France : ne pas trop attendre de la désinflation

par Marie-Pierre Ripert, économiste chez Natixis

Après le choc « matières premières » du premier semestre 2011, la stabilisation, voire la baisse du prix de certaines matières premières suggérait un fort mouvement de désinflation dans la plupart des pays à partir de l’automne. La baisse attendue de l’inflation, permettant une progression du pouvoir d’achat, était d’ailleurs l’un des seuls facteurs positifs, dans le flot de mauvaises nouvelles.

Cependant, le mouvement de désinflation pourrait être moins marqué qu’attendu dans certains pays, voire ne pas avoir lieu du tout ! Aux Etats-Unis, on anticipe toujours une forte baisse de l’inflation qui passerait de 3,2% en moyenne en 2011 à 2% en 2012 : stabilisation du prix du pétrole et des matières premières ; appréciation du taux de change effectif ; modération des salaires et taux de chômage très élevé. L’inflation a par ailleurs bien baissé dans certains pays émergents (Chine, Brésil…). En zone euro, si la hausse du prix du pétrole du premier semestre 2011 a été limitée par l’appréciation de l’euro à la même époque, la dépréciation du taux de change de l’euro a désormais un impact haussier sur les prix des produits importés. L’inflation passerait de 2,7% en moyenne en 2011 à 2,4% en 2012.

L’inflation française n’a que modérément progressé en 2011, commençant l’année à 1,8% pour la finir à 2,5% en décembre. En moyenne elle sera passée de 1,5% en 2010 à 2,1% en 2011. L’effet direct de la hausse du prix des matières premières explique une grande partie de l’augmentation des prix : le prix de l’énergie a progressé de 12,3% en moyenne sur l’année et le prix de l’alimentation de 2,3%. Au-delà de cet effet direct, il est intéressant de noter une accélération des prix de certains biens manufacturés au cours de l’année, l’habillement par exemple, reflétant une transmission de la hausse du renchérissement des matières premières dans les produits finis.

L’inflation sous-jacente (hors énergie et alimentation) est passée de 0,7% en début d’année à 1,8% en décembre. Pour autant, comme nous l’avons souvent mis en avant, les effets de second tour, passant par une hausse des salaires ont été inexistants, les salaires progressant modérément en 2011 (proche de 2%).

Quels vont être les déterminants de l’inflation française en 2012 ?

Concernant les facteurs exogènes, notre scénario retient une stabilisation du prix du pétrole et des matières premières en 2012 donc peu d’effet sur l’inflation. On devrait en conséquence voir les hausses passées du prix des matières premières « sortir » du taux d’inflation.

Pour autant, plusieurs facteurs vont vraisemblablement compenser ce mouvement de désinflation « naturel ». Après avoir permis de limiter la hausse des prix au S1-2011, le taux de change va devenir un facteur pénalisant. En effet, la dépréciation de l’euro, qui a déjà commencé, va très probablement se poursuivre au premier semestre 2012 : si elle est positive pour les exportateurs permettant une amélioration de la compétitivité, elle renchérit les produits importés. Il semble que la hausse de la TVA (qui concernait jusqu’à présent les produits à taux réduit (de 5,5% à 7%) hors alimentaires et énergie) va être étendue au taux normal dans un projet de mise en place de TVA sociale. On ne sait pas, à ce stade, quelle sera l’ampleur de la hausse décidée.

Mécaniquement, augmenter la TVA de 1 pt (de 19,6% à 20,6%) aurait un impact de 0,6% sur l’inflation (70% du panier) si la hausse est totalement transmise au consommateur. Pour autant, lors des hausses passées (2pts en 1995 de 18,6% à 20,6%), l’augmentation n’avait pas été complètement répercutée, les entreprises adaptant leur comportement de marges.

Au-delà de ces facteurs, les déterminants endogènes de l’inflation, en particulier l’évolution des coûts salariaux unitaires, pourraient avoir un léger effet haussier en 2012. Si les salaires ne progresseront que modérément cette année, le cycle de productivité (décalage entre la baisse de l’activité et celle de l’emploi) conduirait à une hausse des coûts salariaux unitaires en première partie d’année.

Au total, le risque d’avoir une inflation française plus élevée en 2012 que le 1,7% prévu par le consensus est élevé. Ainsi, point de salut pour les ménages français au premier semestre : faiblesse de l’emploi et des salaires ; austérité budgétaire ; et finalement une inflation encore proche de 2%. Il faudra probablement attendre la fin d’année 2012 pour assister à une désinflation marquée en France.

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