par Caroline Newhouse, économiste chez BNP Paribas
Dans la zone euro, les dernières enquêtes publiées (PMI et Commission européenne) indiquent que le rythme de contraction de l’activité ralentit et que cette dernière pourrait se redresser au cours des prochains mois. C’est en substance, le message qu’a délivré Mario Draghi, à l’occasion de la réunion du Conseil des gouverneurs de la Banque centrale européenne qui s’est tenue exceptionnellement mercredi 4 avril.
S’il est trop tôt pour crier victoire et commencer à parler de stratégie de sortie de crise, le Président de la BCE a évoqué, et c’est une première depuis sa nomination en novembre dernier, la nécessaire vigilance face aux éventuels effets de second tour sur les salaires, les profits et le niveau général des prix. Il a même ajouté que la Banque centrale réagirait de façon ferme et opportune aux risques haussiers sur les prix.
Il s’agit clairement d’un message qui se veut rassurant à l’attention de M. Weidmann, le Président de la Bundesbank. En effet, si le niveau élevé du taux de chômage dans la zone euro (10,8% en février) constitue un frein à la hausse des salaires, il n’en va pas de même en Allemagne où il se situe à un plus bas depuis la réunification (6,7% en mars dernier). A cet égard, les premières tensions salariales sont perceptibles dans la fonction publique, où le syndicat Verdi a négocié une hausse de 6,3% des rémunérations, étalée sur deux ans (+3,5% rétroactif au 1er mars, puis +1,4% en janvier 2013 et +1,4% en août 2013).
S’il est trop tôt pour dire que le pire de la crise est passé, le fait que plusieurs grandes banques européennes soient prêtes à rembourser de façon anticipée jusqu’à un tiers des liquidités empruntées à trois ans la BCE est plutôt bon signe. Si l’embellie de la situation économique et financière est perceptible dans la zone euro, on ne peut toutefois exclure tout risque de rechute. La crise pourrait connaître encore quelques sursauts avant de se résorber définitivement, et le « triangle » vicieux « risque souverain – crise de financement bancaire – croissance » pourrait redevenir d’actualité.
Pour l’heure, les marchés s’inquiètent à nouveau de la situation en Espagne. Il en est pour preuve la remontée des taux espagnols au cours des dernières semaines (l’écart de taux à 10 ans entre l’Espagne et l’Allemagne s’est établi à 388 points de base, un plus haut depuis novembre dernier, cf. graphique) et les résultats décevants de la dernière adjudication du Trésor espagnol, mercredi dernier (seulement EUR 2,6 milliards placés).
Pourtant, le gouvernement Rajoy se montre déterminé à assainir la situation des finances publiques du pays et à tenir ses engagements européens de réduction du déficit public de 8,5% en 2011 à 5,3% en 2012. Selon le détail du budget 2012, dévoilé en début de semaine, hausses d’impôts sur le revenu et les sociétés et coupes drastiques dans les dépenses publiques, représentant un total de EUR 27,3 milliards, sont au menu et infligent la cure d’austérité la plus sévère depuis les années 70. Mais cette détermination est à double tranchant. Les hausses d’impôts et le gel des salaires dans la fonction publique pourraient entraîner une contraction de l’activité encore plus marquée qu’anticipé (-1,7%, selon le gouvernement) provoquant un nouveau dérapage des finances publiques et compromettant fortement le retour du déficit public à 3% du PIB en 2013.
Par ailleurs, le gouvernement dispose de peu de marges de manœuvre pour faire pression sur les dix-sept régions autonomes qui gèrent les dépenses régionales de santé et d’éducation. Or leurs dépenses cumulées à celles des autorités locales représentent environ la moitié du total des dépenses publiques. Et c’est leur dérapage structurel qui a principalement été mis en cause l’année dernière pour expliquer celui des finances publiques espagnoles.
Enfin, les investisseurs craignent aussi le risque de contagion éventuelle de la crise espagnole à l’Italie. Le rallye observé sur le 10 ans italien est en trompe-l’œil depuis le début de l’année. Il est majoritairement le fait des banques italiennes qui ont pu apporter en nantissement leur portefeuille obligataire auprès de la BCE à l’occasion des deux opérations LTROs fin 2011 et début 2012. Pourtant, le gouvernement Monti vient de mettre la dernière main à la réforme du marché du travail, et en particulier à l’article 18 du code du travail. Le texte va maintenant passer devant le Parlement. Il prévoit d’assouplir les règles régissant les contrats à durée indéterminée -les employeurs pourront plus aisément licencier en cas de faute professionnelle ou pour des raisons économiques- tandis que la signature de contrats à durée déterminée sera facilitée.