par Philippe d’Arvisenet, Chef économiste de BNP Paribas
Avec la révision en hausse de la progression du PIB, de 2,8% à 3% en rythme annualisé au dernier trimestre (1,8% au 3e trimestre et 0,7% au 1er semestre). La croissance est ressortie à 1,7% en 2011.
Les indicateurs récemment rendus publics, sans aucunement remettre en question la poursuite de la reprise, ont véhiculé un message mitigé. La croissance du premier trimestre serait ainsi limitée à 1,8%. Compte tenu d’un acquis de 0,9%, nous anticipons une croissance de 2,3% en 2012.
La production industrielle, en hausse de 3,4% en glissement annuel, a marqué une pause en janvier (0%) après une augmentation de 1% en décembre. Le degré d’utilisation des capacités de production est resté inchangé à 78,6%. En réalité, la clémence du climat a conduit à une contraction dans le secteur de l’énergie. En revanche, la production d’équipements a été soutenue avec une progression de 1,8% en janvier, le 9e mois consécutif de hausse (10,9% en glissement annuel) dont 2,2% pour les machines et 1,4% pour l’électronique. La production de biens de consommation a, en revanche, reculé de 0,1% (progressant de 0,6% en glissement), se déclinant en une augmentation de 3,8% pour les biens durables et en un repli de 1,2% pour les autres biens.
Après deux mois de hausse très sensible, les commandes de biens durables ont cédé 3,7% après +3,3% et +4,2% respectivement en décembre et novembre. Le tassement a été plus marqué encore pour les biens d’équipement hors avions et matériel de défense (-3,9% après +3,5% et -1,5%). En rythme annualisé sur trois mois, le recul est de 2,7%, la première baisse depuis juin 2009.
L’ISM manufacturier suggère, pour sa part, une certaine décélération, à 52,4 en février après 54,1 et 53,1. Le recul touche aussi bien la composante production (55,3 après 55,7 et 58,9) que les nouvelles commandes (54,9 après 57,6). Seules les commandes à l’exportation se redressent, à 59,5 en affichant une hausse de 9,5 points en quatre mois. Sans nul doute, la confiance s’est trouvée affectée par la flambée des prix du pétrole, l’indice prix de l’ISM (à 61,5) a connu une progression de quelque 20,5 points depuis octobre dernier.
En dépit de ce tassement, l’indicateur reste inscrit bien au-dessus de la frontière des 50 qui sépare expansion et contraction de l’activité. Par ailleurs, la situation des entreprises a continué à se redresser, les profits non distribués atteignent un point haut historique à 11,9% du PIB au quatrième trimestre 2011.
Alors que le consensus attendait un léger repli, l’ISM manufacturier a, en revanche, augmenté, passant de 56,8 à 57,3, un niveau compatible avec une activité soutenue.
En termes réels, les dépenses de consommation sont restées stables de novembre à janvier, ce qui a conduit à attendre une progression modeste de la demande des ménages au premier trimestre 2012.
La confiance des ménages s’est redressée. L’indice du Conference Board publié fin février s’est établi à 70,8 au plus haut niveau depuis un an, contre 60,5 en moyenne les trois mois précédents. L’embellie touche aussi bien la perception de la situation présente (45 après 41,2 en moyenne les trois mois précédents, que les anticipations (88 contre 73,4)). Elle tient d’abord à l’amélioration des conditions sur le marché du travail : le solde des réponses entre ceux qui considèrent que les emplois sont abondants et ceux qui déclarent qu’il est difficile de trouver un emploi-, est revenu de -36,5 en moyenne de novembre à janvier à -32,1 le mois dernier. En conséquence directe, les rémunérations ont vu leur progression s’améliorer (4,3% en rythme annualisé sur la période de trois mois s’achevant en janvier, 5,3% pour le seul secteur privé). La reconduction de l’allègement des cotisations sociales et l’extension de la durée des prestations chômage jusqu’à la fin de l’année constituent également un facteur positif. Enfin, cette amélioration de la confiance est également liée au redressement de la Bourse (8% pour le S&P 500 sur les deux premiers mois de l’année). Seule ombre au tableau, la hausse des prix des carburants qui pourrait bien, si elle persiste, fragiliser cette amélioration de la confiance.
Le secteur immobilier, on le sait, a connu une véritable dépression, les dépenses de constructions résidentielles ont chuté de quelque 65% de 2006 à 2009. Au cours des deux années suivantes, l’activité a stagné. Dans les derniers mois cependant, le marasme a fait place à quelques signes d’embellie. Du côté des ventes de logements neufs, les statistiques ont été contrastées avec un recul de 0,9% en janvier. Toutefois, les stocks se sont considérablement allégés de l’ordre de 150 000 contre plus de 500 000 en 2007. En ce qui concerne les maisons anciennes, en revanche, c’est une hausse de 3,8% qui a été observée. Les mises en chantier ont augmenté de 1,5% pour atteindre 699 000, au plus haut depuis la faillite de Lehman. Les demandes de permis de construire affichent un dynamisme croissant: la progression, lissée sur trois mois, était de 9,1% en janvier, permettant à cette mesure d’afficher un plus haut depuis 2008. La baisse des prix perdure (-3,8% en décembre en glissement annuel pour l’indice Case-Shiller des vingt premières agglomérations), un rythme bien moins élevé toutefois que les -18,8% observés courant 2009. Au cours des dernières années, la baisse des taux d’intérêt conjuguée au recul des prix a conduit à un redressement conséquent de la capacité des ménages à accéder à la propriété (Affordability index). Il reste qu’une proportion importante des ménages rencontrent des difficultés pour, à la fois, dégager un apport personnel suffisant, et nombre d’entre eux sont dépourvus de l’historique de crédits nécessaire pour accéder à l’endettement hypothécaire même si les banques indiquent un assouplissement de leurs conditions1. Le taux de défaillance et saisies s’est quelque peu replié dans la période récente (de 7,99% à 7,58% au 4e trimestre 2011), il demeure néanmoins ancré à un niveau historiquement élevé. La Fed anticipe, par ailleurs, une poussée du nombre des saisies de 800 000 en 2011 à 1 000 000 en 2012 et 2013.
– Inflation et politique monétaire
L’inflation a poursuivi sa décélération, revenant à 2,9% en janvier après 3% et 3,5% les mois précédents. L’inflation sous-jacente a, en revanche, légèrement augmenté, passant de 2,2% à 2,3%, une évolution bien difficilement extrapolable compte tenu de la persistance d’un chômage élevé, d’un taux d’emploi qui reste inférieur de 5,2 points à celui observé avant la crise et surtout d’une durée médiane du chômage élevée (à 21,1 semaines en janvier) restée inchangée depuis 2010. Ainsi, en moyenne annualisée sur trois mois, le ralentissement de l’inflation est marqué aussi bien pour l’indice général (+1% en janvier contre +2,9% en août) que pour l’indice sous-jacent (+1,9% contre +2,8%).
Le FOMC anticipe une inflation revenant au- dessous de la barre de 2% (1,4% -1,8%) compatible avec son objectif. Par ailleurs, les anticipations sont restées bien ancrées.
La dernière enquête de la Fed auprès des établissements de crédit (Senior Loan Officer Opinion Survey) montre que la proportion des banques faisant état d’un resserrement des conditions s’est stabilisée2. Ces dernières sont plus nombreuses à resserrer leurs marges, surtout pour les entreprises grandes et moyennes, signalant une plus grande confiance dans la signature de leurs emprunteurs et sur le coût de leurs ressources3. Cela s’accompagne d’un redressement de la demande de crédit, toutes tailles d’entreprises confondues4.
La Fed, à l’occasion de la dernière réunion de son Comité de politique monétaire, a réaffirmé le maintien du caractère très accommodant de sa politique. La perspective de taux maintenus à leur niveau extrêmement bas a été repoussée de mi-2013 à la fin 2014 au plus tôt, les anticipations de croissance du FOMC s’inscrivent dans une fourchette 2,2-2,7% pour 2012.
L’accélération par rapport à 2011 met la progression du PIB en ligne avec la croissance potentielle, ce qui reste insuffisant pour assurer un recul sensible du chômage. Se fondant sur les conséquences de la crise de la dette souveraine en Europe, le Comité a souligné la présence de risques baissiers pour la croissance. Même si B. Bernanke ne l’a pas évoquée à l’occasion de son dernier discours semestriel au Congrès, la perspective d’un QE3 ne doit pas être totalement écartée, la Fed ayant indiqué auparavant être prête à ajuster ses actifs de façon appropriée si cela se révélait être nécessaire pour promouvoir une reprise plus forte.
La politique monétaire s’est donnée pour but non seulement d’éviter une modération de l’activité mais aussi de faire en sorte que la croissance dépasse son rythme potentiel, seul moyen de ramener le taux de chômage à l’équilibre (entre 5,2 et 6%). Autrement dit, il ne serait pas besoin d’un franc ralentissement, sans même parler de récession, pour que soit lancé un QE3, vraisemblablement sous la forme d’achats de MBS.
– Le déséquilibre extérieur
Le creusement du déficit extérieur américain, qu’il soit la conséquence d’une poussée de l’endettement des ménages comme dans les années 2000 ou du gonflement du déficit budgétaire comme par exemple dans les années 1980, a été un thème de choix dans les débats économiques des dernières décennies. Ce déséquilibre a constitué l’une des sources de la crise. Le caractère excessivement accommodant de la politique monétaire américaine a, d’une part, contribué à soutenir la demande interne et donc les importations et, d’autre part, stimulé la recherche de rendement et donc la prise de risque et les sorties de capitaux privés. Simultanément, le souci de maints pays émergents de limiter les pressions baissières sur le dollar les a conduits à recycler leurs avoirs officiels en titres du Trésor américain, renforçant ainsi le caractère accommodant des conditions monétaires et financières. Avec le désendettement du secteur privé, le caractère toujours aussi accommodant de la politique monétaire américaine n’a plus eu pour effet ces dernières années de creuser le déficit extérieur. De fait, en dépit du retour du niveau d’activité à celui observé avant la récession de la fin des années 2000, la balance courante américaine affiche, fin 2011, un déficit réduit de moitié par rapport à 2006 (2,9 points de PIB contre 6). Ce recul ne peut plus être simplement imputable à la récession, le déficit étant quasi stabilisé depuis deux ans, en dépit d’une hausse sensible de la facture énergétique, passée de 2,2 points de PIB en moyenne dans les années 2000 à 3,3 aujourd’hui. La balance courante américaine bénéficie traditionnellement d’un excédent du poste revenus (1,6 point de PIB), en dépit d’une position extérieure nette négative (USD -3 600 milliards, soit 23,8% du PIB), cela tient au fait que la rentabilité des avoirs extérieurs (avec des investissements directs qui tiennent une large place) dépasse très sensiblement celle des avoirs des non-résidents aux Etats-Unis dans lesquels les Treasuries tiennent une place dominante.
Hors pétrole, le solde des biens et services s’est considérablement redressé pour se limiter à environ 1,4 point de PIB en 2011 contre 3,7 points au milieu des années 2000. Le solde des services affiche, certes, un excédent croissant mais qui reste modeste (1,2 point de PIB contre 0,5 au début des années 2000). C’est du côté de la balance commerciale que les modifications sont les plus notables. Les Etats-Unis ont cessé de perdre des parts de marché. Le ratio des exportations américaines aux exportations mondiales, tombé de 13,5% au début des années 2000 à 9,5% dans les dernières années de la décennie, a amorcé un redressement (10%). Les exportations hors pétrole, de 6,9% du PIB au début des années 2000, ont atteint 9,2% du PIB fin 2011.
Plusieurs éléments sont à l’origine de cette embellie. D’abord, une modification de la structure des exportations par destination géographique. Depuis le milieu des années 2000, la part du Japon et de la zone euro dans les ventes américaines à l’étranger a reculé de 21,3 à 17,7%, tandis que celle des BRIC passait de 7,6 à 11,9%. La Chine seule est un débouché comparable au Royaume-Uni et à l’Allemagne réunis. Si la tendance devait se poursuivre, les BRIC fourniraient d’ici à cinq ans un débouché comparable à l’ensemble zone euro et Japon. Ensuite, le commerce extérieur américain bénéficie d’un dollar faible. En termes effectifs contre un panier de devises large, le dollar est inférieur de 30% à son niveau historique (de 22% contre euro et de 45% contre yen). En termes de change effectif réel, c’est-à-dire correction faite des écarts d’inflation, le dollar se situe à environ 15% en deçà de son niveau de longue période. Enfin et surtout, les échanges américains bénéficient de considérables progrès réalisés sur le plan des coûts. Depuis la sortie de la récession au printemps 2009, la conjugaison de salaires maîtrisés et de gains de productivité substantiels a permis un recul des coûts unitaires du travail de 5,5% hors secteur financier, le repli atteint même 7,6% dans l’industrie manufacturière et 11,7% pour les seuls biens durables. Les écarts de coûts unitaires avec les émergents se résorbent. Si l’on ajoute à cela les conséquences du développement de nouvelles techniques d’extraction du gaz sur les coûts de l’énergie, le redressement de l’industrie américaine pourrait bien surprendre. Déjà, le rythme des créations d’emplois dans l’industrie, depuis deux ans, l’emporte sur celui constaté par exemple en Allemagne. Si cette tendance devait perdurer, le mouvement de désindustrialisation serait interrompu, le secteur manufacturier, source essentielle des exportations, verrait sa part dans la valeur ajoutée se redresser.
Récession modérée en Europe
– La conjoncture
Le PIB de la zone euro s’est contracté de 0,3% au dernier trimestre 2011. Toutes les composantes de la demande interne ont affiché un retrait. Seul le commerce extérieur a apporté une contribution positive à la croissance (0,3 point) malgré un repli des exportations de 0,4%, les achats à l’étranger ayant diminué plus rapidement encore.
Les indicateurs conjoncturels ont véhiculé des messages contrastés. Les ventes au détail ont augmenté de 0,3% en janvier mais après quatre mois consécutifs de recul, ce qui met leur niveau à 0,8 point en dessous de la moyenne du quatrième trimestre 2011. Le redressement du PMI manufacturier s’est poursuivi (à 49 en février, 46,4 en novembre) mais seuls l’Allemagne (à 50,2), l’Autriche (52,0) et les Pays-Bas (50,3) sont en territoire d’expansion. Avec une stabilité de l’indice dans les services (49,2 contre 49,1 en janvier), l’indice composite est repassé sous la barre de 50 (à 49,3).
L’indice de sentiment économique, tiré de l’enquête mensuelle de la Commission européenne, a progressé en janvier et de nouveau en février, retrouvant ainsi son niveau du début de l’automne dernier, un profil que l’on retrouve aussi bien dans l’industrie que dans les services ou chez les consommateurs. La récession est vraisemblablement appelée à être moins forte qu’on ne pouvait le craindre il y a quelques mois. Sur le plan des données nationales, l’Allemagne tranche avec le reste de la zone, avec des indicateurs nettement mieux orientés. Ainsi l’indice IFO du climat des affaires (à 109,6) a retrouvé son niveau de juillet dernier. L’amélioration se vérifie tout autant sur les jugements portés sur la situation présente que sur les anticipations, de plus elle touche tous les secteurs : industrie, services et commerce.
La politique monétaire
La BCE a procédé à une deuxième opération de refinancement à 3 ans le 29 février. L’apport de liquidité à quelque 800 banques a été de EUR 529,5 milliards (EUR 310 milliards d’euros en termes nets). Cette opération fait suite à celle du 21 décembre ; l’apport avait été de EUR 489,2 milliards (EUR 193 milliards en net) pour 523 banques. Ces opérations ont permis de mettre un terme aux tensions sur le financement tant des banques que des Etats. A titre d’exemple, le rendement italien à 10 ans s’est contracté de 59 points de base à 4,95% dans la dernière semaine de février, bien loin des 7% atteints au plus fort des tensions sur la liquidité de l’automne dernier. Le rendement espagnol à 10 ans s’est replié de 20 points de base à 4,87%. Les établissements de crédit ont utilisé une partie des prêts de la BCE pour acquérir des titres souverains.
Ainsi, selon les statistiques de la BCE, EUR 52 milliards de titres italiens auraient été ainsi achetés en janvier. L’adjudication française du 1er mars est ressortie avec un taux de 2,91% contre 3,13% début février. En dépit du jugement positif porté par la Troïka (Union européenne, BCE, FMI) sur la politique de consolidation et de réformes structurelles menée par le Portugal, les titres portugais ont échappé à l’embellie. Il est vrai que la note souveraine a été dégradée en non-investment grade, et des doutes persistent sur les marchés quant à la capacité du pays à faire appel, comme prévu, au marché dès le deuxième semestre 2013. Le rendement irlandais s’est replié de 76 points de base en un mois pour passer sous la barre des 7% début mars.
Les opérations de la BCE ont traité le problème de liquidité qui affectait l’Espagne et l’Italie et évité qu’il ne se transforme en problème de solvabilité. Elles ont ainsi donné le temps nécessaire pour que la mise en œuvre des programmes de redressement budgétaire aboutisse à un renforcement de la confiance.
– Sur le front de la crise
Plusieurs avancées ont été réalisées sur le plan de la dette souveraine européenne. Le 13 février, le parlement grec a approuvé un nouveau plan de consolidation, condition nécessaire au lancement du PSI (Private Sector Involvement) et à l’approbation d’un nouveau plan de sauvetage, le 20 février; l’accord entre l’Eurogroupe et la Grèce sur un plan de soutien de EUR 130 milliards a été conclu, avec un renforcement de la surveillance de la mise en œuvre du programme avec, notamment, la présence permanente d’une « task force » en Grèce ; la mise en place d’un compte séquestre destiné à recevoir une partie des fonds de soutien qui sera allouée au service de la dette, lequel doit se voir confier un statut prioritaire dans la législation grecque ; le taux d’intérêt des prêts officiels est ramené à 1,5% (contre 2% avec une montée progressive à 3% auparavant) ; la BCE et les banque centrales nationales contribuent au programme via la redistribution des profits générés par les titres achetés avec une décote.
Le 24 février, la Grèce a lancé le PSI (l’échange volontaire de dette avec ses créanciers), tandis que le Parlement adoptait l’insertion rétroactive de clauses d’action collective pour les obligations relevant du droit grec (86% du total) dans le but de permettre l’échange de la dette, au cas où le nombre de créanciers volontaires à l’échange ne serait pas suffisant. Les créanciers privés subissent un hair cut de 53,5% sur le nominal de leurs titres, dont l’encours est de EUR 206 milliards, 31,5% de la dette étant échangée contre de nouveaux titres d’une maturité de 11 à 30 ans assortis d’un coupon de 3,8%, et 15% contre des titres à 2 ans5.
Le 1er mars, les chefs d’Etat européens ont signé le traité portant sur la stabilité, la coordination et la gouvernance de l’UEM, jusque-là connu sous le nom de « fiscal compact ». Les signataires (à l’exclusion du Royaume-Uni et de la République tchèque) se sont engagés à faire voter une règle d’or (plafonnement, sauf circonstances exceptionnelles, du déficit structurel (hors effets du cycle) à 0,5 point de PIB). Compte tenu des incidences sur la souveraineté, un référendum a été décidé en Irlande, un vote à majorité qualifiée par les deux chambres pour l’Allemagne. Même si l’unanimité n’est pas requise, le processus d’adoption est de nature à entretenir à nouveau l’incertitude sur les marchés. Pour l’heure, enfin, la contribution du FMI au programme grec n’est pas connue tandis que la décision de revoir la taille des fonds de stabilité (FESF, MES) est repoussée à fin mars.
Le déficit budgétaire espagnol pour 2011, estimé à 8% du PIB en décembre, a été revu à 8,5% ; l’objectif était de 6%. Ramener le déficit en ligne avec l’objectif initial pour 2012 de 4,4% supposerait un renforcement des mesures de consolidation bien au-delà de celles annoncées à la fin de l’an dernier (à hauteur de 1,5 point de PIB), ce qui pourrait entraîner l’Espagne dans une spirale dépressive entre mesures correctrices et déficit. C’est pour éviter cela que le ministre des Finances, tout en réaffirmant l’objectif de 3% pour 2013, a revu à 5,8% l’objectif 2012. L’objectif initial ignorait la dérive de 2011 et se fondait sur une hypothèse de croissance de 1,3%, alors que le nouveau gouvernement anticipe une contraction du PIB de 1,7%. La révision de l’objectif n’apparaît pas perçue défavorablement par les marchés : souplesse et réalisme sont plus favorables à la crédibilité que l’obstination et l’ignorance du contexte économique.
Encadré : Les principales mesures prises depuis 2010
Grèce
- Réduction substantielle des rémunérations et des retraites de la fonction publique
- Réduction du salaire minimum de 22% à 586 euros (-36% pour les moins de 25 ans)
- Allongement de la durée de cotisations et report de l'âge légal de départ en retraites à 65 ans
- Hausse du taux principal de la TVA à 23% et d'autres taxes indirectes (alcool, tabac, carburants)
Portugal
- Baisse moyenne de 5% des rémunérations de la fonction publique et gel des salaires
- Baisse des pensions de retraites supérieures à 1 500 euros.
- Réduction de la masse salariale de la fonction publique (baisse de l'emploi de 1% dans la fonction publique nationale, de 2% au niveau local et régional)
- Hausse de la TVA à 23% (+1,5 pt en 2 fois), suppression du taux de TVA réduit pour l'électricité et le gaz naturel
- Instauration de péages autoroutiers
Espagne
- Baisse de 5% des rémunérations des fonctionnaires et gel des salaires et des embauches (hors hôpitaux, sécurité, éducation)
- Report de l'âge de la retraite à 67 ans
- Gel des retraites de la fonction publique
- Hausse de la TVA à 18% (+2 pts)
- Hausse progressive de l'impôt sur le revenu et réinstauration de l'impôt sur la fortune
Irlande
Au total entre 2010 et 2012, environ 14 milliards d’économies (5,4 en 2010 ; 5,3 en 2011 et 3,2 en 2012) dont deux tiers sont des coupes dans les dépenses et un tiers des hausses de recettes
- Baisse de 14,5% des salaires dans la fonction publique (puis baisse de 10% pour les nouveaux entrants en 2011, gel général de 2011 à 2015)
- Réforme des pensions des nouveaux fonctionnaires et report de l’âge de départ à la retraite à 66 ans en 2014 (67 ans en 2021 et 68 ans en 2028)
- Baisse des dépenses de protection sociale
- Hausse de la TVA à 23% (+2 pts) d'autres taxes indirectes (vignette automobile, tabac…)
- Instauration d’une taxe carbone et hausse prévue en 2012
Italie
- Baisse des effectifs de la fonction publique, gel des salaires jusqu'en 2014 (baisse pouvant atteindre 10% sur les salaires les plus élevés)
- Report de l'âge de la retraite à 67 ans
- Gel des retraites jusqu'en 2013 (sauf retraites les plus faibles)
- Hausse du taux normal de la TVA à 23% (+ 3 pts en deux fois en octobre 2012) et des taux réduits
- Introduction d'un impôts sur les plus hauts revenus (> à 300 000 euros/ an)
- Hausse de l'imposition des revenus du capital (jusqu'à 20%, hors détention de titres de dette publique) et réintroduction de la taxe sur la résidence principale.
NOTES
- Le Senior Loan Officer Opinion Survey faisait état d’un solde des réponses en matière de resserrement des conditions de crédit immobilier passé de 74% fin 2008 à 1,9% début 2011 et -5,7% début 2012. Cette même enquête indiquait un solde relatif à la demande de -60% en 2008, mais +3% début 2012.
- Solde des réponses pour T1 2012 à 5,4 et 1,9 respectivement pour les entreprises grandes et moyennes et pour les petites.
- Le solde des réponses passe de -44,2 à -46,4 du T4 2011 au T1 2012.
- Le solde des réponses relatif à la demande de crédit pour les grandes et moyennes entreprises, tombé de 20 à -15,7 au T4 2011, s’est redressé à 19,6 au T1 2012.
- Pour plus de précisions, voir T. Mercier : « PSI grec, à défaut de défaut », Ecoweek, publication hebdomadaire BNP Paribas, n°12-09, 2 mars 2012.