par Jean-Marie Mercadal, Directeur Général Délégué en charge des gestions chez OFI AM
Si oui, certains actifs sous-valorisés repartiront franchement à la hausse. Sinon, attention au risque systémique… Telle est la problématique majeure qui a animé notre Comité d’allocation d’actifs. L’issue est donc politique, de ce fait difficilement prévisible. Il est ainsi naturel de conserver des stratégies d’investissement assez prudentes… à contre coeur.
Autant nous ne sommes pas passés aveuglément positifs lors de notre dernier comité de mi-mars, quand l’optimisme régnait, autant nous considérons aujourd’hui qu’il ne faut pas voir que le verre à moitié vide. Certes, il nous est difficile de conseiller à nos investisseurs d’augmenter significativement leur niveau de risque. La situation européenne est confuse et sa résolution relève d’une intime conviction. Mais la stricte lecture des valorisations milite, au moins, pour un rééquilibrage en faveurs d’actifs qui ont beaucoup baissé depuis la mi-mars et qui ont partiellement intégré un scénario très noir… De plus, la situation technique des marchés ressemble par certains côtés à celle de mars 2009 : le scénario négatif est très largement consensuel et la part des actions dans les portefeuilles est proche des plus bas…
Si une solution est trouvée, ou même seulement évoquée, les marchés pourraient ainsi rebondir rapidement, d’autant que le panorama économique et financier mondial reste correct. Certes, les derniers indicateurs montrent un tassement généralisé de l’activité, mais nous avons le sentiment que l’économie internationale se situe dans une phase de ralentissement de milieu de cycle qui n’a rien à voir avec le trou d’air de l’année dernière, et qui présente même quelques avantages. Les politiques monétaires vont rester accommodantes et les matières premières ont reculé significativement, notamment le pétrole qui perd plus de 20 % depuis ses plus hauts de mars dernier.
La croissance mondiale devrait ainsi atteindre 3,5 % cette année, avec un peu plus de 2 % aux États-Unis. Dans ce pays, l’industrie, les ventes de détail et l’immobilier montrent des signes encourageants qui éloignent les risques de récession, contrairement aux craintes de l’été 2011. En Chine, la retombée à moins de 50 % de l’indice PMI HSBC (48,7 %) a un peu surpris, mais depuis, les autorités monétaires et politiques ont modifié leur orientation et appliquent désormais une politique procyclique : baisse du taux des réserves obligatoires des Banques, plan de relance avancé dans les infrastructures de 150 Mds$, primes à la consommation sur l’électroménager… Bref, le ralentissement a plus de chances d’être « soft » que « hard ».
Dans ces conditions, l’heure n’est pas à la tension des taux d’intérêt
Au cours des 12 derniers mois, il y a eu une petite dizaine de baisses des taux dans les pays émergents. Les pressions inflationnistes liées aux tensions sur les matières premières se sont estompées. De même, et au vu des taux de chômage encore élevés de part et d’autre de l’Atlantique, il semble assez évident qu’il n’y aura pas de hausse des taux aux États-Unis et en Europe. Il est également fort possible que les politiques « non conventionnelles » de soutien soient poursuivies (nouveau QE aux États-Unis, nouvel LTRO en Europe). Il n’y a pas beaucoup d’autres alternatives pour maintenir des conditions de financement avantageuses aux banques et aux gouvernements. Ces politiques de gonflement des bilans des Banques Centrales seront probablement inflationnistes à terme par la perte induite de la valeur des monnaies.
Nous estimons que cette thématique présente beaucoup d’attrait actuellement pour un investisseur de long terme : les niveaux d’inflation inscrits dans les cours des obligations indexées sont pratiquement revenus à leurs plus bas niveaux de l’automne dernier, notamment en ce qui concerne les obligations allemandes. Pourtant, quelques signes de reprise de l’inflation commencent à se manifester dans ce pays : hausses de salaires, hausses de l’immobilier… De même, l’or et les matières premières reviennent à des cours intéressants après les baisses de ces derniers mois, ainsi que les actions liées à ce secteur…
Sur les marchés obligataires, une nouvelle hiérarchie s’est mise en place…
Les gagnants sont les titres gouvernementaux américains, allemands ainsi que les obligations d’entreprise, considérées comme plus solvables que certains États. Pourtant, les rendements atteints sur les courbes des taux américaine et allemande défient toute rationalité : les taux sont à leurs plus bas niveaux historiques et les rendements réels y sont désormais négatifs. Les obligations françaises semblent assez chères au vu de la situation budgétaire du pays. Les obligations italiennes et espagnoles sont très intéressantes en relatif pour ceux qui ont la conviction que les autorités financières et politiques vont trouver des solutions. Le Mécanisme Européen de Stabilité va se mettre en place d’ici quelques semaines et sera doté d’une capacité d’intervention de près de 800 Mds€ de capital, il est également question de « project bonds »… Bref, il va falloir de la créativité et pourquoi pas un « TARP » européen… À suivre. Sur le segment des obligations d’entreprises, notre préférence va aux obligations « High Yield » qui offrent, après les replis récents, un rendement de l’ordre de 8 % pour des maturités intermédiaires de l’ordre de 4/6 ans. Les obligations convertibles ont assez bien résisté au cours des dernières semaines et ont prouvé leur caractère convexe. Le delta du gisement européen a mécaniquement baissé, passant de 35/40 à 27, la volatilité implicite revient à des niveaux de 35, en ligne avec celle des options.
Devises : la reprise du dollar semble en marche
Le dollar présente deux avantages : il reste dans l’ensemble encore sous-évalué par rapport à notre monnaie unique et il constitue une protection en cas d’éclatement de la zone Euro ou de regain de stress. Une nouvelle baisse des taux directeurs européens pourrait contribuer à accélérer ce mouvement, et la zone de 1,10/1,20 paraît atteignable au cours des prochains mois. Le dollar a également progressé contre la majorité des devises émergentes lors du dernier mouvement généralisé d’aversion au risque. Nous estimons qu’il s’agit d’un point d’entrée intéressant pour les obligations émergentes dans une perspective moyen terme.
Les actions sont de moins en moins chères…
Depuis pratiquement un an et demi, les actions baissent alors que les entreprises continuent d’accumuler des bénéfices : en conséquence, les valorisations des actions ont encore baissé ! Depuis le début de l’année et lors de notre dernier comité de mars, nous avions conseillé l’acquisition d’actions américaines pour leur caractère « défensif » par rapport à l’Europe et au vu de leur dynamisme relatif supérieur, sans parler du potentiel de revalorisation du dollar. Aujourd’hui, notre conseil serait plus nuancé et un rééquilibrage en faveur des actions européennes paraît logique après la vive correction récente, et même si un mouvement de révisions à la baisse des bénéfices commence à se manifester : on n’attend plus qu’une progression de près de 9 % désormais contre + 12 % en début d’année. Nos préférences vont aux grandes valeurs, à l’exception du secteur financier qui est difficile à analyser. Les grandes entreprises présentent des valorisations très intéressantes sur le plan des PER, des dividendes et des prix/valeurs d’actifs. Nous avons également une conviction positive à moyen terme sur les actions liées au thème de l’inflation (matières premières, mines d’or…), sur les actions émergentes qui ont beaucoup baissé récemment et sur les actions chinoises locales qui ont été particulièrement délaissées ces deux dernières années.