Rigueur française : à quand le prochain acte ?

par Camille de Williencourt, économiste chez Natixis

L’austérité s’accélère en France. Après l’effort de maîtrise des dépenses annoncé dans le PLF 2011 (avec l’adoption des normes « zéro-valeur », hors intérêts et pensions, et « zéro-volume » sur l’ensemble des dépenses), complété dans l’urgence par une coupe dans les niches fiscales cette été, voila que le gouvernement ajoute un volet supplémentaire de 7 Mds d’euros d’économies pour 2012, en donnant également un aperçu de la trajectoire de l’effort prévu jusqu’à 2016.

Le signal donné est inhabituel, à six mois d’une échéance présidentielle. Alors que la fébrilité des investisseurs installe les dirigeants politiques trop allusifs sur des sièges éjectables (Berlusconi en fait les frais), le gouvernement français semble avant tout vouloir s’afficher comme réactif et volontariste, en assurant que la consolidation de la trajectoire budgétaire passe avant toute considération électoraliste.

Malgré cette apparente prise de responsabilité, l’annonce du plan indique plutôt que le gouvernement est une fois de plus au pied du mur. La dégradation des perspectives de croissance pour 2012 ne laisse en effet peu d’autre choix que celui de la rigueur. Alors que la prévision officielle pour 2012 était encore à 2,25% avant le 24 août dernier, le gouvernement à été contraint d’abaisser cette dernière à 1%, entraînant une érosion des perspectives de recettes fiscales.

C’est donc un nouveau plan de près de 7 Mds d’euros d’économie pour 2012 (17 Mds en 2016) qui aura été annoncé cette semaine. Ajouté aux mesures inscrites dans les deux derniers PLF (2011 et 2012), l’effort total s’élèverait à près de 115 Mds en 2016, permettant d’atteindre l’équilibre budgétaire à cet horizon. Si cet effort pèse pour moitié sur la rationalisation des dépenses de l’Etat, les ménages sont loin d’être épargnés. Néanmoins, les mesures annoncées semblent refléter la volonté du gouvernement d’introduire une plus grande progressivité dans l’architecture de la fiscalité (hausse des taxes sur les revenus du patrimoine et des titres de participation, contribution exceptionnelle des très hauts revenus, PTZ+ soumis à un plafond de ressources, etc.). 

L’évolution vers une plus grande « justice fiscale », selon les mots du gouvernement, concerne également les grandes entreprises, qui sont mises à contribution (rehaussement du taux d’IS, limitation du report des bénéfices, etc.). Pourtant, le pouvoir d’achat des ménages –tous revenus confondus– devrait être érodé de façon substantielle (notamment via la hausse de la TVA, ou la désindexation des prestations familiales et aides au logement). Les mesures annoncées ne peuvent donc que brider davantage une consommation déjà mal orientée.

Une fois encore, c’est donc sur la prévision de croissance que le bât blesse. Faisant acte de la nécessité d’apparaître crédible sur ce point, le gouvernement s’est approché de la prévision du consensus (à +0,9% avant l’annonce du plan), initiative qui ne peut être que saluée. Mais il semble encore une fois avoir un train de retard, en oubliant les effets du plan lui-même sur l’activité ! Après intégration de l’impact des mesures, nous anticipons pour notre part une croissance de 0,5% en 2012, soit deux fois moins que la prévision gouvernementale… L’effort nécessaire pour atteindre l’objectif de déficit pour 2012 est ainsi selon nous près de deux fois plus important que celui annoncé. D’où l’émergence d’une question qui pourrait devenir lancinante : à quand le prochain plan d’austérité ?

Outre la critique portant sur la prévision sous-jacente de croissance, on peut s’interroger sur l’effet d’annonce d’un tel plan. Comme le reflète la hausse des taux souverains après l’annonce des mesures, les investisseurs sont d’ailleurs défiants vis-à-vis d’un plan fondé sur une perspective de croissance optimiste et sur un balisage de l’effort qui pourrait bien être remis en cause par un changement de majorité.

Qui plus est, les inquiétudes des investisseurs ne portent pas uniquement sur l’état des finances publiques du pays. Le creusement de l’endettement extérieur, dû au déclin de la compétitivité et à la désindustrialisation progressive de l’économie depuis 10 ans, représente également un volet important de la fragilité des fondamentaux économiques français. Tandis que la quasi intégralité des dépenses de l’Etat est épluchée en détail, l’endettement des autres agents économiques ne doit pas être négligé.

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