Nouvelle réforme du système financier espagnol

par Jesus Castillo, économiste chez Natixis

Le système financier espagnol souffre de la défiance des investisseurs vis-à-vis de la dette souveraine du Royaume, des mauvaises perspectives de croissance et des conséquences de son exposition à l’immobilier local. Pour renforcer la résistance du système, une nouvelle réforme vise à augmenter les provisions liées à la détention d’actifs immobiliers et prévenir du risque sur les promoteurs. Cette réforme incite par ailleurs fortement à une nouvelle vague de consolidation entre les entités les plus fragiles. Nous en détaillons ici les mesures.

De nouvelles mesures légales viennent compléter le dispositif visant à restructurer le secteur bancaire espagnol. Après avoir créé le FROB (Fonds pour la Restructuration Ordonnée du secteur Bancaire) en juin 2009, puis avoir modifié la loi réglementant les caisses d’épargne (Cajas de Ahorros) et accéléré le processus de fusion (de 45 entités à 15 aujourd’hui), pour enfin augmenter les exigences minimales des ratios de capitaux propres, cette nouvelle réforme vise à assainir le bilan des institutions financières espagnoles. En effet, les banques espagnoles doivent faire face aux conséquences de l’éclatement de la bulle immobilière sur leur marché domestique dans un contexte de défiance vis-à-vis des titres espagnols tant publics que privés.

Quelle est l’ampleur du problème ?

Pendant la période qui a précédé la crise, les banques espagnoles (plus particulièrement les Cajas d’Ahorros) ont accumulé 323 mds € d’exposition au secteur immobilier. La Banque d’Espagne estime qu’il y a environ 175 mds € d’actifs « problématiques1 » (soit environ 6% de l’actif) dans le bilan des banques et 148 mds en situation normale (avec un risque réduit de défaut de paiement).

L’éclatement de la bulle immobilière s’est traduit par une forte dépréciation de cette classe d’actifs et une forte remontée des taux de défaut.

L’objectif principal de la réforme est de restaurer la confiance des marchés sur la situation financière des banques avec une forte incitation à assainir les bilans en réduisant le poids des actifs immobiliers (sols / terrains, promotions immobilières en cours de construction, logements terminés).

Les nouvelles mesures s’articulent autour de trois outils :

  • des provisions spécifiques à hauteur de 25 mds € pour tenir compte des pertes potentielles liées aux actifs problématiques, et particulièrement les sols à urbaniser ;
  • du capital additionnel à hauteur de 15 mds € pour faire face aux incertitudes liées à la valeur des actifs problématiques ;
  • des provisions générales à hauteur de 10 mds € pour prendre en considération de futurs glissements des actifs « non-problématiques » vers la catégorie « problématique ».

Au total, les nouvelles mesures prises doivent permettre d’augmenter de 50 mds € la couverture des actifs problématiques. Celle-ci passerait de 105 mds actuellement à 155 mds.

Le calendrier prévoit que les institutions financières devront présenter leur stratégie à la Banque d’Espagne avant le 31 mars 2012 et satisfaire les nouvelles exigences d’ici le 31 décembre 2012, à moins qu’elles entament un processus de fusion, auquel cas elles disposeraient de 12 mois supplémentaires. Néanmoins en cas de fusions, la nouvelle entité créée devra avoir un total de bilan supérieur d’au moins 20% à celui de l’entité ayant le bilan le plus élevé avant fusion. L’objectif est donc de poursuivre la concentration du secteur financier espagnol.

Le FROB pourra injecter des capitaux pour accompagner ce processus en achetant des actions des institutions financières (celles-ci devront être vendues dans les 3 ans) et dans le cas de fusions, il pourra faciliter des fonds via des titres convertibles (au bout de cinq ans). Enfin, le capital du FROB initialement de 9 mds € sera porté à 15 mds €. Cette dernière augmentation sera sans effet sur le déficit public mais augmentera le ratio de dette publique de 0,8% PIB.

NOTES

  1. Prêts douteux : prêts en retard de paiement de plus de 90 jours, ou dans des secteurs ou activités où il est raisonnable d’avoir des doutes quant au remboursement à échéance. Prêt « substandard » : prêts montrant des fragilités associés au fait qu’ils appartiennent à un groupe d’actifs ou un secteur d’activité dont la fragilité est évidente bien qu’ils ne soient pas encore classifiés en prêts douteux. Actifs saisis : Biens immobiliers saisis par les banques (sols, promotions en cours, logements terminés).

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