par Philippe Ithurbide, Directeur Recherche, Stratégie et Analyse chez Amundi AM
Au moment de la publication de ce numéro, les élections françaises n’ont pas encore livré le nom du Président. Les derniers sondages indiquaient un avantage conséquent pour le candidat socialiste François Hollande, mais l’écart s’est progressivement resserré depuis quelques mois et ces toutes dernières semaines.
La prochaine étape concerne les élections législatives qui mettront fin, à la mi-juin, aux derniers points d’incertitude, à savoir l’identité du couple Président – premier ministre (gouvernement). La probabilité d’une cohabitation entre un président d’un parti (droite ou gauche) et un premier ministre d’un autre parti (gauche ou droite) est faible, mais pas impossible, et il convient de regarder de près les deux programmes en concurrence.
Certes, une fois en poste, certaines propositions seront développées, modifiées, amendées, d’autres mesures apparaîtront (notamment des mesures inévitables au regard de la situation actuelle, mais non présentées lors de la campagne électorale car peu populaires), d’autres enfin ne seront jamais mises en application et abandonnées graduellement … rien d’étonnant à tout cela.
Compte tenu des contraintes (crise de la dette, collégialité de certaines décisions …) et de la situation actuelle (nécessité de mieux maîtriser déficits et dette, de relancer emploi, compétitivité et croissance notamment), il n’y aura pas de véritable révolution, et cela quel que soit le président. La France ne se retrouvera pas dans la situation de 1981, lorsque l’élection de F. Mitterrand avait été marquée par un revirement total de la politique économique. La politique de relance isolée avait conduit à trois dévaluations du franc, au creusement des déficits commerciaux …. et à un nouveau revirement deux ans plus tard.
Cette fois-ci, quel que soit le candidat élu et le premier ministre choisi, il y aura seulement des inflexions, parfois importantes sur certains aspects, mais pas une véritable révolution qui pourrait mener à un creusement volontaire et isolé des déficits, à une pression pour un abandon de la zone euro … Ces inflexions ne devraient pas trop inquiéter les marchés financiers. Le seul grand changement devrait néanmoins être la recherche d’une plus forte croissance, mais cela se fera dans le cadre de la zone euro et non de façon isolée. Cela devrait d’ailleurs satisfaire agences de notation, FMI, population européenne, Commission Européenne, BCE et marchés financiers qui appellent cela de leurs vœux, pour certains d’entre eux depuis quelques temps déjà.
L’élection française n’est pas un non événement pour autant, et il convient de s’attarder sur les conséquences en matière de politique économique pour en évaluer l’impact, sur la situation de la France d’une part, mais aussi sur les marchés financiers. Rappelons que les thèmes prioritaires des français sont le pouvoir d’achat, la crise économique et financière, le chômage, les inégalités sociales, l’immigration, les déficits publics, l’insécurité et les retraites (enquête Ipsos/Logica Business Consulting – 19-21 avril 2012). La perte de « popularité » des politiques d’austérité vient du fait que les seuls effets visibles sont pour l’instant l’apparition de récession dans un nombre de plus en plus grand de pays, mais aussi de la difficulté grandissante à adopter des mesures de rigueur, ainsi qu’en témoigne la démission du gouvernement hollandais, pourtant champion de la rigueur. A cela s’ajoute le cycle inévitable de « deleveraging » qui ne manquera pas d’affecter également la croissance et les taux d’intérêt.
C’est dans ce contexte difficile de déficit de gouvernance de la zone euro, de récession et de « deleveraging » global que le prochain président français prendra ses fonctions. Le tableau des pages suivantes fournit un résumé de ce qui se trouve dans les propositions des candidats, leurs sites Internet … Il s’inspire largement, du moins pour ce qui concerne les mesures, d’un excellent supplément du journal « Le Monde » (« le guide des programmes »), publié le 19 avril. Il établit une comparaison entre les options des deux candidats, N. Sarkozy et F. Hollande. On y voit notamment de façon claire la volonté commune de réduire les déficits, de mieux maîtriser la dette, d’améliorer la compétitivité … et de sauvegarder la zone euro. On y voit également les divergences en matière de fiscalité et de mesures en faveur de l’emploi. Quelle sera la place de l’entreprise dans la prochaine politique économique, sans aucun doute une question centrale.