par Philippe Waechter, directeur de la recherche économique de Natixis Asset Management
Dans la recomposition et la reconstruction qui devront se mettre en place au cours de l'année 2009, l'économie globale devra faire face à 3 défis majeurs. Ils s'inscrivent dans la suite des dysfonctionnements constatés au cours de l'année qui s'achève. Une année qui a été caractérisée par des ruptures importantes, tant sur les comportements financiers que sur la perception des indicateurs économiques.
Le premier défi de 2009 sera celui de l'emploi
Au cours de la première partie de l'année 2008, les indicateurs économiques ont reflété une nette inflexion conjoncturelle.
En fonction de la vitesse de l'ajustement de l'emploi à l'activité, les mouvements ont été plus ou moins marqués sur le marché du travail. Sur le premier semestre 2008, aux Etats-Unis, la baisse de l'emploi était d'ampleur limitée. En Allemagne, les conditions sur le marché du travail restaient satisfaisantes, alors qu'en France, les chefs d'entreprise étaient déjà inquiets. Ainsi, dès le deuxième trimestre 2008, les données sur l'emploi y étaient en repli, notamment sur les emplois les plus précaires (comme l'intérim ou les contrats à durée déterminée).
Ces indications sur la France traduisaient davantage une interrogation sur l'avenir qu'un pessimisme tangible.
Un changement radical s'est opéré depuis le début de l'automne 2008. Les indicateurs d'activité se sont repliés très profondément et très brutalement. Cette rupture ne s'est pourtant pas traduite de la même façon partout sur le marché du travail. Aux Etats-Unis, où le marché est plutôt flexible, on a constaté un net changement de tendance à partir septembre 2008 : le nombre de suppressions d'emplois s'est rapidement accru pour avoisiner les 500 000, en moyenne, par mois. En Allemagne, les ruptures constatées sur les indicateurs issus des enquêtes IFO, Zew ou PMI, n'ont pas engendré, dans les faits, de brusque changement de tendance.
On a seulement pu noter une légère recrudescence du nombre de chômeurs en décembre, phénomène inédit depuis de nombreux mois. Et si le mouvement sur le marché du travail s'est simultanément accentué en France, cela s’est fait sans rupture.
Durant les premiers mois de l'année 2009, il faudra donc observer attentivement l'ajustement de l'emploi à la rupture profonde constatée sur les indicateurs d'activité. Tout au long du premier semestre, l'ajustement plus lent du marché du travail se traduira certainement par une réduction de l'emploi en vue d’une meilleure adéquation entre le niveau d'activité et celui de l'emploi. Et on peut imaginer un comportement similaire concernant l'investissement des entreprises qui sera en recul. En conséquence, la demande interne devrait rester médiocre.
Le deuxième défi de l’année 2009 sera celui des échanges
Depuis l'automne 2008, un repli important est venu marquer les exportations. De nombreux pays, généralement très actifs dans les échanges internationaux, ont rapidement constaté cette dégradation des débouchés. C‘est le cas aux Etats-Unis depuis la rentrée de septembre où, mois après mois, les exportations se tarissent.
En Allemagne, les chiffres d'exportation ont baissé de plus de 10 % en novembre 2008. Ces statistiques pourraient être multipliées car cet affaiblissement des exportations affecte aussi la France, la Corée ou encore Taïwan. La Chine n'est pas épargnée : elle a déjà vu ses exportations se replier (en variation sur un an) au cours des mois de novembre et décembre 2008.
La contraction des échanges est généralisée et traduit une réduction significative de l'activité. Une telle situation est préoccupante à deux niveaux qui sont en étroite interconnexion :
- Au niveau de l’activité : la réduction de l'activité qui a été manifeste au dernier trimestre 2008 caractérisera aussi le premier, voire le deuxième trimestre de l'année 2009, accentuant alors les risques de déflation.
- Au niveau de la demande : la contraction de celle-ci se traduira par une nette réduction des tensions nominales que pourrait venir alimenter la situation de l'économie chinoise.
La dynamique de sa demande interne s'est en effet réduite : un phénomène qui s'observe via la forte baisse des exportations coréennes et taïwanaises vers la Chine. Dès lors, cela signifie que de nouvelles capacités de production sont disponibles pour exporter à des prix très bas. Et ce phénomène qui avait alimenté la désinflation pourrait venir augmenter les risques de déflation. Ce point est très préoccupant.
Les deux premiers défis évoqués pour l'année 2009 soulignent la fragilité qui va caractériser, notamment, les pays industrialisés dans les prochains mois.
Une fragilité qui justifie la mise en place de plans de soutien à l'activité de grande envergure. En fait, ces plans n'ont pas l'ambition d'inverser la tendance, mais cherchent principalement à limiter l'ampleur de la récession et à circonscrire la dérive des chiffres du chômage. Cette leçon de réalisme de la part des gouvernements traduit aussi l'incapacité des économies à converger vers leur croissance de long terme de façon endogène. Il faut une aide extérieure pour tenter d'y parvenir. L’obligation d'intervenir est cependant réelle car la politique monétaire est déjà sur des niveaux de taux non contraignants, notamment aux Etats-Unis où ils sont très proches de zéro.
Le troisième et dernier défi est financier
Les gouvernements doivent faire face à des situations tout-à-fait particulières, notamment sur la question des banques. Celles-ci ont reçu d'importants subsides gouvernementaux sous des formes diverses qui vont de la prise de participation à la dette subordonnée. Cependant, ces mesures ont été insuffisantes, notamment dans les pays anglo-saxons où les banques restent fragiles et sont toujours en difficulté. De plus, une ambiguïté importante émerge entre les gouvernements qui souhaitent voir les banques distribuer du crédit à grande échelle en contrepartie d'aides financières importantes (ce qui pourrait éventuellement favoriser une sortie plus rapide de la crise) et les banques, qui évoluent dans un environnement économique et financier chaotique et incertain.
Le problème réside dans le fait que ce manque de coordination et de convergence entre les objectifs des différents gouvernements, mais aussi des objectifs des gouvernements vis-à-vis de ceux des banques, se traduit par des inefficacités. Cela oblige à s'interroger sur les moyens et le cadre que les gouvernements mettront en place pour faire fonctionner de nouveau et durablement le crédit bancaire.
A court terme, le bon fonctionnement des banques passe par l'intervention de l'Etat. Cela se traduit soit par le financement des créances « toxiques » (ce qui est envisagé aux Etats-Unis), soit par des prises de participations majoritaires, comme c'est le cas en Angleterre.
Quelle que soit la configuration, l'Etat doit imposer de nouvelles règles pour assainir le système bancaire. Ce dernier doit redevenir efficient et être à nouveau un fondement sur lequel la croissance pourra s'appuyer.