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, allait prendre la forme d'un vaste et exhaustif plan de sauvetage. Cet espoir a permis aux marchés actions d’enregistrer des gains sensibles.
Depuis leurs points bas du début du mois d'octobre, les indices S&P 500 et MSCI EMU se sont appréciés de, respectivement, 16,9% et 18,5%. De même, les rendements des obligations d’État ont gagné du terrain dans le sillage du renforcement de l'appétit pour le risque. Par rapport à leurs niveaux planchers de la fin septembre, les rendements du bon du Trésor américain et du Bund allemand à 10 ans ont ainsi augmenté de, respectivement, 58 pb et 51 pb.
En novembre, nous pensons que l'amélioration de l'environnement général devrait empêcher de nouvelles et lourdes corrections. En effet, si les résultats du sommet européen de la fin octobre peuvent ne pas paraître audacieux, ils constituent toutefois un indéniable pas dans la bonne direction. Outre les mesures visant à parer au plus pressé concernant la dette grecque, la recapitalisation des banques et le renforcement de la force de frappe du FESF, nous considérons comme positifs les progrès faits sur le front de la gouvernance, et en particulier l'ambition de voir les 17 pays membres de la Zone Euro inscrire dans leur Constitution une règle limitant l’endettement et les déficits.
Des zones d'ombre subsistent
Pour autant, des risques subsistent, ce dont ne manquent pas de témoigner les rendements des obligations d'État des pays fortement endettés de la Zone Euro. Par exemple, le rendement du BTP italien à 10 ans s'est à nouveau hissé à plus de 6%. De même, bien qu'inférieur au niveau maximum de 120 pb qui avait été le sien à la fin octobre, l'écart entre le rendement de l'OAT et du Bund est toujours supérieur à 100 pb du fait de la menace persistante d'une dégradation de la note de la dette française.
Le manque de détails concernant le montant de la dette grecque sur lequel les investisseurs privés vont devoir faire l'impasse demeure une source de préoccupation. De plus, même en tenant compte d’une décote de 50% dont il a été convenu pour le secteur privé, la dette du pays ne serait ainsi ramenée qu'à 120% du PIB d'ici 2020, un niveau qu'il est difficile de considérer comme peu élevé. En outre, ce ratio ne pourra être atteint qu'avec une implication pleine et entière du secteur privé. Dans le même esprit, le FESF pourra désormais agir comme un « rehausseur de crédit » pour les obligations nouvellement émises par les États membres de l'UEM et un SPV (« Special Purpose Vehicle ») va être créé afin d'inciter les pays non européens à acheter de la dette de la Zone Euro.
Toutefois, il n’est pas certain qu’une garantie à hauteur de 20% à 25% de la valeur nominale des nouvelles obligations sera suffisante pour susciter auprès des investisseurs un regain d'intérêt pour la dette des pays périphériques. Une approche plus prometteuse nous semble être celle du SPV dans la mesure où ce véhicule de financement ad hoc offre aux pays à plus forte croissance du G20 une occasion de mettre en évidence leur importance accrue sur la scène économique mondiale. Enfin, le plan visant à lutter contre les difficultés de financement (à terme) des banques est incontestablement positif de notre point de vue.
Toutefois, le montant avancé de 106 milliards d'euros pour la recapitalisation des établissements bancaires se situe en bas de la fourchette prévue par les investisseurs et nous doutons que toutes les banques soient à même de se refinancer elles-mêmes sur les marchés. Il existe un risque de voir certaines grandes banques préférer opter pour une réduction de leur bilan, ce qui pourrait nuire à une croissance du crédit déjà poussive.
Au final, l'engagement des gouvernements à remettre de l'ordre dans leurs finances publiques et à engager des réformes structurelles sera déterminant. Les marchés se rendent compte des progrès faits par l'Europe, mais la responsabilité des politiques budgétaires demeurant en grande partie entre les mains des dirigeants politiques nationaux, ces mesures se doivent donc d'aller de paire avec des engagements fermes de réduction des déficits et d'amélioration de la compétitivité. Et c'est précisément à cet égard que nous entrevoyons certains risques de mise en œuvre. Enfin, dans la mesure où les marchés actions ont déjà très fortement rebondi en prévision du sommet européen, nous n'avons revu notre allocation que très modestement vis-à-vis des actifs risqués, d’une sous-pondération à un niveau neutre.