Moins vite, moins haut, moins fort

par Alexandra Estiot, économiste chez BNP Paribas

Le mois d’août sera stressant … La publication des chiffres de croissance du T2 ne devrait pas permettre de soulager les esprits. Les résultats chinois et américains sont déjà connus et ils ont confirmés que le ralentissement s’est étendu au-delà des frontières de la zone euro. La croissance chinoise est ainsi passée sous 8% en glissement annuel, au plus bas depuis 2009, et l’activité n’a progressé que d’un faible 1,5% (taux trimestriel annualisé) aux Etats-Unis.

Décevants, ces chiffres n’en sont pas moins positifs, ce qui n’a pas été le cas au Royaume-Uni, dont l’activité a non seulement reculé pour le troisième trimestre consécutif mais à un rythme plus sévère encore (-0.7% t/t), alors qu’il est difficile d’envisager une croissance positive pour la zone euro. L’Allemagne, et sait-on jamais la France, pourrait avoir échappé à un recul de leur PIB au deuxième trimestre, et les chiffres préliminaires de la Banque d’Espagne annoncent une contraction de l’activité espagnole moins marquée qu’attendu (-0,4% t/t). Mais, prise dans son ensemble, la zone auro aura vu son activité baissé entre les premier et deuxième trimestres (baisse trimestrielle attendue à -0,2%), contraction qui devrait se poursuivre au cours des trois mois suivants. Le seul message positif, si l’on en croit les indices PMI flash de juillet, est que le rythme de contraction ne devrait pas s’accentuer…

Davantage d’optimisme est difficile. Les pays émergents sont dans une situation bien moins encourageante qu’en 2008-2009, lorsqu’ils avaient soutenu la croissance mondiale. Reste que leurs marges de manœuvre budgétaires et monétaires sont plus importantes que dans les pays développés, qui doivent réduire leurs déficits publics alors que les taux directeurs sont déjà proches de zéro. S’il est ainsi possible de prévoir un rebond de l’activité des pays émergents au troisième trimestre, son ampleur sera limitée, ne soutenant que marginalement la croissance des pays riches. Les deux risques majeurs qui pèsent sur l’économie mondiale ne sont pas nouveaux : l’aggravation de la crise de la dette souveraine dans la zone euro et l’ajustement budgétaire aux Etats-Unis en 2013. Il ne faut pas attendre la moindre avancée quant au second point, le Congrès ne siégeant pas en août. La réponse institutionnelle de l’Europe ne devrait pas non plus enregistrer d’avancée significative, mais la crise elle-même pourrait s’aggraver, dans un contexte de faible liquidité sur les marchés au mois d’août.

La Grèce restera bien sûr un sujet de préoccupation, avec la tombée de dette de EUR 3,1 Mds du 20 août. Le gouvernement grec n’a, pour l’heure, toujours pas identifié la totalité des coupes budgétaires qui conditionnaient le deuxième plan d’aide, alors même que l’ajustement nécessaire pourrait être plus important, avec une économie qui n’en finit pas de sombrer dans la dépression. Nous ne doutons pourtant pas qu’une solution sera trouvée afin de permettre à la Grèce d’honorer ses obligations.

En Espagne, la recapitalisation des banques grâce à des fonds européens n’a pas permis de calmer les tensions sur les marchés, qui ont été par ailleurs alimentées par la question des finances publiques des régions autonomes. Les difficultés de réduction des déficits y sont patentes, poussant certaines d’entre elles à demander l’aide du gouvernement, dont on s’inquiète, en retour, de la capacité à faire face à des besoins de financement accrus. Le marché obligataire espagnol se tend sur toutes les échéances, la courbe des taux s’aplatit, reflétant, sur sa partie courte notamment, la probabilité accrue d’un recours aux fonds de soutien européens.

Les taux espagnols concentreront l’attention en août, mais il s’agit de ne pas sur interpréter leur évolution. Bien sûr, un niveau élevé des taux d’intérêt sur une période prolongée a des conséquences négatives sur la soutenabilité de la dette. Mais l’Etat espagnol a choisi, ou plus exactement a dû se résoudre à se financer à court terme. Dans la durée, cette stratégie est dangereuse, mais à court terme, elle permet un financement à moindre coût : ainsi, tant que les taux d’émission restent inférieurs au taux apparent de la dette, ce dernier n’augmente pas, et les effets directs sur la soutenabilité de la dette se limitent aux conséquences du raccourcissement de la maturité moyenne de la dette. La soutenabilité de cette stratégie est principalement dépendante de la capacité du système bancaire espagnol à absorber cette dette. On pense ici à l’expérience portugaise, où c’est bien la décision du système bancaire de ne plus participer à ce processus qui avait poussé l’Etat à demander l’aide internationale. L’ampleur des moyens mis en place pour assainir les banques espagnoles et la liquidité assurée par la BCE sont ainsi autant de bonnes nouvelles.

Mais tout ceci n’est rassurant qu’à court terme, et réduire le coût de financement des Etats du Sud de la zone euro reste une urgence absolue. Les mesures mises en place jusqu’ici, que ce soit par la zone euro ou les Etats membres, n’ont pas permis cette réduction, et il est de plus en plus évident que seule la BCE est en mesure de provoquer un tel mouvement. Les banques centrales seront ainsi, une fois de plus, les héros de l’été. De la Fed, on peut attendre la divulgation des grandes lignes d’une éventuelle troisième vague d’assouplissement quantitatif (QE3), qui pourrait être annoncée en septembre. La prochaine réunion du FOMC, qui s’achèvera le 1er août, pourrait d’ores et déjà aboutir à la prolongation, de 2014 à 2015, de l’assurance d’une politique accommodante, alors qu’il faudra chercher dans son compte-rendu, publié trois semaines plus tard, les premiers indices annonçant un QE3. Ben Bernanke pourrait aussi dévoiler plus de détails lors de son discours inaugural de la conférence de Jackson Hole.

De la Banque d’Angleterre, on attendra la publication du Rapport sur l’Inflation, le 8 août, qui devrait confirmer que l’inflation ralentit bien plus rapidement que prévu, ouvrant la voix à davantage d’assouplissement quantitatif. Quant à la BCE, la réunion du Conseil des Gouverneurs aura lieu le 2 août. Nous n’en attendons rien, bien qu’une bonne surprise ne puisse être exclue, Mario Draghi ayant réaffirmé cette semaine que « la BCE était prête à faire tout ce qu'il faudrait pour préserver l'euro ».

Retrouvez les études économiques de BNP Paribas